Sans effet juridique, la Résolution hostile du Parlement européen (PE) peine à avoir raison du partenariat euro-marocain auquel sont attachés les Etats-membres. Décryptage. S'il y a un sujet qui a accaparé l'attention médiatique ces derniers jours, c'est bel et bien celui de la dernière Résolution du Parlement européen qui continue de faire cavalier seul pour brouiller les relations entre le Maroc et l'Union Européenne. Avec une large majorité, le Parlement de Strasbourg a adopté la Résolution qui s'est fixé comme objectif d'attaquer le Royaume sur le terrain facile des droits de l'Homme, en réaction aux allégations infondées sur l'affaire du Qatar Gate où le nom du Maroc a été cité parmi ceux des pays qui auraient fait des actions visant à influencer les décisions européennes.
Une décision aux allures d'un acharnement médiatique et juridique qui rappelle l'épisode de l'affaire Pegasus où le Royaume a été pointé du doigt par une machination médiatique sur la base d'accusations fallacieuses invériables, en plus qu'aucune preuve n'a été avancée jusqu'à présent. Tout simplement, cette Résolution s'attaque à l'excellence des relations euro-marocaines. Le Royaume, qu'on le rappelle, défend son partenariat par les canaux légaux, sachant que les eurodéputés semblent oublier qu'il existe une diplomatie parallèle en marche.
La Commission Parlementaire Mixte s'occupe désormais de traiter de tous les sujets concernant le Maroc et son partenariat avec l'UE. C'est le Maroc qui a insisté le plus pour que cette commission soit opérationnelle, malgré les tergiversations du côté européen, nous indique une source parlementaire, rappelant que les échanges entre les députés marocains et leurs homologues européens sont réguliers et se déroulent dans un cadre transparent, contrairement à ceux de l'intergroupe rassemblant les eurodéputés pro-polisario, lequel œuvre sans aucun contrôle de la part du Parlement de Strasbourg.
Les eurodéputés face à leurs contradictions
En réalité, en condamnant la supposée ingérence du Maroc et la supposée détérioration des droits de l'Homme, les eurodéputés n'ont fait que donner crédit aux articles de médias et d'ONG connus pour leur hostilité au Maroc. Une attitude dénoncée au sein même de l'hémicycle européen. thierry Mariani, député du Rassemblement national, a fustigé ses collègues, lors des débats, en dévoilant leurs contradictions. « A la différence de la majorité de cette assemblée, je ne considère pas que les décisions de la Justice marocaine et que les accusations portées par la victime du viol valent moins que les communiqués d'Amnesty International ou de Human Rights Watch », a-t-il asséné, critiquant ainsi la foi aveugle des eurodéputés dans les rapports des ONG.
« Le récent exemple des pratiques de l'ONG Fight Impunity devrait avoir alerté chacun d'entre nous sur le crédit que nous accordons systématiquement aux ONG. Comme les Etats, elles ont leurs intérêts et leurs limites », a-t-il martelé, tout en dévoilant les deux poids-deux mesures des porteurs de cette Résolution, en grande partie appartenant aux partis de gauche, connus pour ne pas être très amènes à l'égard du Royaume, et ce, depuis des années. Celle-ci, rappelons-le, a été portée, à l'origine, par des députés de « Renew Europe », des « Verts », et de la « Gauche européenne ».
L'Espagne dit non !
Mais, l'animosité vis-à-vis du Maroc ne fait pas, pourtant, l'unanimité au sein de la même de la famille gauchiste. Force est de constater que les eurodéputés socialistes espagnols ont voté contre la Résolution. Ces derniers sont allés à contre-courant dans une démarche qui semble concertée au sein du Parti de Pedro Sanchez, très soucieux, en ce moment, de préserver la coopération entre Rabat et Madrid de tout désagrément inopiné et de toute dé[1]marche hasardeuse.
Quand il a été interrogé sur l'attitude des députés de son parti, le Chef du gouvernement espagnol a répondu laconiquement qu'il « arrive généralement à d'autres occasions qu'il y ait également un sens différent du vote parmi les députés socialistes ». Dans sa réponse prudente, Sanchez n'a pas manqué de souligner l'importance de la coopération avec le Maroc, un geste qui montre que l'Exécutif espagnol veille à se tenir à l'écart de tout ce qui est de nature à déstabiliser les rapports avec Rabat après la réconciliation.
Pedro Sanchez, rappelons-le, a les yeux rivés sur la prochaine réunion de haut niveau que les deux pays tiendront les 1er et 2 février et qui devrait aboutir sur l'accélération de la mise en œuvre de la feuille de route et de booster la coopération bilatérale. Aussi, des dossiers épineux devraient-ils être abordés comme la migration et la délimitation des frontières maritimes au large des provinces du Sud et des îles Canaries.
Une Résolution sans effet juridique
Par ailleurs, au fond, c'est le partenariat maroco-européen qui est visé par la démarche des eurodéputés qui est, toutefois, loin de saborder le partenariat euro-marocain dont l'excellence a été soulignée par le Chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, lors de sa dernière visite au Maroc. Il suffit de rappeler que les échanges commerciaux entre les deux parties ont triplé en dix ans pour atteindre plus de 45 milliards d'euros en 2021.
