Le CHU Ibn Tofail accueille 100.000 visites par an. Pas moins de 25% sont des cas d'urgence graves et 1.200 des polytraumatisés qui passent par le déchocage. La troisième composante du SAMU, qui est très importante, est le service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) que nous pouvons considérer comme une grande révolution. L'hélicoptère est un lourd investissement qui nécessite un budget de 6 MDH/an avec un objectif de 50 évacuations annuellement. Depuis pratiquement cinq ans, le SAMU veille à développer cinq axes d'intervention. Des réformes sont engagées, des plans d'action sont mis en place... Mais dans la réalité, qu'est-ce qui a changé en particulier dans nos services d'urgence ? La Santé absorbe un budget important de l'ordre de 12,37 Mds de DH, soit plus de 6% du PIB, mais la prestation reste malheureusement mal perçue par le citoyen. L'investigation des journalistes de Finances News Hebdo a coïncidé, en grande partie, avec une période très chaude, à savoir la fête du sacrifice. Une période marquée, certes, par l'usage d'ustensiles tranchants, mais également par des déplacements et des voyages qui génèrent beaucoup d'accidents de la circulation. Aussi, le choix a-t-il été porté sur trois villes du Royaume, à savoir Tanger, étant donné que son centre hospitalier régional (CHR) Mohammed V prend en charge tout le Nord, Casablanca à cause de sa densité démographique et Marrakech dont l'hôpital Ibn Tofail chapeaute toute la région du Sud. CHU de Marrakech, une référence pour le Sud Le CHU de la ville ocre, étant le service d'urgence principal, connaît un afflux permanent. Mieux encore, pour des raisons géographiques et culturelles, il draine toute la région Sud (Marrakech-Tensift-Al Haouz, une partie de la région Doukkala-Abda, une partie de la région Tadla-Azilal et puis de Marrakech à Lagouira) soit un bassin de 7 millions d'habitants. Il accueille 100.000 passages par an. Pas moins de 25% (25.000) sont des cas d'urgence graves et 1.200 des polytraumatisés qui passent par le déchocage. En vue de faire face aux besoins d'une population sans cesse croissante, le service d'aide médicale urgente (SAMU) a vu le jour en mars 2008 avec comme objectif l'instauration d'une régulation médicale inter-hospitalière. Les services d'urgence SAMU disposent de quatre missions principales qui fonctionnent d'une manière intégrée. Le noyau dur est le service des urgences où les malades sont reçus, et où sont administrés les premiers soins. Dans ce noyau dur, nous retrouvons des équipes médicales qui travaillent 24h/24h. La seconde composante, aussi importante que la première, est le centre de régulation des appels médicaux, une sorte de centre d'appels, mais toujours avec les mêmes équipes en service. Même les autres hôpitaux de la région peuvent le solliciter pour un quelconque besoin : évacuer un malade, besoin d'un scanner ou encore un lit hospitalier au sein du CHU de Marrakech... Après, c'est le médecin régulateur qui s'occupe de la gestion de ce transfert inter-hospitalier. SMUR : la grande mue La troisième composante du SAMU très importante : c'est le service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) qui peut être considéré comme une grande révolution. Pourquoi ? Un brin d'histoire s'impose : auparavant, c'était toujours l'équipe de la Protection civile qui assurait toute l'assistance médicale urgente, avec des moyens de bord très limités. Eventuellement en cas d'importants afflux, les militaires intervenaient auprès de la Protection civile. Aujourd'hui, la donne a complètement changé et c'est amplement justifié. Le Maroc, pays très vaste à prédominance rurale avec des régions très éloignées et sous-médicalisées, a vraiment besoin d'un hélicoptère d'urgence. A titre d'exemple, la durée de transfert d'un malade de Zagora à Marrakech est en moyenne de 16 heures. Avec l'hélicoptère, le temps est de 3 heures pour l'aller/retour, avec 30 minutes pour déclencher l'opération à partir du moment où le régulateur est informé. Donc au bout de 4 heures, le malade est finalement admis dans un service des urgences, avec une réanimation et tout le plateau technique nécessaire. Sachant que durant ces quatre heures, le malade est accompagné de deux médecins et d'un infirmier qui lui prodiguent les soins nécessaires. C'est tout le but recherché. Hicham Nejmi, Directeur de l'hôpital et Chef de service des urgences SAMU, est convaincu que l'hôpital marocain doit sortir de ses blocs et intervenir sur le terrain. Il s'empresse d'ajouter que cette action n'est pas en contradiction avec ce que fait la Protection civile. Au contraire, il s'agit d'un travail complémentaire. «80% des interventions ne nécessitent pas obligatoirement la présence d'un médecin ou d'un infirmier et les premiers secours de la Protection civile sont largement suffisants. Mais pour les 20% restants, la présence d'un médecin est primordiale au cas où la Protection civile le réclame», explique H. Nejmi. Le leitmotiv est d'aboutir au principe que le SMUR et la Protection civile soient complémentaires. C'est dans ce sillage qu'une convention a été signée, récemment, entre le ministère de la Santé et celui de l'Intérieur, mais qui n'est pas encore officielle. C'est ce qui va révolutionner la santé au Maroc. Le citoyen marocain a besoin d'une attention très particulière en cas de difficultés. «Nous avons beau équiper nos hôpitaux, mais si en cas d'accident, le citoyen se sent délaissé, le taux d'insatisfaction sera toujours élevé», affirme H. Nejmi. Si demain, un citoyen pauvre ou riche remarque que l'Etat, à