La crise économique à Sebta et Mellilia perdure. En effet, la situation des deux enclaves espagnoles sur le sol marocain ne connaît pas d'amélioration, et ce, malgré le retour à la normale des relations entre Rabat et Madrid. Cette crise risque de s'accentuer avec la récente volonté du territoire britannique de Gibraltar, de renforcer ses relations commerciales avec le Maroc, se détournant ainsi peu à peu de l'Espagne voisine. Ainsi, le gouvernement de Gibraltar envisage de créer une nouvelle route commerciale avec le Royaume du Maroc, dans le cadre de sa recherche de solutions économiques alternatives en cas de poursuite du blocage de l'accord économique entre Londres et Bruxelles après les résultats du Brexit.
Des médias locaux, repris par Hespress, ont révélé le désir du gouvernement jouissant de l'autonomie et relevant de la Couronne britannique, et des entreprises locales, de chercher d'autres alternatives pour le commerce extérieur, surtout que la grande dépendance envers l'Espagne devient préoccupante pour les acteurs économiques locaux, qui ne voient pas de signes forts de parvenir à un nouvel accord économique avec l'Union Européenne.
Le gouvernement de Gibraltar avait déjà ultérieurement annoncé des mesures importantes pour renforcer les échanges commerciaux avec le Royaume du Maroc, y compris le bureau de la société Gibraltar-Maroc pour les échanges commerciaux dans la ville de Tanger, et la création d'une association d'affaires entre les deux pays.
Récemment, les relations commerciales entre Gibraltar et l'Espagne ont été affectées. En juillet dernier, Madrid a refusé la proposition du gouvernement local de Gibraltar de réduire la taxe sur la valeur ajoutée à 11%, et en février de cette année, Gibraltar a accusé les forces navales espagnoles de violer la souveraineté du territoire britannique en tirant sur des contrebandiers.
Cette liaison maritime n'est qu'un élément parmi tant d'autres, qui menacent la viabilité économique des deux enclaves. L'activité portuaire, détournée depuis des années par le port Tanger-Med, risque de plonger avec l'ouverture du port Nador West Med programmée pour 2024. De plus, le Royaume a investi dans la nouvelle Zone d'Activités Economiques de Fnideq (ZAEF), qui attire de plus en plus d'investissements. Cela réduit la dépendance de la population locale au commerce transfrontalier.
Incertitude en Espagne
Cette situation intervient en parallèle à l'incertitude qui règne dans les relations entre Rabat et Madrid. Le retour à la normale des relations entre les deux pays voisins reste tributaire de la formation du nouveau gouvernement espagnol. Or, l'initiative du gouvernement sortant de soutenir le plan d'autonomie proposé pour le Sahara marocain a été largement critiquée par les partis de l'opposition, Parti Populaire (PP) et Vox en tête. En cas de victoire de ces partis, ils ont même promis de revenir sur cette décision, compromettant ainsi l'avenir des relations entre le Maroc et l'Espagne.
Le chef du PP, Alberto Nunez Feijoo, a vu ses chances de devenir Premier ministre s'affaiblir malgré sa victoire aux législatives du 23 juillet. Malgré un siège supplémentaire obtenu lors du décompte des votes de l'étranger, le soutien espéré du Parti nationaliste basque a été refusé.
L'association avec l'extrême-droite Vox, malgré le retrait de leurs revendications ministérielles, reste un obstacle majeur. Le Premier ministre sortant, Pedro Sanchez, semble mieux placé pour rester au pouvoir, en comptant sur le soutien des députés basques et de la gauche républicaine catalane. Toutefois, la clé de la majorité pourrait reposer sur les nationalistes catalans. En cas d'échec de la formation d'un gouvernement, de nouvelles élections pourraient avoir lieu en fin d'année.
Tolérance zéro
Cette situation ajourne la réouverture des frontières et la reprise normale de la circulation entre Sebta et Mellilia et le Maroc. En juin dernier, des voix à l'intérieur de l'Espagne se sont élevées pour dénoncer le retard dans l'ouverture de ces frontières, en accusant Rabat d'un prétendu blocage dû au non-respect par le Maroc du calendrier convenu.
Ces allégations ont été rapidement réfutées par le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, qui a souligné que la feuille de route était pleinement respectée et que l'ouverture des douanes était un mécanisme complexe nécessitant des vérifications. Il s'était également félicité du premier passage de marchandises entre les deux pays. Le porte-parole du gouvernement espagnol avait également souligné que les négociations avancent, malgré la complexité des procédures.
Le Maroc est le perdant dans ces échanges transfrontaliers. Le pays a subi les effets néfastes de la contrebande, qui a conduit à la multiplication des réseaux de corruption et des organisations criminelles, générant des inquiétudes sur la sécurité globale. L'impact économique a été particulièrement destructeur, créant des distorsions concurrentielles et une perte estimée à 12,5 milliards de dirhams pour le pays.
Face à ces problèmes, les autorités marocaines avaient clairement exprimé leur volonté de mettre fin à la contrebande. Nabyl Lakhdar, directeur général de l'Administration des Douanes et Impôts Indirects, avait annoncé une politique de tolérance zéro à cet égard. De plus, le gouvernement marocain est déterminé à investir dans les zones du Nord pour offrir une alternative économique viable à la contrebande, en mettant l'accent sur un commerce licite et ordonné dans la future relance. Malgré les tensions, le Maroc et l'Espagne privilégient leurs intérêts Les revendications du Maroc concernant la restitution de Sebta et Mellilia ne nuisent pas à la relation entre le Royaume et l'Union Européenne (UE), selon la Commission Européenne (CE). La CE a répondu ainsi à la motion de deux eurodéputés espagnols qui demandaient la sanction du Maroc pour sa remise en cause de l'identité espagnole des deux enclaves. Le Haut représentant de l'UE, Josep Borrell, a réitéré l'importance de la protection des frontières de l'UE, tout en assurant que Bruxelles ne reviendrait pas sur son association avec le Maroc.
Le Maroc avait vivement réagi aux déclarations du vice-président de la CE, Margaritis Schinas, concernant les villes, affirmant leur marocanité. Malgré ces tensions, le Maroc et l'Espagne ont récemment mené à bien le premier passage de marchandises à la douane de Sebta, et une candidature commune Maroc-Espagne-Portugal pour l'organisation du Mondial 2030 symbolise la priorisation des intérêts communs malgré les obstacles.