Portée par l'ambition de proposer une alternative réelle et rentable à la déforestation, Sand to Green, une startup franco-marocaine, compte resserrer encore davantage ses connexions avec le monde de la recherche tout en sensibilisant les consommateurs, entreprises et institutionnels, à la culture dans le désert. Elle vient de réaliser un tour de table d'un million de dollars. Eclairage. A l'heure où la protection de l'écosystème environnemental est au cœur des préoccupations mondiales, dont le Maroc est en première ligne, toute initiative privée ou publique ou encore dans le cadre du partenariat public-privé, est louable et à encourager. Sand to Green, une startup franco-marocaine dont la mission est de transformer l'agriculture pour lutter contre le dérèglement climatique, s'inscrit dans cette droite ligne. Son engagement dans la lutte contre le changement climatique est un signal fort qui se concrétise sur le terrain d'année en année. D'ailleurs, elle vient d'annoncer un tour de table d'un million de dollars à une étape d'amorçage. Cette levée de fonds est le résultat de trois ans de R&D auprès de partenaires de choix. Celle-ci marque également l'entrée au capital de différents Business Angels et dedeux fonds VC, le norvégien Katapult et le fonds pré-seedCatalystFund, spécialisé dans l'adaptation au changement climatique en Afrique. Selon les initiateurs, les deux fonds souhaitent accélérer le développement opérationnel de Sand to Green afin de préparer le déploiement à grande échelle de ses projets marocains et africains. Pour comprendre la portée de cette démarche, il faut dire qu'avec plus de 65% de son territoire recouvert de désert et plus de 93% situé dans un climat aride à semi-aride, l'agriculture marocaine est fortement dépendante des ressources naturelles et donc très vulnérable aux impacts du changement climatique. Au terme de cette levée de fonds, Benjamin Rombaut, CEO de Sand to Green, a soutenu que, en autres, il faut «approfondir le travail d'acculturation à cette cause qui présente de nombreux avantages : cultiver dans le désert capte du carbone, refertilise les sols, crée des habitats de biodiversité, lutte contre la déforestation, stabilise les communautés locales, tout en étant une des seules options écologiques à grande échelle pour relever les immenses défis alimentaires qui s'annoncent».
Systèmes agricoles plus résilients
D'où il faut changer d'approche en innovant. Dans cette optique, Sand to Green déploie des stratégies de cultures adaptées, irriguées par du dessalement d'eau de mer. Résultat : elle est aujourd'hui en mesure de proposer un modèle agricole rentable et à impact positif dans de telles contraintes. Pour cela, il est prévu le déploiement d'une plantation de 20 hectares au premier semestre 2023.Dans le même temps, l'entreprise souhaite structurer davantage sa proposition de valeur aux gestionnaires d'actifs. En effet, à la manière d'autres types de projets (énergies, infrastructures,immobiliers...) Sand to Green offre ses plantations comme produits d'investissements verts à différents investisseurs et prend en charge leur développement et les prestations de services associées (expertise agronomique, opérations et productions et vente des denrées). Et ce n'est pas tout puisque Sand to Green ambitionne de reverdir les déserts par l'agroforesterie et le dessalement d'eau de mer. Pour ce faire, l'équipe a mené pendant 3 ans différents tests agronomiques dans la région de Guelmim-Oued Noun (Sud Maroc) afin de trouver les systèmes agricoles les plus résilients et les mieux adaptés aux milieux désertiques (lire les trois questions avec Mme Wissal Ben Moussa – Co-fondatrice – CAO (Chief Agricultural Officer). Les résultats obtenus ont validé le modèle développé. A la croisée de différentes approches (reforestation, exploitation agricole et fournisseur de services) et fondées sur différents revenus (revenus agricoles, crédits carbone, et vente d'herbes aromatiques), les plantations Sand to Green sont désormais prêtes à reverdir les déserts marocains. Son slogan est révélateur : «Le dérèglement climatique impose de nous nourrir autrement. Nous cultivons les déserts pour mieux nourrir les femmes et les hommes du monde en préservant la nature».Il ne pouvait en être autrement quand on sait que l'agriculture devra nourrir une population d'au moins 9 milliards de personnes en 2050 en s'adaptant aux nouveaux aléas climatiques. Aujourd'hui, selon les experts, près 22% des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont émises par l'agriculture. L'agriculture est donc l'une des premières causes d'émission de gaz à effet de serre, de déforestation et de disparition de la biodiversité. Il faut donc la transformer et la promouvoir en cultivant les déserts. Produits d'investissements verts
Enfin, résolument tournée vers l'impact et l'adaptation au dérèglement climatique, Sand to Green est une start-up «multi-impact» qui prouve que l'agroforesterie (création d'écosystèmes résilients d'arbres et de cultures au sol sans intrants chimiques) est une des solutions privilégiées pour transformer l'agriculture, restaurer des ilots de biodiversité et s'adapter au dérèglement climatique. Portée par l'ambition de proposer une alternative réelle et rentable à la déforestation, l'entreprise compte resserrer encore davantage ses connexions avec le monde de la recherche tout en sensibilisant les consommateurs, entreprises et institutionnels à la culture dans le désert. Tout est dit.
