L'anthologie "De la culture marocaine moderne", lancée en juin dernier, explore un siècle de pensée marocaine sur la modernité. Safaa El Mansoury, qui a investi l'arène de la traduction en français de textes du 20ème siècle, nous raconte cette aventure. - L'anthologie "De la culture marocaine moderne", traduite en français, esquisse un siècle de pensée marocaine sur la modernité. Quelle conclusion en tirez-vous ? - Nous avons vraiment pu tirer pas mal de conclusions. Le Maroc peut être fier parce qu'il avait des intellectuels et des penseurs marocains qui ont vraiment créé la particularité et qui ont contribué au développement culturel du pays. Ils ont vraiment abordé des questions majeures de la société à l'époque de la Nahda et n'ont pas hésité à écrire pour dénoncer ce qui empêchait l'évolution du pays. Nous devons être fiers et savoir que nous avons une Histoire littéraire aussi intéressante et spéciale que les autres pays. - L'anthologie rassemble les textes écrits entre 1917 et 2004 d'une trentaine d'auteurs. Quels auteurs vous ont-ils le plus marquée ? - En fait, chaque auteur a sa particularité qui le distingue mais j'avais plus d'admiration envers Abdallah Ibrahim et Abdallah Guennoun Al- Hassani. - Comment s'est déroulé le travail individuel et d'équipe ? - D'abord, la répartition des textes s'est faite par Kenza Sefrioui et nos mentors : Sanae Ghouati, Issam Tebeur et Jalal Hakmaoui, de manière à ce que chacun ait un texte par chapitre à traduire. Ce qui donne un total de 5 textes par traducteur. Chacun a approfondi ses textes et nous sommes passés au travail. Le travail d'équipe s'est accompli à travers un cycle de réunions hebdomadaires. Tous les traducteurs se réunissent avec les mentors afin de discuter des problèmes et des difficultés que chacun a rencontrés au cours de la semaine lors de la traduction de son texte. Le travail individuel a consisté en le travail que nous avions de faire des traductions, à soumettre à la fin de la semaine au mentor pour qu'elles soient corrigées. - Quelles difficultés avez-vous rencontré dans le processus de traduction ? - En réalité, nos mentors nous ont très bien orientés et nous ont permis de dépasser toutes les difficultés. Mais, je citerai quelques-unes. Il y avait la difficulté de traduire l'esprit de l'auteur, le problème de la fidélité au texte source, de déchiffrer les pensées de l'écrivain et de les comprendre comme il le faut, sans oublier le contexte historique. Il y avait des termes que nous ne trouvions nulle part et, donc, nous devions à chaque fois faire des recherches bien approfondies afin de les trouver. Nous étions également face au challenge de ne pas introduire des mots modernes et d'être obligés de se positionner, avant de commencer la traduction, à l'époque de la Renaissance pour transmettre les idées dans leur contexte. - A quel point de tels projets de traduction de textes fondateurs permettent-ils de leur redonner vie ? - Pas uniquement leur redonner vie, mais ce travail que nous avons accompli avait également l'objectif de donner à ces textes plus de visibilité. Qui dit une langue étrangère, dit un public plus large et, donc, nous avions cette envie de les faire connaître et à ce qu'ils soient accessibles aux lecteurs francophones et pas uniquement aux lecteurs arabophones. - Avons-nous besoin de plus de spécialistes de littérature ? - Bien sûr. Nous avons toujours besoin de plus. Quand nous sommes nombreux, l'influence sera certainement à une échelle plus large. A mon avis, la littérature est la meilleure forme d'art qui éduque notre âme, la nourrit et développe notre sensibilité et notre rapport à l'Autre. « L'homme de lettres est un éclaireur de la nation ». Imaginez que nous avons plus d'éclaireurs ! Quoi de plus beau ! - Selon vous, la jeunesse marocaine est-elle insouciante à l'égard de la littérature marocaine ? - Je ne dirai pas insouciante mais, peut-être, qu'elle n'est pas suffisamment sensibilisée à l'importance de la littérature dans la vie. La preuve est que nous avons dix jeunes traductrices et traducteurs qui ont donné vie à cette anthologie. Donc, il y a toujours des jeunes qui nous donnent espoir, qui font de leur mieux pour mettre en avant la littérature et qui travaillent pour que la littérature marocaine ait plus d'attention et de valeur dans notre pays. - A qui incombe cette responsabilité ? Au ministère de l'Enseignement ou à celui de la Culture ? Ou bien aux jeunes ? - Je trouve que c'est la responsabilité de tout citoyen. Au Maroc, nous ne donnons pas assez de valeur à la littérature et aux spécialités littéraires. Une maman préférera toujours que son enfant soit un médecin plutôt qu'un écrivain, un critique d'art ou un éditeur, etc. Chose qui influence sa vision des choses, qui diminue la valeur de la littérature aux yeux de nos jeunes et de nos adolescents et qui la rend peu présente dans notre entourage. Nous ne transmettons pas cette nécessité d'être au courant de ce qui se passe dans l'actualité littéraire. C'est une partie importante de l'éducation. Mais, aussi, elle mérite plus d'attention de la part de toutes les structures gouvernementales qui peuvent contribuer à son développement. Il faut que tout le monde sache que c'est la littérature et l'écriture qui nous permettent de faire entendre la voix de l'égalité et de la justice et de transmettre les valeurs humaines. Portrait Un destin façonné par la magie des mots et des mélodies Le chant et les mots sont le moteur de la vie de Safaa El Mansoury. A la fois enseignante de français et traductrice, elle mène une vie professionnelle indissociable de sa passion pour la musique. Le casque vissé aux oreilles, Abeer Nehme, Naï Barghouti, Faia Younan, Majda El Roumi, Rasha Rizk, pour ne citer que ces vedettes ... elle les a eues dans ses oreilles pendant toute son adolescence, jusqu'à aujourd'hui. Safaa El Mansoury porte un intérêt particulier aux chansons classiques marocaines, tout en les présentant sous un nouvel air, plus dynamique. Elle n'affiche pas moins sa volonté de collaborer un jour avec l'artiste syrienne Faia Younan. Mais avant que cela ne se produise, l'aura de la jeune chanteuse continue de rayonner sur des scènes de concert. Avec sa douce voix douce et son visage poupin, Safaa El Mansoury charme le jeune public marocain en revisitant les génériques des dessins animés. Membre de l'association Musiland, qui a vu le jour en septembre 2019, Safaa participe à la promotion de la musique au Maroc et dans tous les pays du monde, conférant une marque distinguée à un certain nombre de représentations culturelles et artistiques, de concerts et de festivals tout au long de l'année, grâce à un répertoire riche et diversifié. Souvenons-nous qu'en septembre dernier, à la gare de Rabat Agdal, l'Orchestre Interculturel du Maroc (OIM), créé par l'association, a regroupé de jeunes musiciens qui ont interprété les musiques des génériques de dessins animés dont sont familiers de nombreux Marocains.