Les prix du lait n'ont pas suivi l'inflation généralisée qui concerne la quasi-totalité des produits alimentaires en ce début de Ramadan. Cela, grâce à l'action conjuguée du gouvernement et des professionnels de la filière laitière, malgré la baisse de 20% du cheptel et du lait. C'est l'une des rares filières où les prix se maintiennent encore à leur niveau malgré le contexte de flambée généralisée qui touche les produits de consommation au Maroc. Même avec le Ramadan, la situation reste inchangée pour les produits laitiers. Ce qui réjouit les professionnels de la filière laitière. « Sur le plan des prix, l'équilibre entre l'offre et la demande fait que le Ramadan n'a aucun impact sur les prix aussi bien du lait que des dérivés », se félicite Mohammed Raita, chargé auprès du Président (de la Fédération Maroc Lait) de la Gouvernance, la Coordination et de la Communication. Et pourtant, pendant ce mois de jeûne, la demande en lait dans le royaume passe habituellement du simple au double. Cette année, les effets de la sécheresse et les répercussions de la guerre en Ukraine ont débouché sur une baisse du cheptel et du lait d'environ 20%. Une vraie hémorragie qui se ressent durement par les consommateurs en ce qui concerne les viandes rouges, dont le prix du kilogramme a atteint la barre historique des 100 DH ces dernières semaines.
Hausse en 2022
S'agissant du lait, les mesures conjuguées du gouvernement et des professionnels de la filière ont non seulement permis d'assurer l'approvisionnement suffisant du marché, mais surtout de maintenir les prix d'avant Ramadan. On se rappelle de la frustration née de l'augmentation des prix fin 2022, avec une hausse de 50 à 90 centimes selon la quantité et la qualité du lait. Cette fois, il n'en a pas du tout été question, car, entre-temps, le département de l'Agriculture et les opérateurs ont conjugué leurs efforts. Ces actions se sont déclinées dans le court et le moyen terme. Ainsi, depuis le deuxième semestre de l'année dernière, le gouvernement a décidé de subventionner les aliments composés nécessaires pour le bétail, d'exonérer de la TVA sur l'importation des aliments simples, ainsi que d'exonérer les taxes et droits de douanes des bovins importés, destinés à l'abattage. Une autre mesure fiscale a porté sur l'exonération des taxes et droits de douanes des génisses importées d'autres continents que l'Europe et l'Amérique du Nord. En plus de l'interdiction d'abattage des femelles, le gouvernement a également accepté d'assurer une subvention d'un contingent de lait en poudre et de beurre destinés à la production des dérivés pour orienter le lait cru vers le lait UHT et le lait pasteurisé.
Actions conjuguées
Au niveau des acteurs de la filière laitière, regroupée au sein de la Fédération interprofessionnelle marocaine du Lait (Maroc Lait), il a été décidé d'augmenter les prix payés aux éleveurs (plus de 20% sur une année) pour les aider à faire face à l'augmentation des prix des aliments. Sur le terrain, et pour pallier les perturbations entraînées par la sécheresse, un plan d'action « fourrages » a été lancé. L'objectif est de parvenir à créer une filière fourragère pouvant assurer une alimentation de base du cheptel laitier et constituer des réserves fourragères en période de sécheresse. Depuis le début de l'année, on assiste également au lancement des unités régionales d'encadrement laitier (UREL Maroc Lait). « En mars, nous sommes déjà à 4 UREL opérationnelles sur les 12 régions programmées. Il s'agit d'une politique de proximité permettant l'écoute, la formation, l'adhésion à la CNSS, et le soutien des éleveurs. L'objectif est de permettre à l'éleveur d'améliorer la productivité des aliments et du lait et donc un meilleur revenu », détaille Mohammed Raita.
Génération Green
Dans le moyen terme, il est question de tirer les leçons de l'expérience actuelle, afin d'immuniser la filière. C'est dans ce cadre qu'une étude nationale importante sur les coûts de production du lait à la ferme est en gestation. Cette étude qui cible toutes les régions du Maroc et toutes les catégories d'éleveurs permettra de mieux comprendre les problèmes de chaque catégorie d'éleveurs, pour mieux répondre à leurs besoins, selon Maroc Lait. L'interprofession participe également à l'élaboration d'un plan de relance multidimensionnel de la filière laitière. « Ce plan nous permettra de rejoindre dans les 3 prochaines années les objectifs tracés par le plan Génération Green », espère Mohammed Raita.
