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Rétro-verso : Il était une fois, l'hôtel Balima d'Ifrane
Publié dans L'opinion le 08 - 02 - 2023

L'hôtel Balima d'Ifrane est, à tout point de vue, témoin d'une page glorieuse de l'histoire architecturale de la ville la plus neigeuse du Moyen-Atlas. Flashback sur cette pépite dont bon nombre d'intellectuels marocains réclament la réouverture à cor et à cri.
« Rouvrira, rouvrira pas » reste l'éternelle pirouette liée à la réhabilitation et la remise en service de l'hôtel Balima d'Ifrane, d'autant que, ces dernières années, légion sont les militants culturels, majoritairement composés d'historiens, d'archéologues et d'architectes, qui espèrent le retour des années de gloire et de l'âge d'or de cette bâtisse riche en histoires et en légendes dont beaucoup sont drolatiques à souhait. Parmi eux, nommons l'historien et archéologue Mohammed Es-Semmar, grand amoureux et nostalgique de la ville.

«L'âge d'or et les années de gloire de ce joyau historique et architectural sont tels que l'on ne peut pas parler de Balima d'Ifrane sans que les témoignages des nostalgiques et autres vétérans de l'intelligentsia marocaine des années 70 fusent de toutes parts », lance-t-il d'emblée au dictaphone de L'Opinion, avant d'enchaîner, non sans vague à l'âme, qu'il a daigné assister à maintes reprises, à moult événements dédiés à la sauvegarde du patrimoine de cette cité alpine, laquelle sauvegarde, toujours selon ses termes, ne peut se faire sans réhabilitation et réouverture de cet hôtel.

«Je me remémore, non sans nostalgie, quand le défunt Roi Hassan II se rendait de manière quasi-hebdomadaire à la rencontre des artistes phares de cette époque dans son Palais d'Ifrane. Des foules de citoyens et de touristes séjournant au Balima accouraient d'ailleurs à la rencontre de Sa Majesté. Aussi, des scientifiques, universitaires, écrivains, parlementaires, ministres aimaient-ils à tenir des discussions à vouloir réinventer le monde autour d'un verre de thé à la menthe dans leurs balcons en n'ayant d'yeux que pour le charme exotique et dépaysant de cette ville qui leur rappelait vaguement le Sud de l'Hexagone », poursuit notre source.


Mais il n'en demeure pas moins que le Groupe Balima, la société immobilière qui gère l'hôtel Balima de Rabat -fermé aussi il y a quelques années, puis réhabilité et dont la mise en service est en stand-by-, ne se prononce que furtivement sur le sort de son hôtel à Ifrane. Contacté par nos soins, un responsable hautement placé au sein de cette entité s'est cantonné à nous dire que la réouverture de l'établissement n'est pas à l'ordre du jour.


À l'image d'Ifrane, ville érigée sur les montagnes du Moyen Atlas marocains, Balima des neiges était réputée pour son architecture de style alpin entourée de pistes de ski et forêts rivalisant d'exotisme avec le Sud de la France.
«Parler de l'hôtel Balima d'Ifrane c'est comme faire allusion à la statue en pierre du lion, proche du célèbre parc de La Prairie, autre figure emblématique de la ville qui donne sur la source d'Ain Vittel et ses nombreuses cascades à la vue imprenable », témoigne notre historien.

Des histoires et des légendes

Parmi les histoires véhiculées par ouï-dire et bouche-à-oreille, citons en tête du peloton celle selon laquelle les anciens dirigeants de l'hôtel ont mis la clé sous le paillasson car le défunt Roi Hassan II n'aimait pas que le Palais d'Ifrane soit dominé par cet établissement touristique. «Cette légende repose sur une culture orale aléatoire car il n'y a pas plus fort que l'imaginaire pour nourrir les rumeurs », fait remarquer le professeur Mohammed Es-Semmar. Aussi, une autre version tout aussi légendaire voudrait que les lieux aient été hantés par de maléfiques âmes du monde parallèle poussant, ainsi, les fidèles et touristes à prendre leurs jambes à leurs cous.

Mais quoi qu'il en soit et indépendamment du sort de ce fleuron et marque-page historique, il reste incontestablement et à tout jamais, inscrit dans les annales de la mémoire ineffaçable du Moyen Atlas en particulier et du Royaume, dans l'absolu.

