Etat des lieux au Maroc en 2023 de la pathologie digitale, recommandations internationales sur cette pathologie, modèle français, et sujets de préoccupation de l'Association Marocaine de pathologie (AMP) en relation avec la médecine de précision : telles sont les principales thématiques du 5ème congrès national de l'Association Marocaine de pathologie. Cette rencontre scientifique de formation continue en anatomopathologie, aura lieu les 10 et 11 Février 2023 au Palais des congrès de la ville des Corsaires, Salé, indique Pr EL KHANNOUSSI Basma, présidente de l'AMP et chef du service-laboratoire d'anatomopathologie de l'Institut National d'Oncologie(INO), relevant du CHU Rabat-Salé. Celui-ci a bénéficié dernièrement d'un lifting architectural et technologique grâce au soutien de la Fondation Lalla Salma de prévention et de traitement des cancers. L'Anatomopathologie est une spécialité médicale qui consiste à examiner les organes, les tissus humains ou les cellules humaines prélevés au cours d'une opération chirurgicale, pour repérer et analyser des anomalies liées à une maladie, précise Pr EL KHANNOUSSI. L'examen se fait à l'œil nu, puis est complété par une analyse à l'aide de microscopes et autres technologies biomédicales de pointe. Mais, depuis l'avènement des techniques de la pathologie digitale, les renseignements que l'anatomopathologie apporte aux médecins et aux chirurgiens traitants est d'une valeur ajoutée indéniable. Ceci, en partant d'une exigence : le type de l'acte chirurgical qui sera entrepris ou la chimiothérapie qui va être prodiguée dans le cas des cancers, est intimement lié et tributaire des résultats donnés par le médecin anatomopathologiste. Une question s'impose : Quel est l'intérêt de la télépathologie en anatomopathologie? Pour Pr Basma EL KHANNOUSSI, toutes les écoles de médecine à travers le monde s'accordent sur un principe immuable: le patient doit être pris dans sa globalité et cela prend de plus en plus sa place dans les parcours de soins, particulièrement chez nous au Maroc, à l'ère de la généralisation de l'assurance maladie. Pour l'anatomopathologie, cette nouvelle démarche implique une révolution technologique et la redéfinition de son rôle dans la prise en charge du patient. Le patient est de plus en plus abordé dans sa globalité. La pathologie n'est plus isolée, elle est intégrée dans une approche complète du profil patient, de son patrimoine génétique, de son bagage épigénétique, de son comportement, de son environnement et de son histoire : Autant de composantes qui, à des degrés variables, sont des déterminants de son état de santé et de l'évolution de sa maladie. Pour parvenir à un diagnostic le plus complet et le plus fiable possible, la médecine systémique utilise des modèles informatiques et prédictifs. Ceux-ci combinent des données cliniques et scientifiques pour déterminer l'état de santé d'une personne. Cela implique «une connexion précoce entre le clinicien et les divers acteurs de soins, notamment avec le pathologiste, tient à préciser Pr KHANNOUSSI Basma. « Nous sommes dans l'obligation de donner des résultats d'examens qui soient fiables, rapides et précis pour apporter la réponse la plus pertinente possible, dans une stratégie de traitement qui se complexifie, insiste la spécialiste. L'ère des traitements standardisés est révolue. Aujourd'hui et demain tout acte thérapeutique fera appel au digital. L'anatomie pathologique s'avère alors cruciale car elle apporte «des éclairages, tant sur le pronostic, l'agressivité de la maladie, que sur la réponse au traitement, en testant certaines molécules directement sur la tumeur», précise ce médecin d'abord clinicienne puis anatomopathologiste. Autre implication, la médecine systémique induit une collecte massive d'informations autour du patient. Des examens plus nombreux et plus précis, dont le professionnel ne pourra faire qu'une synthèse, sans intégrer l'ensemble des paramètres. Pour pallier les limites du cerveau humain, les nouvelles technologies doivent prendre le relais grâce à l'apport de l'Intelligence artificielle, qui prend le rôle capital d'une prothèse cérébrale. On peut parler d'une révolution technologique ou l'émergence de l'ère de la prothèse cérébrale Comme la radiologie il y a 15 ans, l'anatomopathologie est à la croisée des chemins. Elle fait face à un défi technologique qui lui permettra de franchir un pas vers le partage des informations et leur traitement via l'Intelligence artificielle. « L'idée en cible, c'est de sortir l'image numérisée de sa petite boîte, explique Pr EL KHANNOUSSI. On la partage, on l'échange, on l'analyse et on l'enrichit avec des logiciels d'aide à la quantification (pour la protéine HER 2 avec le cancer du sein par exemple) mais aussi pour détecter des anomalies ou valider nos diagnostics ». Une expérience réalisée par des pathologistes dans plusieurs pays européens démontre que l'intelligence artificielle a amélioré leurs diagnostics de cancers de la prostate dans 18 cas sur 100. Au-delà de l'IA, c'est aussi le partage d'expertise qui ouvre de nouveaux horizons. Les lames digitales peuvent ainsi être soumises facilement à un second avis ou à un avis d'expert, ce qui augmente la sécurité et homogénéise les diagnostics. Un nouveau rôle pour le médecin pathologiste « La logique est poussée encore plus loin avec de nouveaux partenariats. Elle propose des algorithmes, la constitution de compte-rendus et la récupération de données en vue de consultations de radiologie. La combinaison de ces services avec une brique d'anatomopathologie tend à constituer un véritable (patient virtuel), rendant possible le déploiement d'une nouvelle intelligence artificielle », renchérit la chef du service d'anatomopathologie de l'INO. Alors quelle sera la place du pathologiste dans cette future prise en charge ? « Sa place sera considérablement renforcée, sans nul doute, car il va pouvoir se concentrer sur sa relation avec le clinicien et libérer du temps médical ». « Il en sera d'autant plus humain ».De quoi permettre d'alimenter le diagnostic avec une meilleure recherche bibliographique et scientifique, le tout au service du patient, conclut Pr Basma EL KHANNOUSSI.