Abdellah MOUTAWAKIL 3 questions à Mohammed Raita « Ramadan n'a aucun impact sur les prix du lait et dérivés » Mohammed Raita, Chargé auprès du Président (de Maroc Lait) de la Gouvernance, la Coordination et de la Communication, répond à nos questions. Comment se porte la filière laitière actuellement ? Grâce au Plan Maroc vert, la filière avait enregistré de bonnes performances en 2020, aussi bien en volume (2,5 milliards de litres par année) qu'en taux de couverture de la consommation nationale (96%). Mais, depuis 2021, un contexte particulier a impacté sérieusement la filière lait. En effet, les effets conjugués de la pandémie du Covid-19, la sécheresse qu'a connue le pays durant la campagne 2021/2022 et la guerre en Ukraine ont sérieusement impacté la filière Lait. Il résulte de cette situation une baisse du cheptel, en 2022, et du lait d'environ 20%. Ce qui a conduit le ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts et Maroc Lait à prendre des mesures urgentes et des mesures pour le moyen et le long terme, dont les plus importantes concernent, entre autres, la subvention des aliments composés, l'exonération de la TVA sur l'importation des aliments simples, l'interdiction d'abattage des femelles, en plus de l'augmentation des prix payés aux éleveurs (plus de 20% sur une année) pour les aider à faire face à l'augmentation des prix des aliments. Quel est l'impact du Ramadan sur les prix du lait ? Tout d'abord, il faut préciser que grâce aux mesures d'urgence prises et que je viens d'énumérer, et la pluie des derniers mois, le lait est disponible à tous les niveaux au Maroc (des épiceries aux GMS), surtout durant ce mois sacré où la demande sur les produits laitiers peut augmenter jusqu'à 50% par rapport aux autres mois. Sur le plan des prix, l'équilibre entre l'offre et la demande fait que Ramadan n'a aucun impact sur les prix aussi bien du lait que des dérivés. Comment évolue le cheptel, notamment après l'abattage d'un grand nombre de têtes pour contenir la flambée des prix des viandes ? Le cheptel, bien que réduit par rapport à l'avant-crise, reste stable ces derniers mois grâce aux mesures prises et à la pluie. Mais la réduction du cheptel, due aux causes précitées, a eu un impact important sur l'offre des animaux destinés à la viande. L'Etat a pris des mesures importantes pour combler ce manque et réduire le prix de la viande. L'info...Graphie Filière laitière : hausse des intrants et soutien de l'Etat Selon la fédération interprofessionnelle Maroc Lait, « la pandémie de la Covid-19 avait fortement ralenti la vente des produits laitiers et des animaux d'élevage ». Il en est de même pour l'insémination artificielle, qui s'est retrouvée quasiment arrêtée. Ce qui a fortement impacté le taux de naissances chez les vaches laitières et donc la réduction de leur nombre en production pour les années suivantes. En outre, avec la sécheresse, le cumul des dernières campagnes a fortement réduit la disponibilité en fourrages (paille, foin, ensilage) pour diverses raisons (faible production, disponibilité en eau d'irrigation pour les cultures fourragères, etc.). S'agissant des effets de la guerre en Ukraine, elle a accentué l'envolée des prix des intrants de base entrant dans l'alimentation des vaches laitières : aliments composés et simples pour bétail laitier, énergie (gasoil), transport, emballages, etc. « A titre d'illustration, les prix des aliments de bétail, qui constituent plus de 65% des coûts de production à la ferme, ont évolué selon la nature des intrants entre 30 et 80% entre 2021 et 2022 », indique-t-on auprès de Maroc Lait. Cette situation avait conduit le ministère de tutelle, lors d'une réunion en octobre dernier avec les professionnels, à décider de prioriser un soutien au profit des aliments du bétail, notamment aux produits composés, ainsi qu'à la reprise des subventions pour l'élevage des génisses, avec l'octroi d'une prime de 4.000 DH par tête. Pour le gouvernement, le but était « d'éviter au maximum tout impact sur le consommateur ». Le lait, une filière boostée par le Plan Maroc Vert Selon les statistiques du ministère de l'Agriculture, en 2009, la productivité des races pures tournait autour de 3.500 litres par vache chaque année. Dix ans plus tard, grâce au Plan Maroc Vert, elle a atteint 4.200 litres par vache, enregistrant ainsi une évolution de 20%. Pour sa part, et sur la même durée, la productivité de la race croisée est passée de 1.250 litres par vache annuellement à 2.300, totalisant ainsi une évolution de 84%. Les fermes et les élevages nationaux comptent quelque 1,81 million de têtes pour 2,55 milliards de litres de lait produits. L'autoconsommation du lait au Maroc représente entre 10% et 15% de la production globale de la filière. Dans ce contexte, la valeur ajoutée de la filière a nettement évolué pour passer de 1,66 MMDH en 2003 à 4,22 MMDH ces dernières années, soit une amélioration de 154%. Pour leur part, les emplois de la filière ont augmenté de 25%. L'amont de la filière laitière au Maroc compte environ 260.000 producteurs, tandis que la transformation industrielle du lait est assurée par 16 opérateurs différents, note le ministère.