travers l'équipe médicale, a fait l'effort pour le secourir et le sauver, c'est toute la différence qui est là. Justement, le but du SMUR est que ce type d'interventions devienne routinier, à même de sauver des vies et soit complémentaire avec la Protection civile. «Ce sont ces interventions-là qui arriveront à changer l'image perçue par le simple citoyen de la santé», conclut-il. Aujourd'hui, le SMUR dispose d'un hélico et de six ambulances, dont deux de type A et A+. Ce sont des unités mobiles d'hospitalisation (UMH) qui ont été acquises au mois de mars dernier. Auparavant, il y avait quatre ambulances de type B qui sont moins bien équipées que les premières, mais qui ont fonctionné pendant trois ans. Elles sont suffisantes pour les transferts entre le centre de santé et l'hôpital et les urgences. Mais en cas de lourdes pathologies, il faut utiliser celles relevant de la catégorie A. Donc, au total, le SAMU est doté d' un parc de six ambulances et ce, grâce au concours de la direction régionale. Est-ce suffisant ? Oui, pour le moment. Pour la simple raison que le SAMU n'a pas suffisamment de ressources humaines pour faire fonctionner deux ou trois ambulances d'une manière simultanée. Au maximum, le SAMU peut intervenir avec deux ambulances. En vue de s'aligner sur ce qui se fait en France, une des grandes priorités est de pourvoir la région de Marrakech-Tensift-Al Haouz de ressources humaines et matérielles suffisantes pour doter certains hôpitaux provinciaux en équipes de SMUR. Et surtout, renforcer le SAMU de Marrakech pour lui permettre d'assurer les sorties primaires, à savoir intervenir sur la voie publique et ce, en collaboration avec la Protection civile. La quatrième composante et pas des moindres, c'est le centre d'enseignement aux soins d'urgences (CESU). On y trouve une salle de simulation où peuvent être effectués des exercices de simulation sur des situations d'urgence, de bloc ou de réanimation. Il y a également des salles de formation aux soins d'urgence, au secourisme... pour les médecins, les infirmiers et les ambulanciers, mais aussi pour des non professionnels tels que les agents de sécurité. Ce dernier volet revêt une importance capitale parce que le SAMU a pour objectif de former tout le personnel d'urgence de la région, soit approximativement un effectif de 210 personnes. La médecine d'urgence forme un tout. On y trouve certes le ministère de tutelle, mais il y a aussi la Gendarmerie, la Protection civile, la Sûreté nationale, les militaires, les autorités locales, le Croissant rouge marocain, les médecins privés... Donc, tous les partenaires de l'urgence sont appelés à travailler ensemble et coordonner leurs actions pour parvenir à un service irréprochable. Des concertations sont désormais à l'ordre du jour avec le ministère de la Santé publique pour mettre en place un plan d'urgence régional. Une fois ce plan opérationnel, ce sont les autres partenaires, tels que le Wali, qui vont être sollicités pour entamer les exercices de simulation à grande échelle. Ce sont là, grosso modo, les principaux axes d'intervention sur lesquels le SAMU travaille depuis pratiquement cinq ans. Dire que le SAMU de la ville ocre se hisse au même niveau que ceux des pays développés serait un leurre. Mais comme dit le proverbe : «Tout vient à point à qui sait attendre». Depuis le lancement de l'hélico, des vies humaines ont été sauvées. Si la santé a un coût, elle n'a pas de prix. Réalisée par S. Es-Siari & L. Boumahrou Les dates phares du SMUR 2008 : Le SMUR a commencé dans le cadre du plan d'action du ministère de la Santé où l'amélioration des urgences constituait un axe majeur. C'était uniquement la régulation inter-hospitalière. 2010 : Constitution du premier noyau de médecins régulateurs et commencement des SMUR secondaires à savoir les transferts inter-hospitaliers. 2013 : le mardi 5 mars, c'est le lancement officiel par SM le Roi de la Stratégie nationale de mise à niveau des urgences. C'est l'inauguration royale de la mise en application effective de l'hélico. De fortes ambitions Le SAMU est dans une démarche de réflexion avec le ministère de la Santé et la société héliconienne pour pouvoir disposer d'hélicos plus performants et pourquoi pas voler même la nuit. Il y a également une convention qui a été signée avec le ministère de l'Equipement qui va débloquer une enveloppe de 100 MDH pour aménager les zones de pose au niveau même des anciens des hôpitaux. Dans la stratégie nationale présentée au Souverain, il y a l'hélico d'Oujda et de Laâyoune qui sont normalement programmés pour 2014 si tout se passe bien. Celui de Tanger est prévu pour 2015. Il y en aura, donc, 4 au total pour pouvoir quadriller tout le territoire national. Cela permettrait, entre autres, d'alléger le service d'urgences d'Ibn Tofail. Une intervention en pleine montagne Récemment, dans un coin perdu de la région d'Azilal où, normalement, il faut trois jours pour atteindre la route principale à cause d'un chemin non carrossable et difficile à emprunter même pour la bête, le SMUR, via l'hélicoptère, est parvenu à sauver une femme enceinte qui a fait une hémorragie pendant plus d'une semaine. Heureusement, le Moqadem a eu le réflexe d'appeler le délégué médical qui, à son tour, a alerté le SAMU. Il a fallu trois heures à l'équipe pour ramener la patiente qui a été admise en urgence à la réanimation obstétricale du CHU. Une césarienne en urgence qui a sauvé, in extrémis, et la maman et l'enfant. En l'absence de l'hélico et l'intervention de l'équipe médicale sur place, la femme ne serait plus de ce monde.