A cela s'ajoute les multiples accords de coopération et le statut avancé dévolu au Ma[1]roc depuis 2008. Cette relation est considérée, aujourd'hui, par la partie européenne comme un modèle de réussite dans le voisinage Sud de l'Europe. En effet, il y a un grand écart entre le Parlement et les autres institutions européennes, dont la commission qui voit en le Maroc un modèle de réussite dans ce voisinage. Par ailleurs, l'UE s'apprête à investir 1,4 milliard de dollars dans la transition numérique et énergétique au Maroc dans le cadre de son nouveau projet de coopération internationale « Global Gateway ».
Ceci dit, la Résolution du PE est d'autant plus symbolique qu'elle est dépourvue de valeur juridique concrète. En fait, le vote fait par le Parlement européen est sans effet et fait partie des actes non contraignants du droit européen. Le Parlement de Strasbourg se contente dans ce cas d'exprimer son point de vue sur des sujets d'actualité. Le véritable pouvoir législatif est concentré au Conseil européen qui rassemble les gouvernements des Etats-membres. La Commission européenne détient le pouvoir exécutif qu'elle exerce par directives. Trois questions à Driss Lagrini « C'est une réaction à la volonté du Maroc d'équilibrer ses rapports avec l'Europe » Driss Lagrini, professeur des relations internationales à l'Université Cadi Ayyad de Marrakech, a répondu à nos questions sur les enjeux de la décision du Parlement de Strasbourg.
- S'agit-il, de votre point de vue, d'une tentative d'instrumentalisation politique des droits de l'Homme ?
- En effet, cette démarche n'est pas nouvelle et il est fréquent de voir des tentatives d'instrumentalisation des droits de l'Homme à des fins politiques pour porter atteinte à l'image d'un pays en fonction d'intérêts étroits. Mais le Maroc est conscient des enjeux de telles démarches. Nous avons vu des antécédents de ce genre en Irak et en Somalie où les droits de l'Homme n'étaient qu'une justification pour servir d'autres intérêts.
- A votre avis, qu'est-ce qui explique véritablement la décision du Parlement européen ?
- Il est important de garder en tête que cette décision est d'autant plus problématique que le contexte dans lequel elle est intervenue soulève plusieurs interrogations. Un contexte, je rappelle, marqué par la volonté et l'orientation du Maroc d'établir des relations plus équilibrées avec ses partenaires européens, surtout après les crises diplomatiques avec l'Espagne et l'Allemagne et la crise froide avec la France. Ceci témoigne d'un changement important dans la politique étrangère marocaine qui aspire qu'il lui soit bénéfique et qu'il soit adapté aux évolutions du monde.
- Pensez-vous donc que cela est mal vu en Europe ?
- Cette nouvelle orientation souveraine semble contrarier certaines parties qui, peut-être, voient d'un mauvais œil l'ouverture du Maroc sur de nouveaux partenaires, dont les Etats-Unis, la Chine et Israël, dans le cadre de la stratégie de diversification. Cette exaspération me semble due à tout un contexte où les puissances européennes sont en déclin sur la scène internationale et perdent ainsi, de plus en plus, leur influence, surtout en Afrique.
L'info...Graphie Parlement européen : Les deux poids-deux mesures
Alors qu'il s'acharne contre le Maroc, le Parlement européen se montre très concilient vis-à-vis de l'Algérie. De quoi scandaliser le député européen Thierry Mariani qui a fustigé le silence coupable de ses collègues.
« Nous nous réunissons aujourd'hui pour condamner les pratiques d'un pays qui bride les droits de l'Homme, oppresse les voix contestataires et participe à la déstabilisation de l'Afrique. Alors, cela signifierait que nous parlons ici de l'Algérie », a-t-il martelé, ajoutant : « La Gauche européenne ne condamne jamais l'Algérie et l'Union Européenne lui passe tout en espérant obtenir son gaz.
À la place, nous débattons du Maroc qui est pourtant un des pivots de notre partenariat stratégique en Afrique ». Concernant le cas Omar Radi sur lequel la Résolution s'est appuyée pour critiquer le Maroc, Thierry Mariani voit en cela une tentative d'ingérence dans les affaires internes du Royaume et une offense à la Justice marocaine et à son indépendance.
Ingérence : Réponse ferme et unanime de la justice marocaine
La Résolution s'est penchée sur les cas de prétendues violations de droits de l'Homme en citant le cas du journaliste Omar Radi. Dans un exposé partial, les rédacteurs du texte ont remis en cause la justice marocaine qui a unanimement condamné ces allégations. Dans un communiqué diffusé à l'issue d'une réunion du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, le CSPJ a fait état « d'atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire ».
« Ces allégations infondées travestissent les faits et sèment le doute sur la légalité et la légitimité des procédures judiciaires prises au sujet d'affaires, dont certaines ont été jugées et d'autres en cours », s'est indigné le Conseil, qui a regretté « cette dénaturation des faits dans le cadre de procès qui se sont déroulés conformément à la loi, dans le respect total des garanties constitutionnelles et des conditions d'un procès équitable reconnues au niveau international".
En plus, le CSPJ a vivement dénoncé le contenu de cette Résolution qui incite à exercer des pressions sur le pouvoir judiciaire aux fins de la libération immédiate des personnes qu'il a mentionnées, relève le communiqué, notant que "ceci porte une grave atteinte à l'indépendance de la justice et constitue une tentative de l'influencer, alors que certaines affaires sont toujours devant les tribunaux". De son côté, le Club des magistrats du Maroc a dénoncé ce qu'il a qualifié « d'ingérence » dans la souveraineté judiciaire marocaine.