A l'heure où les entreprises aspirent à accélérer le processus de recrutement pour répondre à leurs besoins en matière de ressources humaines, l'intelligence artificielle se présente comme une solution innovante pour les DRH. Néanmoins, elle n'est pas sans risque ni pour le recruteur ni pour le candidat. Détails. Les ressources humaines ont commencé à se digitaliser depuis un certain temps favorisant ainsi le développement de nouveaux moyens et outils de recrutement plus automatisés, ce qui facilite, dans plusieurs cas de figure, la tâche autant au recruteur qu'au candidat. Selon les spécialistes du domaine, l'IA s'est imposée depuis déjà un demi-siècle dans le processus de recrutement au sein des entreprises, notamment pour effectuer des tests psychotechniques pour les candidats à un poste. « Nombreuses sont les entreprises qui ont commencé depuis un certain temps à faire recours à l'IA pour faire passer des tests pratiques aux candidats afin d'évaluer leurs aptitudes par rapport à un poste X et identifier ceux qui conviendraient le mieux pour ce poste mais aussi pour l'entreprise », nous a indiqué A.J spécialiste en développement du Capital Humain.
IA : Plus rapide mais...
Les solutions qu'apporte l'intelligence artificielle aux entreprises, aux candidats mais aussi au département des ressources humaines s'avèrent non négligeables sur plusieurs niveaux. Elles apportent un avantage économique en étant plus rapide au moment de choisir son futur collaborateur, d'autant plus que le processus de recrutement « traditionnel » est de plus en plus long surtout avec l'intervention de plusieurs interlocuteurs. A Cela s'ajoute un autre avantage technique, parce que l'IA permet au département concerné de traiter un grand volume de données et effectuer des classements selon les critères souhaités. De plus, l'IA permet de définir avec plus de précision les profils qui correspondent à un besoin au sein de l'entreprise. Il s'agit, selon notre expert en développement du Capital Humain, d'un outil qui vient en aide aux directeurs des ressources humaines qui ne sont pas toujours très bien outillés pour identifier les qualités nécessaires à la réussite dans un poste. Néanmoins, la machine semble encore loin de pouvoir remplacer les ressources humaines. L'automatisation du processus de recrutement et l'absence d'une intervention humaine comportent le risque de faire perdre à l'entreprise le « bon candidat ». « Quand le recruteur se met dans les mains de l'IA, il risque de perdre en pertinence tout ce qu'il gagne en termes de précision », observe A.J.
L'IA permet-elle d'éliminer les biais de jugements ?
Bien que des spécialistes s'accordent sur le fait que le processus de recrutement « traditionnel » favorise de plus en plus de biais de jugement et de discrimination à l'encontre des candidats (apparence, couleur de peau... ), l'IA s'avère, elle aussi, loin de réduire ces biais. D'ailleurs, certains outils prédictifs peuvent même engendrer de nouveaux. L'expérience d'Amazon s'avère, en effet, l'exemple concret. En 2018, la plateforme a dû cesser l'utilisation d'un outil de tri automatique des candidatures, du fait qu'il discriminait systématiquement les femmes candidates à des emplois techniques ou de développeuses web, sur la base des recrutements réalisés entre 2004 et 2014 qui avaient, eux, favorisé les hommes. En ce qui concerne les entretiens d'embauche automatisés, censés être plus ludiques et plus neutres que l'humain, les résultats s'avèrent loin des aspirations des recruteurs. C'est en tout cas le constat fait par Philippe Montant, directeur général de Rekrute. «Une expérience a vu le jour dans une entreprise russe qui avait proposé carrément une sorte d'IA pour passer les entretiens d'embauche avec un visage pseudo humain. Mais au final, il a été conclu que ses biais ont été pires que ceux de l'humain ». Philippe Montant parle, en effet, des biais cognitifs ou des présupposés de l'employeur par rapport à un poste ou à un candidat. Les algorithmes ou les robots se fondent sur des données du passé pour faire des conclusions, ce qui est en mesure de favoriser la discrimination contre un groupe. Par exemple, si 8 postes commerciaux sur 10 