L'arme du gaz que l'Algérie a cherché à utiliser contre le Maroc en fermant le gazoduc Maghreb Europe, a finalement eu des effets inverses, car Rabat et Madrid ont su s'entendre pour garantir un approvisionnement sans heurts. C'est ainsi que le gouvernement espagnol a appliqué au Maroc le même taux imposé au Portugal et à la France, durant l'année 2022, ce qui s'est traduit par une importation de 2 millions d'euros le gaz d'Espagne, soit un bon des exportations espagnoles vers le Royaume de 821%, durant le second semestre. Le gouvernement de Pedro Sánchez s'attend à ce que le Maroc lui verse deux millions d'euros par an pour le gaz qui a commencé à être acheminé en juin 2022 via le gazoduc du Maghreb Europe (GME), selon une estimation communiquée par le gouvernement espagnol dans une réponse parlementaire au Parti Populaire (PP). Après la crise diplomatique entre l'Espagne et l'Algérie, ce dernier pays a suspendu l'approvisionnement en gaz qui circulait par le gazoduc du Maghreb, une installation qui commence dans les champs de gaz naturel algérien de Hassi R'Mel et traverse le Maroc jusqu'à Tarifa (Cadix). Lorsque le GME est devenu sans aucune utilité, Rabat a approché Madrid sur la possibilité d'acheminer le gaz regazéifié des usines espagnoles vers le Maroc via cette infrastructure. Le gouvernement Sánchez ne s'y est pas opposé et depuis, 1.882 GW/heure ont été transférés jusqu'à la mi-janvier. Ainsi, les exportations vers le Maroc se sont accrues de 821%. En juin de 2022, l'acheminement par GME a démarré avec 60 Gw/heure, un volume qui a progressivement augmenté au fil des mois. En novembre, il atteignait déjà 553 Gw/heure. Cette exportation sans précédent de gaz naturel de l'Espagne vers le Maroc a fait croître la vente d'hydrocarbures au Maroc de 821% de juin à novembre. Le gouvernement espagnol estime dans sa réponse aux députés populaires Pablo Hispán, Guillermo Mariscal et Valentina Martínez que si l'on maintient le niveau actuel des exportations, la facturation annuelle d'accès aux réseaux de transport, aux réseaux locaux et à la regazéification atteindra deux millions d'euros dans le cas du Maroc. A ce montant, il faut ajouter les paiements pour le déchargement des navires, le stockage du gaz naturel liquéfié (GNL) et l'utilisation du réseau de transport. Interrogé sur le coût que le Maroc paiera pour le service de regazéification dans les usines espagnoles, le gouvernement souligne que, comme le reste des entreprises, l'opérateur de gaz naturel chargé d'exporter le gaz vers le Maroc "paye les tarifs en vigueur pour l'accès aux usines de regazéification qui ont été approuvés par la Commission nationale des marchés et de la concurrence (CNMC) dans sa résolution du 19 mai de l'année dernière, fixant la nomenclature des paiements pour cette année 2023.
Le détail des tarifs
En ce sens, le tarif annuel contractuel des prestations de regazéification "comprend un ordre de capacité annuel fixe de 0,083560 euros (kWh/jour)/an et un terme variable de 0,000057 euros /kWh pour chaque KWh regazéifié ". Relativement à certains tarifs facturés à d'autres pays voisins comme le Portugal ou la France, il n'y a donc pas de traitement préférentiel pour le Maroc.
Les pourvoyeurs du gaz pour le Maroc
L'Algérie a porté plainte auprès de l'Espagne lorsqu'elle a appris que le gazoduc maghrébin serait utilisé au profit du Maroc. Les députés du PP ont demandé au gouvernement d'où vient le gaz regazéifié pour le compte du Maroc. L'exécutif rappelle que la société de commercialisation en charge de ces exportations « est libre de choisir l'origine du gaz exporté », bien qu'il a tenu a préciser que « pour plus de certitude », le gestionnaire du système technique - dépendant de la société publique Enagás – a « la charge de vérifier son origine."
Enagás dispose d'un système complexe pour mesurer chaque molécule de gaz transportée, assure-t-il. De cette façon, on veille à ce que l'hydrocarbure envoyé au Maroc ne provient pas de gisements algériens . Cependant, le gestionnaire du système n'est pas en mesure de savoir quelle société commerciale est chargée de réaliser l'opération avec le Maroc.
Le parcours suivi par l'ensemble du processus depuis l'arrivée du GNL par les méthaniers jusqu'aux usines de regazéification espagnoles est simple. Premièrement, une fois le navire déchargé du gaz, celui-ci est regazéifié pour être converti en gaz naturel afin qu'il puisse être transporté par un gazoduc, en l'occurrence l'interconnexion avec le Maroc.
Cette opération a un coût économique, libellé selon les tarifs de regazéification précités et qui sont payés par le système gazier d'Espagne, lesquels incluent toutes les infrastructures qui le composent : d'Enagás à Redexis. Ensuite, c'est le commercialisateur qui affecte à la société marocaine les volumes de gaz en provenance d'Espagne.