Houda BELABD



Balima de Rabat Rouvrira, rouvrira pas
Le légendaire hôtel Balima fut inauguré en plein protectorat français. Fondé par Louis Mathias, un Français originaire de Bourgogne, l'hôtel était le lieu prisé des grandes personnalités de l'art et de la politique d'ici et d'ailleurs. C'est en mai 1928 que le Balima est véritablement né. Son nom est une contraction des premières syllabes des noms de famille de ses trois premiers associés. Lucien Bardy, André Liorel et Louis Mathias.

Ouvert au grand public en octobre 1932, il est rapidement devenu le porte étalon de l'hôtellerie marocaine de cette époque. Introduite à la bourse de Casablanca, la société Balima est administrée par la famille Mathias. Yann Lechartier en est, aujourd'hui, le directeur général.

La réhabilitation de l'hôtel Balima, joyau du patrimoine hôtelier du Royaume, est en suspens depuis près de dix ans. La réouverture de cet établissement mythique soulève de nombreuses interrogations chez les nostalgiques.

Le reprise des activités du Balima n'est pas envisagée pour demain. Pourtant, elle était censée avoir lieu en 2015, puis en 2017, avant d'être reportée à 2019. Quand on interroge Yann Lechartier sur les motifs de ces reports de dernière minute, ce dernier ne fait pas dans la dentelle : "La remise en service de Balima a été repoussée pour plusieurs raisons. Citons notamment le changement d'équipe et la réfection des locaux. Nous ne souhaitons pas altérer le caractère de ce monument. Avant tout, nous tenons à ce qu'il conserve son prestige et sa gloire d'antan".

Ainsi, et après trois ans de chantier, la dernière phase de la réhabilitation de ce monument vient d'être lancée pour la fin de cette année.

" Nous ne connaissons pas davantage la date effective de la réouverture de l'hôtel, mais le pire, à savoir la fermeture, a été évité de justesse ", rassure Yann Lechartier. Souvenons-nous qu'en 2015, Balima a dû faire face à une démarche judiciaire qui avait opposé les dirigeants de la société immobilière de même nom aux anciens responsables de l'hôtel lui-même. La société de gestion a à chaque fois refusé d'accepter les verdicts lui ordonnant de libérer les lieux.

Néanmoins, après un verdict en première instance, puis un second en appel, en sa défaveur, elle a fini par obtempérer.

Devant cette longueur qui a conduit à un imbroglio, elle a préféré se résoudre à obtempérer à la décision du tribunal contre une indemnisation d'expulsion d'un montant total de 19,2 millions de DH. Il en résulte qu'après avoir finalisé les opérations administratives liées à l'obtention des autorisations nécessaires à la réhabilitation, la société dispose désormais de la gestion exclusive de l'hôtel lui-même. Malgré le fait qu'aucun détail n'ait encore été fourni sur la réouverture de cet hôtel emblématique de la capitale, nous avons été informés que les études de rénovation sont toujours en cours et que les travaux de réhabilitation devraient durer, au moins, quelques mois.

3 questions à Mohammed Es-Semmar, historien et archéologue
Historien, archéologue, professeur universitaire, mais aussi fin connaisseur de l'histoire du groupe Balima et fervent militant pour la réouverture de l'hôtel Balima d'Ifrane, Mohammed Es-Semmar a accepté de répondre, à cœur joie, à notre interview.
Parlez-nous de l'histoire de l'hôtel Balima d'Ifrane.

Construit par une famille française qui a élu domicile au Maroc pendant le protectorat, et imaginé par trois architectes français, l'hôtel Balima d'ifrane est à l'histoire cette ville ce que le Hyatt Regency est à celle de Casablanca. Un fleuron de l'hôtellerie de très haut standing mais pas seulement. Encore faudrait-il préciser que ce joyau architectural est classé site et monument historique par l'UNESCO. Il a toujours été un repère pour les automobilistes égarés sur la route d'Azrou (rires) compte tenu de sa bâtisse érigée au milieu de la richissime flore de la ville enneigée. Même si elle est rayonnante de beauté et de culture, l'Ifrane d'antan l'a été tout autant. Cet hôtel, malgré sa fermeture, continue d'éblouir tous ceux qui viennent de prendre connaissance de son histoire et de sa mémoire.