sont occupés par les hommes, ces outils prédictifs s'accordent certainement à dire qu'il ne faut recruter que des hommes pour de tels postes. Résultat : «Nous ne pourrons pas remplacer l'intelligence humaine par l'IA robot pour recruter, notamment dans les étapes de sélection, d'autant plus que l'IA ne résout pas le problème des biais de jugement », conclut Philippe Montant, soulignant que l'IA est un outil par lequel l'humain peut s'équiper pour se faire aider à prendre les meilleures décisions possibles, mais la technologie ne peut en aucun cas prendre des décisions à la place de l'Homme. Quand l'intelligence artificielle devient « le Tinder » du recrutement Au-delà des tâches très chronophages, l'intelligence artificielle est en mesure de créer une sorte de « Tinder » du recrutement en permettant de lier l'entreprise avec son collaborateur potentiel. Autrement dit, le système de recommandation auquel la plateforme «Rekrute » a fait recours depuis des années pour faciliter le processus de recrutement. «Nous avons opté pour un test gratuit pour le candidat, lui permettant d'abord de se découvrir pour faire les meilleurs choix possibles face à une multitude d'offres , et ensuite de fournir au recruteur les informations qu'il n'a pas forcément sur la personnalité, les valeurs et les objectifs d'évolution de son collaborateur », nous a expliqué Philippe Montant, ajoutant que ce test permet également au candidat d'avoir une idée claire sur la culture de l'entreprise en question, ce qui exige nécessairement que celle-ci définisse clairement ses principes. D'ailleurs, cet outil prédictif, basé sur les recommandations, permet de mieux orienter le candidat vers le poste qui lui convient, mais aussi le recruteur vers le profil le plus adéquat au poste en question, tout en justifiant ses choix, et en orientant l'entreprise et le candidat vers les offres adéquates à leurs demandes. Il est à noter que ce n'est pas la première fois que « Rekrute » opte pour l'intelligence artificielle afin de faciliter le processus de recrutement. La plate-forme a déjà fait recours au ChatBot pour répondre aux questions des candidats. Néanmoins, cet outil a manqué en efficacité en raison de la demande minime.
3 questions à Philippe Montant, directeur général de « Rekrute » « Vers l'approche homme-machine pour accélérer le processus de recrutement » Philippe Montant, directeur général de « Rekrute» répond à nos questions sur la valeur ajoutée de l'intelligence artificielle pour le recrutement.
-L'intelligence pour recruter. Où on-est en à l'heure actuelle au Maroc ?
-Jusqu'aujourd'hui, il y a quelques petits essais, dont je ne suis pas sûr s'ils sont confirmés. A savoir Chatbote permettant aux entreprises d'avoir un premier niveau de conversation avec les candidats à un poste. L'objectif étant de partager des renseignements d'un côté sur la culture de l'entreprise et d'un autre sur les objectifs d'évolution du candidat. Néanmoins c'est un peu toujours décevant car il n'apporte pas nécessairement les bonnes réponses aux questions des deux parties.
-Quels sont les avantages qu'offre l'IA aux recruteurs ?
-En 2018, on pensait que ça va aller rapidement mais aujourd'hui on se rend compte que l'IA n'a pratiquement nulle part l'impact que nous avons envisagé. Néanmoins, il y a des choses importantes que l'AI apporte au recrutement. A la différence de l'intelligence humaine, l'IA est capable de croiser une centaine de données différentes concernant un sujet alors que l'être humain est capable d'appréhender un nombre limité de données. Sur ce sujet, l'IA donnera un coup de pousse au département des ressources humaines des entreprises. Si non, les directeurs des RH ont toujours de beaux jours devant eux avant que l'IA n'arrive à faire quelque chose de qualitatif par rapport à leur métier. -L'IA permettra-t-elle seule à recruter ?
-ça ne peut jamais donner de sens. Par contre, le fait de constituer des binômes Homme- machine est en mesure de donner des résultats significatifs. Autrement dit, la machine analyse les données analysables, recommande quelque chose au recruteur et ce dernier vérifie ce qu'on lui a recommandé. ça peut donner du sens mais autrement jamais.