Dans un Policy Brief,Mounia Boucetta, Senior Fellow au Policy Center for the New South, explore le marché mondial de l'hydrogène vert, en mettant l'accent sur les ressources dont dispose le continent africain, surtout le Maroc qui a pu se tailler une place de choix en la matière, en identifiant les défis qui se posent. « Le marché de l'hydrogène vert : l'équation industrielle de la transition énergétique », c'est ainsi que la Senior Fellow a titré son rapport, paru en ce mois de janvier, un décryptage de ce champ prometteur qui dépend toujours du «développement de la demande, de la baisse des coûts de production, de transport et de stockage, du développement d'une chaîne logistique très compétitive et de la mise en place d'un cadre juridique et règlementaire approprié », explique-t-elle. Hydrogène vert, où en est le Maroc ?
Le Maroc a accompli de grands avancées en matière d'énergies renouvelables solaire et éolienne, grâce à sa politique volontariste, d'où sa position de « leader mondial » dans ce secteur. Ainsi, le Royaume est le numéro 1 mondial des énergies renouvelables, selon le dernier classement du rapport biannuel de l'indice Renewable Energy Country Attractiveness (RECAI), grâce à « ses plans ambitieux pour le solaire, l'éolien et plus récemment l'hydrogène vert, dans l'objectif d'une part d'énergie verte de 52 % d'ici 2030 », poursuit-elle.
Dans la même veine, le Maroc s'est imposé fortement comme un acteur fiable en termes d'hydrogène vert, pour maintes raisons : la diversité de ses partenariats et de ses collaborations, notamment avec l'Allemagne, les Pays-Bas et l'UE, sa feuille de route pour l'hydrogène vert, créée en 2021, et la création d'un Cluster national de l'Hydrogène Vert (Green H2). En outre, rappelle-t-elle, le Royaume s'est doté d'un Programme d'Investissement Vert, présenté le 3 décembre 2022, devant SM le Roi Mohammed VI, par le président directeur général du Groupe Office Chérifien des Phosphates (OCP) avec près de 13 milliards de dollars sur la période (2023-2027). Ce secteur ouvre sur de grandes perspectives, affirme-t-elle, étant donné que l'hydrogène vert « peut être stocké et transporté, sans empreinte carbone ». De plus, il peut être bien exploité dans le secteur du transport, d'ailleurs « contrairement aux moteurs électriques, ceux à hydrogène vert ne nécessitent pas de temps de recharge ». Pour ces atouts, les Directives royales, émises lors de la réunion de travail, le 22 novembre 2022, consacrée au développement des énergies renouvelables, insistent sur l'intérêt du positionnement du Maroc qui capitalise sur les acquis réalisés, pour construire une « Offre Maroc » attractive et opérationnelle, en mesure de promouvoir le développement des chaînes de valeurs compétitives, rappelle-t-elle. D'autant plus que « la compétition dans ce secteur ne sera pas que régionale ou continentale », a-t-elle souligné, pour la simple et unique raison que les pays européens s'apprêtent également à assurer 50 % de leurs besoins «en production interne avec des objectifs d'industrialisation et d'innovation très importants, en visant la compétitivité sur toute la chaîne de valeur, de la production au transit, et en veillant à renforcer leur souveraineté et leur autonomie stratégique », explique-t-elle. Evidemment, le Maroc est doté d'avantages compétitifs pour procurer l'hydrogène vert et ses dérivés à l'Europe, néanmoins, le « développement de cette filière remet sur la table les questions stratégiques du développement du marché local par rapport au marché à l'export ». Le positionnement de l'Afrique
Une étude réalisée par la Banque européenne d'investissement, l'Alliance solaire internationale et l'Union africaine, en décembre 2022, a conclu que le continent africain peut bien s'implanter dans le marché mondial de l'hydrogène vert par le biais de quatre hubs : le Maroc, l'Egypte, la Mauritanie et l'Afrique australe. L'Afrique dispose des atouts nécessaires grâce à la disponibilité de ressources renouvelables à des prix compétitifs et grâce à sa proximité du marché européen qui mise sur l'hydrogène pour remplacer les combustibles fossiles. Des études réalisées par des cabinets internationaux ont estimé que l'Afrique serait capable de produire 50 millions de tonnes d'hydrogène vert à l'horizon 2035, soit 10 % du marché mondial, avec un montant de 680 à 1300 milliards de dollars d'ici 2050. Or, même si la terre africaine est dotée d'un potentiel important en termes de production d'hydrogène vert à bas coût, les annonces d'investissement ne dépassent pas les 3 % des projets en cours de développement à l'échelle mondiale, affirme la Senior Fellow. Toutefois, ledit pourcentage a connu une évolution rapide ces trois dernières années. Ainsi, plusieurs mégaprojets ont été annoncés. Les mêmes sources prévoient que le continent pourrait exporter 20 à 40 millions de tonnes d'hydrogène vert annuellement d'ici à 2050 et réserver les 10 à 20 millions de tonnes pour répondre à sa demande intérieure, en fournissant de l'énergie propre et abordable aux zones manquant de ressources énergétiques et pallier ainsi le faible niveau d'électrification du continent qui se situe à seulement 56 % en 2021, en répondant, en même temps, aux besoins de décarbonation des secteurs de transport et de l'industrie, indique le rapport.
Principaux défis
L'évolution de ce marché découle certainement des rôles joués par les acteurs majeurs: les financiers, les développeurs de technologies et les utilisateurs.Le Maroc a beaucoup de défis à relever dans le déploiement de l'hydrogène vert, ceux-ci sont ainsi cités par l'Agence internationale des énergies renouvelables, la liste est encore longue, mais l'essentiel de ces défis se rapporte au coût encore élevé de l'hydrogène par rapport aux carburants, notamment dans le processus de production, le transport, la conversion et le stockage. Mais également, l'incertitude des investisseurs quant aux politiques et réglementations afférentes à l'hydrogène. Malak ELALAMI