Les agences fédérales américaines devront s'assurer que leurs appareils ne sont plus dotés de l'application de vidéos TikTok sous 30 jours, a ordonné lundi le Bureau de la gestion et du budget à la Maison Blanche (OMB). Détenue par l'entreprise chinoise ByteDance, TikTok a été prise pour cible par les législateurs américains qui considèrent l'application comme une menace à la sécurité nationale, et avaient interdit son usage sur les appareils des fonctionnaires dans une loi votée fin décembre. L'ordre de l'OMB est pris en application de cette loi, ratifiée début janvier par le président Joe Biden. Dans un mémorandum, la directrice de ce bureau, Shalanda Young, a demandé aux agences gouvernementales de "supprimer et d'interdire les installations" de l'application sur les appareils leur appartenant ou gérés par elles, et d'"interdire le trafic internet" depuis ces appareils vers l'application. L'interdiction ne s'applique pas aux entités américaines ne dépendant pas du gouvernement fédéral, ni aux millions de particuliers qui utilisent TikTok. Mais l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) a déploré la nouvelle loi, en estimant qu'elle revenait à "interdire effectivement TikTok".
Une privation d'un droit constitutionnel
"Le Congrès ne doit pas censurer des plateformes entières et priver les Américains de leur droit constitutionnel à la liberté de parole et d'expression", a déclaré Jenna Leventoff, conseillère politique principale de l'ACLU, dans un communiqué. "Nous avons le droit d'utiliser TikTok et d'autres plateformes pour échanger nos pensées, nos idées et nos opinions avec des personnes du pays et du monde entier", a-t-elle ajouté. L'ultrapopulaire plateforme de vidéos courtes et virales est de plus en plus scrutée par certains pays occidentaux qui craignent que Pékin puisse ainsi accéder aux données d'utilisateurs du monde entier. Ni TikTok ni ByteDance n'avaient réagi dans l'immédiat à l'annonce de la Maison Blanche. "Les Etats-Unis sont le plus grand pays au monde et ils craignent une application appréciée des jeunes. C'est vraiment un manque de confiance en soi", a réagi mardi Mao Ning, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. "Nous nous opposons fermement à ce comportement des Etats-Unis qui consiste à étendre de manière démesurée le concept de sécurité nationale, à abuser du pouvoir de l'Etat et à s'en prendre de manière déraisonnable aux entreprises d'autres pays", a-t-elle déclaré lors d'un point presse régulier.
Une interdiction pour une protection
L'interdiction au sein du gouvernement fédéral américain survient quelques jours après une décision similaire de la Commission européenne, qui a interdit TikTok à son personnel pour "protéger" l'institution. Le gouvernement du Canada a lui aussi annoncé lundi qu'il allait bannir TikTok des appareils mobiles qu'il fournit à son personnel à compter de mardi, évoquant "un niveau de risque inacceptable" pour la vie privée et la sécurité. TikTok fait déjà partie des applications chinoises interdites en Inde depuis 2020. Avec plus d'un milliard d'utilisateurs actifs dans le monde, TikTok pointe à la sixième place des plateformes sociales les plus utilisées, selon le dernier rapport de We Are Social sur l'évolution du numérique, publié en janvier. TikTok avait reconnu en novembre que certains employés en Chine pouvaient accéder aux données d'utilisateurs européens, et avait admis en décembre que des employés avaient utilisé ces données pour traquer des journalistes. Mais le groupe nie tout contrôle ou accès du gouvernement chinois à ces données.
Ottawa emboite le pas à Washington sur les mobiles des fonctionnaires Après les autorités fédérales américaines et certaines instances européennes, le gouvernement canadien bannit l'application TikTok sur les appareils mobiles prêtés à ses fonctionnaires. La mesure prend effet dès mardi 28 février. Le Canada s'inquiète du manque de protection des données personnelles contenues dans les téléphones où se trouve l'application chinoise. Finies les recettes de cuisine, les extraits des meilleurs buts de leur équipe de hockey préférée ou les conseils de maquillage pour les fonctionnaires canadiens dont le téléphone est prêté par le gouvernement. Les autorités craignent que leurs données personnelles ne se retrouvent entre les mains des dirigeants de l'entreprise chinoise ByteDance, propriétaire de TikTok, très liée à Pékin. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau lance d'ailleurs un avertissement à ses concitoyens. J'imagine que de nombreux Canadiens, qu'il s'agisse d'entreprises ou d'individus, vont s'interroger sur la sécurité de leurs propres données, et vont peut-être prendre des mesures en conséquence. Une enquête vient de démarrer au Canada pour vérifier si les utilisateurs de TikTok disposent d'une protection suffisante de leurs données, en particulier les jeunes. Selon certains sondages, plus de trois-quarts des Canadiens de 18-24 ans utiliseraient cette application. De son côté, l'entreprise chinoise a déploré que le gouvernement canadien ne l'ait pas averti de sa décision concernant les fonctionnaires. Ses porte-paroles se disent prêts à venir discuter de protection de la vie privée.