D'après le cabinet de conseil et d'audit international PwC, l'inflation et la volatilité macroéconomique constituent les risques majeurs pour les entreprises marocaines pour l'année à venir. Ce lundi 3 avril, PwC, un cabinet de conseil, d'audit et d'expertise juridique et fiscale dont le siège est à Londres, a dévoilé les résultats de la première édition Maroc- CEO Survey. Intitulée « Le dirigeant à l'épreuve de la résilience », cette étude a été menée du 4 octobre au 11 novembre 2022 auprès de 4410 dirigeant(e)s dans le monde, dont 45 au Maroc. Dans cette enquête, les risques conjoncturels (inflation et volatilité macroéconomique) sont qualifiés par les dirigeants d'entreprises, mondiaux et marocains, comme étant des principales menaces pour l'année à venir. De même, l'inflation est identifiée comme une des menaces les plus importantes au Maroc (49% des dirigeants), soit plus de 18 points de plus que dans le reste du monde (31%) et en Europe (33%).
Une prise de conscience relative des risques ESG
Dans le détail, l'enquête montre que les dirigeants marocains sont conscients de l'importance du sujet au niveau national (stress hydrique, coût de la facture énergétique...), mais se sentent moins concernés au niveau de l'impact sur leur entreprise à court terme. En effet, seuls 24% des dirigeants marocains considèrent que leur entreprise est menacée par les changements climatiques sur les 12 prochains mois et il semble que les répondants considèrent cet enjeu plus à moyen qu'à court terme. Effectivement, soulignent les analystes de PwC, l'urgence climatique se fait ressentir de manière plus importante à horizon cinq ans pour 40% des répondants. Bien que la menace des inégalités sociales sur l'entreprise soit plus faiblement identifiée par les dirigeants marocains (16%), ce taux reste plus élevé par rapport aux répondants au niveau mondial (9%). « Au-delà des risques liés aux changements climatiques et environnementaux qui doivent être appréhendés de manière concrète, et à court terme par les entreprises, les enjeux de développement durable, dits "ESG" (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) sont un sujet majeur à intégrer dans les stratégies d'entreprises. C'est une exigence "must have", à tous les niveaux, qui répond à une attente forte des parties prenantes de l'entreprise (actionnaires, investisseurs, clients, salariés...)», a déclaré Assia Benhida, Associée ESG Leader, PwC au Maroc.
Le risque cyber moins fortement craint au Maroc
L'enquête montre, par ailleurs, que la volonté d'investissement en matière de cyber sécurité est moins forte pour les dirigeants marocains (28%) en comparaison avec les dirigeants européens (50%) ou mondiaux (48%). Ce constat rejoint celui vu précédemment indiquant que les risques cyber étaient moins fortement craints par les dirigeants marocains que par leurs homologues étrangers puisqu'à court terme seuls 13% des dirigeants(es) marocains(es) estiment être très exposés au risque cyber.
Une confiance en l'avenir qui s'érode
L'enquête démontre aussi que 80% des chefs d'entreprises au Maroc pensent que la croissance économique mondiale va ralentir, contre 73% dans le monde. On observe aussi un plus faible attentisme au Maroc qu'ailleurs, puisque seulement 4% des dirigeants penchent pour une croissance stable à 12 mois (contre 8% dans le monde). Enfin, très peu parient sur une accélération de la croissance (16% au Maroc contre 18% dans le monde). Interrogés sur les perspectives économiques du Maroc à 12 mois, les dirigeants marocains sont toujours pessimistes puisqu'ils sont 71% à envisager un ralentissement de la croissance, ce qui représente un véritable changement de perception par rapport à l'année précédente. Ce pessimisme ambiant ne se traduit pas de manière aussi tranchée lorsqu'il s'agit des perspectives de croissance des entreprises. À l'instar de leurs homologues étrangers, les chefs d'entreprises au Maroc semblent, cependant, plus confiants (73% sont même moyennement ou extrêmement/très confiants) dans la croissance attendue de leur chiffre d'affaires sur les 12 prochains mois. Cette proportion monte même à 93% à horizon trois ans.
Les stratégies de résilience à court terme pour traverser les turbulences
L'enquête indique, d'autre part, que les chefs d'entreprises au Maroc, pour contrer les effets de la situation économique délicate, sont 60% à avoir appliqué une politique de recherche d'autres fournisseurs. Viennent ensuite les stratégies pour réduire les charges d'exploitation (56%), pour diversifier l'offre de produits/services (49%). Dans le détail, l'enquête révèle que 67% des dirigeants positionnent l'évolution de la demande et les évolutions réglementaires comme principaux éléments qui impacteront la rentabilité de leur entreprise dans les 10 prochaines années. C'est entre 11 et 14 points de plus que la moyenne des dirigeants dans le monde. En troisième position, la transition énergétique (58%) est devenue un élément particulièrement sensible pour les entreprises marocaines comparativement au reste du monde (37%) et loin devant leurs homologues Africains (46%) et Européens (42%). Dans le même sillage, l'enquête de PwC fait savoir que l'évolution de la demande et des préférences des consommateurs reste un facteur important pour les entreprises (67%). Les dirigeants marocains ont perçu l'impact croissant que les consommateurs, qui adoptent de plus en plus une posture de "consom'acteurs", peuvent avoir sur leur marque et leur offre de produits ou services. Les technologies de rupture (intelligence artificielle, blockchain, métavers...) sont citées à 47%, soit 2 points de moins que la moyenne des dirigeants dans le monde. Enfin, l'inquiétude sur la pénurie de talents reste à des niveaux stables ou même plus faibles, dans un pays à la population certes jeune, en comparaison aux autres pays au niveau mondial.
L'investissement dans la technologie et l'humain
Face à ces facteurs de disruption majeurs, poursuit PwC, les entreprises marocaines donnent le sentiment de vouloir passer à l'action. Passées la première étape de la prise de conscience, elles investissent pour traverser les turbulences et relever les défis de demain. Elles positionnent ainsi la montée en compétences (upskilling) de leurs collaborateurs comme leur investissement prioritaire des 12 prochains mois à 71%. L'investissement technologique (déploiement de nouvelles technologies de type cloud, IA, métavers) est également envisagé par 53% des dirigeants marocains pour l'année à venir, relève-t-on de même source. Autre résultat tiré de cette enquête de PwC: les dirigeants d'entreprise misent sur leur collaboration avec un large réseau de partenaires. Les coopérations avec des start-ups, des entreprises concurrentes et le monde académique représentent les pistes de collaboration les plus explorées par les chefs d'entreprise, estime le cabinet de conseil et d'audit londonien. Ce sont principalement sur des thématiques ESG et l'éducation que les entreprises marocaines choisissent de collaborer avec des organisations non commerciales, beaucoup plus que sur des sujets plus économiques tels que le développement d'infrastructures, le rétablissement de la croissance ou le développement international, souligne-t-on. Pour conclure, l'enquête indique que le dirigeant est au cœur des transformations que l'entreprise, et plus largement la société, doivent initier pour relever les défis d'un avenir qui s'annonce complexe. « À la fois aux premières loges et moteur des changements, le dirigeant doit regarder vers l'avenir avec confiance sans éluder les difficultés à surmonter. Donner du sens et transformer durablement l'entreprise sera plus que jamais notre défi collectif pour les années à venir », souligne l'étude.