Un projet de loi relatif à la réglementation de la profession des Adouls, toujours en discussion, se propose de donner voix au chapitre à la femme. Pour la première fois au Maroc, son témoignage devant un notaire traditionnel pour la procédure «Lafif Adli» deviendra l'équivalent de celui de l'homme. Si depuis longtemps et jusqu'aujourd'hui, le témoignage de l'homme devant un notaire traditionnel pour l'accomplissement de la procédure « Lafif Adli » est équivalent à celui de deux femmes, le projet de loi relatif à la réglementation de la profession des Adouls devra mettre fin à cette règle. La femme sera désormais l'égale de l'homme en termes de droit; son témoignage vaut désormais celui de l'homme. Une nouveauté que les acteurs de la société civile qualifient de « révolution » après des années de lutte pour la consécration du principe de l'égalité du genre. Pour leur part, les professionnels du domaine applaudissent cette nouvelle disposition qui répond, de leur avis, à un besoin permanent. C'est le cas du président de l'Association nationale des Adouls, Bouchaïb Fadlaoui, qui nous a indiqué : « Nous avons revendiqué que le témoignage de la femme devient égal à celui de l'homme vu que ce n'est pas toujours possible pour les citoyens de trouver des témoins hommes». Il a fait savoir que le fait de retenir le témoignage de la femme en cas d'absence de l'homme faisait partie des revendications endossées depuis longtemps par l'association. En outre, cette avancée devrait encore s'accompagner par des efforts pour relever des défis majeurs liés, notamment, au changement souhaitable des mentalités car, selon M. Fadlaoui, certains citoyens n'acceptent pas le témoignage de la femme et exigent celui de l'homme, surtout dans les cas de mariage, de divorce et autres.
Vers six ou cinq témoins
Outre l'égalité du genre dans le témoignage, l'Association nationale des Adouls a également demandé de réduire le témoignage collectif de 12 à 6 ou 5 témoins seulement, dont des femmes. Néanmoins, cette revendication ne semble pas être intégrée, selon Bouchaïb Fadlaoui, dans l'avant-projet toujours en discussion, malgré les facilités qu'elle offre pour les professionnels mais aussi pour les citoyens qui ne sont pas toujours capables de réunir les 12 témoins exigés. « La condition de réunir 12 témoins dans une affaire qu'il s'agit d'authentifier par acte adulaire, est une disposition inscrite dans le droit marocain. Le Maroc est déjà passé de 57 témoins à 36, puis à 12 témoins jusqu'à aujourd'hui, mais nous estimons nécessaire de passer à 6 ou 5 témoins », dit-il, reconnaissant toutefois qu'un long chemin reste encore à parcourir pour concrétiser cette revendication.
« Rien n'empêche une femme de devenir Adoul »
Le métier d'Adoul, qui constitue un héritage traditionnel et religieux, n'est plus l'apanage des hommes. Le Royaume est le premier pays dans le monde arabo-musulman à habiliter la femme à exercer cette profession, et ce, suite aux instructions de SM le Roi Mohammed VI, données en 2018. Une démarche qui a permis aux femmes de faire leur entrée dans ce métier. Selon le président de l'Association nationale des Adouls, 277 femmes parmi 800 lauréats de l'Institut supérieur de la Magistrature ont intégré le domaine professionnel en 2020. « Rien n'empêche, aujourd'hui, une femme de devenir Adoul. La question du genre n'importe pas dans ce registre, car la loi stipule que le candidat doit être Marocain musulman sans exigence de genre», souligne M. Fadlaoui qui fait référence à l'article 4 de la loi 16.03 qui indique que le candidat « doit avoir moins de 45 ans, jouir de ses droits civiques, être de bonne moralité et de bonnes mœurs ». D'ailleurs, même les femmes excellent aux côtés de leurs confrères hommes dans l'exercice de cette profession, certains ont toujours du mal à accepter de voir une femme officier comme Adoul, au sein d'un corps qui a été dominé depuis des lustres par les hommes. « Tout le monde n'accepte pas une femme. Mais dans certaines régions, les citoyens ont l'habitude de travailler avec la femme beaucoup plus qu'avec l'homme, d'autant plus qu'elle est, dans certains cas, plus proche du citoyen », conclut M. Fadlaoui.