Fitch Solutions revoit à la hausse ses prévisions de croissance pour le Maroc en 2023. Elle table désormais sur une augmentation du Produit Intérieur Brut (PIB) de 2,3% au lieu de 1,9% prévue initialement. « Le secteur agricole nous a surpris à la hausse (croissance de 6,9% par rapport à notre prévision de 2,4%) malgré les conditions météorologiques défavorables et les coûts élevés des intrants qui ont affecté le secteur agricole au cours de la saison 2022/2023 », souligne l'agence de notation internationale.
Dans une récente note, l'agence financière américaine ajoute que la consommation privée et l'investissement se sont inscrits à la baisse en raison de l'inflation et de la hausse du coût de l'emprunt.
L'agence indique, en revanche, que la bonne tenue des exportations et la maîtrise des importations l'ont incitée à revoir à la hausse la contribution des exportations nettes au PIB, compensant les faiblesses de la consommation privée et de l'investissement et faisant des exportations nettes le principal moteur de la croissance.
Une demande d'exportation résiliente
Fitch affirme dans sa note « Resilient Export Demand To Shore-Up Morocco's 2023 Growth Amid Underlying Weakness » que la croissance des exportations réelles au 1er trimestre 2023 (19,8% en glissement annuel) a largement dépassé la croissance des importations réelles au cours de la même période (8,8%). Cela s'explique principalement par une croissance meilleure que prévu du secteur agricole, qui a limité les importations de produits alimentaires et agricoles, ainsi que par une forte croissance des exportations d'automobiles. En effet, le volume des importations agricoles et alimentaires au 1er trimestre 2023 a été contenu à 0,5% en glissement annuel, tandis que le volume des exportations d'automobiles et de pièces automobiles a bondi de 34,9% en glissement annuel au cours de la même période. Cela dit, Fitch Solutions prévoit que la croissance des exportations commencera à ralentir au cours des prochains trimestres avec le ralentissement de la croissance dans la zone euro (principal partenaire commercial du Maroc), mais restera relativement résiliente.
« En effet, les données pour avril et mai 2023 ont montré que la croissance du volume des exportations d'automobiles et de pièces automobiles a ralenti à 16% en glissement annuel, ce qui suggère que la demande extérieure ralentit, mais reste relativement élevée. De même, les effets de base favorables de la réouverture des frontières du pays en février 2022 s'estomperont au cours des prochains trimestres, entraînant une nouvelle décélération des exportations de services », explique Fitch.
En conséquence, l'agence prévoit que les exportations nettes contribueront à hauteur de 0,6% au PIB en 2023. Cela marque une révision à la hausse par rapport à -0,5% précédemment, et sera supérieure à la moyenne pré-Covid de -0,2%.
Une consommation privée plus faible
Dans un autre volet, Fitch Solutions indique que la croissance de la consommation privée n'a atteint que 0,1% au 1er trimestre 2023, « un niveau inférieur à ce que nous avions prévu, dans un contexte d'inflation élevée et de chômage élevé ».
L'agence pense que la persistance de ces vents contraires au cours des prochains trimestres continuera de peser sur la consommation privée tout au long de l'année 2023. « En effet, même si nous prévoyons une décélération de l'inflation par rapport aux niveaux actuels, elle restera élevée car nous constatons que les prix continuent d'augmenter de 6,5% en glissement annuel d'ici décembre 2023 », explique-t-elle.
De même, Fitch voit une marge de manœuvre limitée pour que le taux de chômage diminue de manière significative par rapport à son sommet actuel sur plusieurs décennies de 12,9%, la demande intérieure restant relativement atone.
Dans l'ensemble, l'agence de notation internationale prévoit que la consommation privée contribuera à hauteur de 0,4% à la croissance du PIB. « Cela marque une révision à la baisse par rapport à notre prévision précédente de 0,8%, et sera nettement inférieur à la contribution moyenne pré-Covid de 2,1% », estime-t-elle.
L'investissement sera plafonné par des taux d'intérêt plus élevés
Autre élément soulevé dans ce rapport : l'investissement s'est contracté de 2,6% en glissement annuel au 1er trimestre 2024. Cela contraste fortement avec ses attentes d'une légère hausse de l'activité d'investissement, « car la flambée des coûts d'emprunt ((augmentation cumulée de 150 points de base des taux d'intérêt du pays depuis septembre 2022) a découragé les investissements du secteur privé ».
D'après Fitch, cela s'est produit malgré une augmentation de 16,4% en glissement annuel d'investissements publics entre janvier et mai 2023, alors que le gouvernement cherche à soutenir l'activité économique. Quoi qu'il en soit, l'agence s'attend à ce que l'investissement privé continue de faire face à des vents contraires au cours des prochains trimestres, car elle prévoit que Bank Al Maghrib continuera d'augmenter son taux directeur de 100 points de base supplémentaires à 4,00% d'ici la fin de l'année pour freiner l'inflation élevée. Cela dit, l'agence prévoit des investissements publics plus importants à mesure que les promesses d'investissement du gouvernement dans le budget 2023 se concrétisent. « En effet, les investissements promis par le gouvernement tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du budget dans le cadre du budget 2023 s'élèvent à 300,0 Md MAD (20,7% du PIB) », ajoute-t-elle.
L'agence pense que la matérialisation de ces investissements verra l'investissement contribuer à hauteur de 0,6% au PIB. Cela marque une révision à la baisse par rapport à notre précédente prévision de 1%, et sera inférieur à la moyenne sur 10 ans pré-Covid-19 de 0,9%.
Pour conclure, Fitch estime que les risques pesant sur ses perspectives sont mitigés. « Du côté positif, une baisse plus forte que prévu des prix mondiaux des matières premières, principalement l'énergie, pourrait se traduire par une inflation au Maroc plus faible que ce que nous anticipons actuellement. Cela atténuerait certains des vents contraires à la consommation privée et nous inciterait à revoir à la hausse nos prévisions de PIB. A l'inverse, un ralentissement plus marqué que prévu de la demande d'exportations marocaines, notamment en zone euro, pèserait sur la croissance des exportations, nous incitant à revoir à la baisse notre prévision de croissance globale », fait valoir la même source.