À quelques jours de la réunion de Haut niveau, le Maroc et l'Espagne semblent réunir toutes les conditions pour réussir ce rendez-vous où les questions épineuses devraient être tranchées. Détails. Reportée à maintes reprises pour des raisons politiques et sanitaires, la Réunion de haut niveau aura lieu début février. Le tapis rouge est déroulé aux membres du gouvernement espagnol qui se déplaceront au Maroc avec l'objectif de pousser la coopération bilatérale à un niveau supérieur, tout en réglant les dossiers épineux. Evidemment nombreux. À la veille de cette réunion aux allures de Sommet, les conditions semblent propices pour qu'elle se déroule dans les meilleures conditions, surtout que la réconciliation actée lors de la visite de Pedro Sanchez au Maroc a fixé les termes de la reprise de la coopération à tous les niveaux. Les derniers échos en provenance de Madrid confirment qu'une dynamique sans précédent anime les rapports entre deux pays condamnés à coopérer. Le négoce militaire fleurit A en croire les médias espagnols, notamment Vozpópuli, les deux pays ont intensifié leur coopération militaire, ce qui n'arrive pas souvent, au point d'en faire la Une de la presse. Le gouvernement de Pedro Sanchez aurait multiplié les ventes du matériel militaire durant l'année précédente. Selon la même source, l'Espagne aurait approuvé quatre licences pour l'exportation de matériel de défense à double usage vers le Royaume au premier semestre 2022. Des ventes estimées à 30 millions de dollars, rappelle Vozpópuli, précisant que le matériel acquis aurait été destiné aux Forces Armées Royales et à la Police marocaine. Cette transaction aurait eu lieu, toujours selon le média ibérique, au cours de la phase transitoire où le Maroc et l'Espagne étaient en train d'acter leur réconciliation. Madrid, pour rappel, a dû changer radicalement sa position sur le dossier du Sahara marocain pour regagner la sympathie et la confiance de Rabat après la rude épreuve du scandale « Brahim Ghali ». Commerce, migration : des avancées palpables Sur le plan économique, les résultats du retour au beau fixe commencent à apparaître également. Le commerce semble fleurir comme en témoigne la hausse du négoce entre les deux pays ces derniers mois. Bien que les chiffres officiels ne soient pas encore établis définitivement pour l'année 2022 et qu'ils changent en fonction des rapports, une augmentation palpable a été constatée. Le volume bilatéral des échanges a augmenté de 31%, faisant du Maroc le principal partenaire commercial en dehors de l'UE après le Royaume-Uni et les Etats-Unis. C'est ce qu'a précisé le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, dans une déclaration à la presse ibérique. Ce dynamisme commercial est d'autant plus limpide qu'il est observable au niveau des ports. En effet, 432.205 camions de marchandises ont transité par la ligne Algésiras-Tanger Med en 2022, générant une croissance de 10% des échanges entre les deux partenaires, selon Gerardo Landaluce, président de l'Autorité portuaire de la baie d'Algésiras (APBA). Loin du commerce, la reprise de la coopération migratoire a été en mesure de restreindre les flux de migration clandestine vers la péninsule ibérique. Les chiffres de Frontex, repris par José Manuel Albares, permettent de corroborer ce constat. En 2022, les flux en provenance du Nord du Maroc ont visiblement chuté, avec une diminution estimée à 21%. Ainsi, le nombre d'arrivées clandestines a été maîtrisé autour de 14.582 personnes. Idem pour les Îles Canaries qui ont accueilli moins de migrants que les années précédentes. Les flux de migrants clandestins ont reculé de 31%. De quoi réjouir le chef de la diplomatie espagnole. « Nous sortons d'une crise profonde, maintenant nous entrons dans une phase plus solide », a-t-il confié à la presse espagnole. Si l'Exécutif espagnol se montre satisfait de l'état de la coopération bilatérale, le gouvernement régional des Îles Canaries semble moins enthousiaste dans ses réactions. Malgré ses sorties médiatiques musclées et sa façon de hausser le ton en parlant du Maroc, le président du gouvernement de l'archipel, Ángel Víctor Torres, a fini par reconnaître, lui-même, cette « embellie migratoire », estimant qu'il s'agit du fruit de la collaboration maroco-espagnole. Toutefois, la participation de ce dernier à la prochaine réunion de haut niveau demeure sujet de doute puisqu'il n'est pas encore certain s'il fera partie de la délégation officielle qui se rendra au Maroc. Ce qui est sûr pour le moment, c'est qu'il est déterminé à se rendre au Maroc dans les prochaines semaines dans le cadre d'une tournée qui le mènera également à Cuba et au Venezuela, comme l'a confirmé, le 12 janvier, son porte-parole Julio Pérez à l'agence EFE. Frontières maritimes : la délimitation compliquée En effet, Torres est si désireux de venir au Royaume qu'il reste tracassé par la question des frontières maritimes qui séparent les Îles du Sahara marocain. Ce dossier épineux devrait, sans doute, être au cœur des discussions lors de la réunion de haut niveau. Rabat et Madrid ayant un long chemin à parcourir avant de se mettre d'accord sur un départage équitable qui convient à tout le monde. Les négociations s'annoncent dures étant donné que le voisin ibérique voudrait ajouter à sa zone maritime 296.000 km2 supplémentaires. Ceci dit, Madrid réclame une zone qui va au-delà des 200 miles de la zone économique exclusive. Les scientifiques espagnols, qui auraient d'ores et déjà constitué leur dossier et rassemblé leurs arguments, jugent que la superficie du plateau continental est supérieure à ce que prévoit la convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer. Pour sa part, le Maroc n'a pas dit son dernier mot. À cela s'ajoute le défi de réussir la reprise du commerce par les points de passage transfrontaliers. La réouverture du poste de Bab Sebta, rappelons-le, est prévue en janvier. La presse espagnole estime qu'elle pourrait avoir lieu avant la réunion de haut niveau. Il s'agit là d'un véritable challenge pour les deux pays, vu que la nuance est de mise. Le Maroc a fait clairement savoir que la réouverture n'est nullement synonyme de reprise de la contrebande puisque le Royaume entend mettre en place un véritable plan de développement du commerce légal dans les provinces du Nord afin de donner une alternative aux habitants locaux qui dépendaient de la contrebande. La zone d'activité économique de Fnideq en est le meilleur exemple. D'après les estimations, le manque à gagner pour le Maroc serait de 12,5 milliards de dirhams. Une conclusion que les autorités des présides occupés devaient prendre en considération pour tourner la page du commerce illégal qui a été bénéfique à leurs économies avant 2020. Les temps ont changé. Encadré Espace aérien : Ce que prévoit la feuille de route Signée le 7 avril 2022, lors de la visite du chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez, la déclaration conjointe a acté une feuille de route par laquelle les deux pays ont planifié la reprise de la coopération bilatérale. Il a été convenu de traiter les sujets d'intérêt commun « dans un esprit de confiance, dans la concertation, loin des actes unilatéraux ou des faits accomplis ». En plus de la réouverture des liaisons maritimes et terrestres, Rabat et Madrid ont réactivé le groupe de travail sur la délimitation des espaces maritimes dans la façade atlantique « dans l'objectif de réaliser des avancées concrètes ». Ce à quoi s'ajoute la gestion épineuse des espaces aériens. Les discussions seront engagées à cet effet pour mieux gérer ce dossier épineux. Il convient de rappeler que l'espace aérien au-dessus des provinces du Sud est contrôlé depuis les Îles Canaries.