Quelle est selon vous, en connaissance de causes et de conséquences, la raison de sa fermeture ?

Au milieu des milles et une versions sur les raisons de sa fermeture, enhardissons-nous à croire et à véhiculer la plus raisonnable: celle qui repose sur une réalité archéologique. L'hôtel, eu égard à son écosystème avoisinant, ne pouvait plus satisfaire aux conditions sécuritaires propres aux bâtisses construites dans un climat froid et nécessitait des travaux de rénovation herculéens aux montants faramineux. De plus, puisque le site est enregistré dans le patrimoine de l'humanité, sa remise en service, rachat, revente ou toute autre transaction boursière ne pouvaient qu'être revus à la hausse spectaculaire.

Il paraît que vous militez pour sa réouverture même si elle n'est pas à l'ordre du jour. Parlez-nous en.

Il faudrait absolument réhabiliter cet hôtel dans les règles de l'art architecturales et archéologiques, car quoi qu'il en soit, je me joins à tous les militants culturels qui demandent sa réouverture, qui même si elle a un coût, elle n'a pas de prix !


L'histoire boursière du groupe Balima
Depuis la création du groupe Balima en 1928, la trame de la mise en œuvre et de la communication financière des entreprises marocaines a considérablement progressé au fil des années avec la diversification des obligations et des supports d'information.

Référencée à la Bourse de Casablanca, Balima Real Estate Company estime, selon notre source auprès du directoire du groupe immobilier, que sa communication financière est un volet primordial de sa démarche de transparence et une condition sine qua non de sa marque de confiance et de sa crédibilité vis-à-vis des investisseurs.

En application de la circulaire 03-19 du 20 février 2019, portant notamment sur les opérations et l'information financière des sociétés cotées à la Bourse de Casablanca, la société Immobilière Balima, entreprise qui procède à l'APE (l'appel public à l'épargne, un moyen d'investissement destiné aux entreprises comme aux particuliers), tient à la disposition de ses actionnaires l'information financière régulée.
BALIMA SA est cotée à la Bourse de Casablanca depuis le 5 juillet 1946.
Pour l'exercice clos le 30 juin 2021, les résultats du chiffre d'affaires de la Société Immobilière Balima sont maintenus à 23,3 MDH.
Au titre du premier semestre de l'exercice 2021, Balima présente un résultat net de 5.197.000 MDH, en retrait de 15 % comparativement au résultat de l'exercice précédent.
Cette baisse est due à une absence, au 30 juin 2021, de produits nets sur la vente de titres et valeurs mobilières de placement en comparaison avec la même période de l'exercice précédent.

Rétrospective : Balima, la saga familiale
Il y a quelques mois, L'Opinion s'est entretenu avec Yann Lechartier, directeur général de l'hôtel Balima et directeur adjoint à la présidence du groupe immobilier Balima. Il nous a parlé, sans ambages, des tenants et aboutissants de la fermeture de l'hôtel r'bati et du pourquoi du report de sa réouverture.
Que cette dernière soit à l'ordre du jour ou pas, il n'en demeure pas moins que depuis sa construction en 1928, l'entreprise a su rester fidèle à la philosophie de ses fondateurs : bâtir des immeubles de luxe à usage locatif. Au fur et à mesure des décennies, Balima a donc très concrètement participé à la construction et au développement de la ville de Rabat. C'est ainsi qu'elle a construit une grande partie de l'avenue Mohammed V, avec des immeubles qui imprimeront leur marque sur le centre-ville.
La société est notamment à l'origine de la mise en place d'un hôtel à Rabat, sur l'avenue Mohammed V, qui va accueillir des hôtes de marque tels que Charles Trenet, Tayeb Seddiki, Annie Girardot, Mohammed Khaïr-Eddine ou Viviane Romance...
Authentique saga familiale, portée depuis 90 ans par la famille Mathias et ses successeurs, Balima a su depuis toujours préserver ce qui fait son excellence : bâtir, faire vivre et sauvegarder un parc immobilier dont la plupart des édifices sont classés à ce jour au titre des monuments historiques.


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