Wolondouka SIDIBE
3 questions à Mme Wissal Ben Moussa « Le Maroc a urgemment besoin d'agroforesterie »
Pour la Co-fondatrice – CAO (Chief Agricultural Officer) de Sand to Green, Mme Wissal Ben Moussa, le Maroc dispose de beaucoup d'atouts en matière de mobilisation des terres, et les tests agronomiques menés au Sud du Maroc, dans la région de Guelmim-Oued Noun, en sont la parfaite illustration. Explications.
Après trois ans de tests agronomiques que vous avez menés au Sud du Maroc, dans la région de Guelmim-Oued Noun, quels sont les principaux résultats ?
J'ai testé pendant trois ans différentes stratégies de cultures pour mieux comprendre lesquelles d'entre elles étaient les plus adaptées aux conditions extrêmes que sont les conditions désertiques. Une partie de ces tests s'est révélée extrêmement fructueuse et a conduit à de nombreux résultats : production d'une tonne de légumes par semaine, sélection des meilleures semences adaptées à l'aridité, gestion du vent et optimisation de l'eau, installation d'unités de transformation communautaire... Finalement ces trois ans de test ont conduit à définir la meilleure combinaison de végétaux en milieu aride, que nous voulons aujourd'hui développer à large échelle sur des plantations de plusieurs centaines d'hectares. Les constats sont éloquents. Aussi en adoptant les bonnes stratégies et en aidant les écosystèmes naturels à véritablement s'implanter, ils deviennent plus résilients et plus productifs. Dans le même ordre, l'arbre est la première pierre, l'étape indispensable à la restauration de la nature en milieu aride. Aujourd'hui, enfin, le Maroc a urgemment besoin d'agroforesterie qui permet, en plus de fertiliser les sols, d'économiser plus d'eau.
-Quelles sont vos perspectives de développement ?
La levée de fonds de 1 million de dollars que l'équipe Sand to Green vient de clôturer doit permettre la mise en œuvre de la partie opérationnelle du projet tout en préparant la suite, à savoir le déploiement de milliers d'hectares de plantations en zones arides. Ce développement n'est possible que si nous continuons le travail de R&D commencé, afin d'élargir notre champ de connaissance sur l'agroforesterie dont les avantages sont nombreux.Demain, nous espérons devenir une référence dans la culture des déserts, reverdir à très grande échelle les milieux désertiques pour valoriser ces terres dégradées et ainsi proposer une alternative durable à la déforestation.
Que pensez-vous du plan de reboisement du Maroc ?
Ce plan de reboisement du Maroc d'ici 2030 est extrêmement ambitieux. Sand to Green espère devenir l'un des acteurs de cette stratégie forestière, en proposant son expertise dans les prochaines années tout en promouvant l'agroforesterie. Cette méthode d'agriculture durable permet, au-delà de fertiliser et restaurer les sols, de réimplanter de la biodiversité et capter du carbone et donc, finalement, de permettre une agriculture à impact positif. Le déploiement de cette solution s'inscrit dans un contexte où la préservation de la ressource en eau est un enjeu important et nous avons tenté d'y répondre en proposant des plantations irriguées par de l'eau de mer dessalée par notre technologie. Ce choix combiné à la sélection d'espèces endémiques du Maroc sur nos plantations donne une production de fruits de qualités que nous proposons sur le marché local. (Voir la biographie dans le texte d'ouverture)