Malgré les programmes de soutien annoncés, les entrepreneurs ont toujours des difficultés à se financer. Ces derniers estiment que leurs besoins ne sont pas satisfaits. Témoignages. Le Chef du gouvernement vient de lancer la seconde phase du programme d'accompagnement des porteurs de projets "FORSA 2023". D'après lui, ce programme a atteint 100% de son objectif en 2022, réussissant à accompagner 10.000 porteurs de projets. Cependant, malgré ce soutien salutaire, plusieurs entrepreneurs n'arrivent toujours pas à sortir la tête de l'eau. Aux effets de la crise économique et sanitaire, se sont ajoutés dernièrement ceux de la hausse du taux directeur qui a renchéri le coût des emprunts.
Parmi eux Aymane Hitmi, fondateur de PICOSOFT, une entreprise de développement des logiciels basée à Kénitra. Ce jeune entrepreneur a trouvé des difficultés à avoir des financements lorsqu'il a voulu lancer son entreprise. Son projet consiste à créer une plateforme digitale au profit des étudiants universitaires, leur permettant d'accéder aux cours, aux professeurs, ainsi qu'à tout contenu pédagogique. L'entrepreneur s'est mobilisé pour chercher des clients auprès des écoles et universités nationales et s'est en même temps inscrit dans tous les programmes gouvernementaux d'accompagnement des entrepreneurs.
Pas de suivi
Pour le programme INTELAKA, «notre banquier nous a déconseillé de nous lancer dedans puisqu'ils ont arrêté de prendre en charge les dossiers et nous a plutôt conseillé d'attendre le lancement du programme FORSA», nous dit-il. Après avoir rempli le formulaire, Aymane a reçu un appel de confirmation et de promesse de rappel pour un entretien afin qu'il donne plus de détails sur le projet. Toutefois, jusqu'à aujourd'hui, il n'a pas été rappelé, et ne peut même pas accéder à un suivi de son dossier sur la plateforme.
De son côté, Driss Lahlou, fondateur de l'entreprise Weboost, une agence de marketing spécialisée dans la gestion des réseaux sociaux des clients et la création des sites web, basée à Fès, a rempli le formulaire dans la plateforme de FORSA. Il a également été contacté par le programme avec une promesse de rappel qui ne s'est jamais concrétisée.
Il précise avoir repris contact à maintes reprises avec les opérateurs du programme, mais en vain. L'entrepreneur a bénéficié de l'accompagnement et du financement subventionné par le Centre des Très Petites Entreprises Solidaires de la Fondation Mohammed V pour la Solidarité.
Ce programme, indique-t-il, octroie un local au porteur de projet, pendant 18 mois, ainsi que du matériel de bureau et informatique, à la seule condition de réaliser les objectifs préétablis lors de la présentation du projet devant la commission chargée d'étudier les projets.
Le fondateur de l'agence admet avoir rencontré beaucoup de difficultés à trouver du financement au début de son aventure entrepreneuriale, et l'idée d'«emprunter auprès de la banque n'était pas acceptable, vu les conditions strictes exigées par les sociétés de financement», nous explique-t-il.
«Pour moi, les programmes comme INTELAKA n'arrivent pas financer toute l'activité de l'entrepreneur et ne donnent pas un fonds de roulement assez important pour s'engager dans plusieurs projets», poursuit Driss.
Selon le jeune entrepreneur, même si les porteurs de projets ont de l'expérience et la vision nécessaire pour démarrer une structure, le manque de capital reste un frein qui entrave le développement de leurs projets.
Besoin d'accompagnement
En termes d'accompagnement, Aymane Hitmi précise qu' «ils nous demandaient de garder une énergie positive, et nous apprenaient des connaissances sur le business plan, le marketing digital et le team building, c'est-à-dire les notions de base, alors qu'en réalité, l'entrepreneur a besoin d'accompagnement en matière de réseautage et d'expertise spécifique».
«Je crois qu'en termes d'accompagnement, les organismes au Maroc doivent faire plus d'effort parce qu'avant d'accompagner quelqu'un, il faut comprendre son marché, son besoin ainsi que la cible qu'il vise. Il ne faut pas se contenter uniquement de lier des coaches et des professeurs universitaires avec des porteurs de projets, mais aussi de mettre ces derniers en contact avec d'autres entrepreneurs pour bénéficier pleinement de leurs expériences», explique-t-il.
Pour Driss Lahlou, l'accompagnement en matière de notions de base de la gestion et de la comptabilité est bien assuré. En revanche, les entrepreneurs qui sont, à titre d'exemple, diplômés des Universités ne réussissent pas à trouver des formations approfondies à la hauteur de leur niveau, ils sont donc contraints de s'auto-former et d'apprendre tout seuls les spécificités de leurs domaines d'activité.
Kawtar EL KHALIL
3 questions à Abdellah ElFergui : "Il y a un manque d'information sur le programme FORSA" Abdellah ElFergui, président de la Confédération des TPE/PME, a répondu à nos questions.
Quelles difficultés rencontrent les entrepreneurs pour trouver du financement ? On compte quelques programmes ici et là, mais il n'y a pas de financement stable. Malheureusement, pendant la période du Covid-19, les banques ont délaissé le crédit INTELAKA pour s'intéresser aux grandes et moyennes entreprises. On sait que les crédits Oxygène étaient parmi leurs produits phares. Les TPE en avaient beaucoup plus besoin mais n'ont pas profité de ce type de crédit. Même les TPE de 10 ans et de 15 ans sont soumises à des conditions exigeantes lorsqu'elles demandent à emprunter, par exemple on leur demande des garanties sous forme de titres. Qu'en est-il de l'efficacité des programmes gouvernementaux d'accompagnement lancés aujourd'hui ? Le nombre de personnes qui reçoivent l'accompagnement via les programmes gouvernementaux n'est pas suffisant. Par exemple, au niveau de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, seules 70 personnes ont bénéficié du programme INTELAKA, ce qui est relativement faible. Mais c'est un début et si l'expérience réussit, il faut la multiplier. Je félicite les CRI, car ils arrivent, non seulement à aider les entrepreneurs à créer leurs projets, mais également à les accompagner. Ils ont créé des plateformes en ligne pour suivre le processus de création et orienter les visiteurs vers d'autres partenaires. C'est un bon début.
Quelles améliorations à recommander pour ces programmes ? Pour le programme FORSA, on a recueilli quelques réclamations de divers entrepreneurs qui ont été délaissés. Tout d'abord, il y a un manque d'information. En effet, les jeunes voulaient s'enquérir si leurs projets ont été acceptés, mais il n'y avait pas d'interlocuteur. J'ai été obligé parfois de contacter le conseiller de la ministre du Tourisme pour avoir plus d'informations et les publier dans un groupe sur les réseaux sociaux qui rassemble les porteurs de projets.