Si le sang reste, dans certains cas, le seul moyen pour soigner certains patients et pathologies, cet élément précieux est de plus en plus rare en raison de l'insuffisance du stock national à long terme, d'où l'idée pertinente de la création de l'Agence marocaine du sang et de ses dérivés. En dépit des efforts de sensibilisation déployés à travers le Royaume pour encourager les citoyens à accomplir le geste noble de don de sang pour sauver les vies, les centres de transfusion sanguine peinent à garantir un stock suffisant à court et à moyen terme. Les derniers chiffres avancés par le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khalid Ait Taleb, en disent long sur l'acuité de la situation. Le Maroc ne disposait, en avril dernier, que d'un stock de 5.051 poches de sang. Une quantité qui n'est apte à suffire que pour cinq jours, compte tenu des besoins des établissements en matière de globules rouges, alors que le pays a besoin au moins de l'équivalent de 1000 dons de sang chaque jour pour répondre aux demandes. Autre signe de ce constat alarmant : 600 paquets de sang sont consommés chaque jour dans les différents établissements hospitaliers de la région de Casablanca-Settat, soit plus du tiers de la consommation au niveau national, nous a indiqué Amal Darid Ibn Elfarouk, Directrice du Centre régional de transfusion sanguine de la région. Notre interlocutrice a précisé : 400 est le nombre de donateurs par jour dont la région a régulièrement besoin pour assurer l'autosatisfaction. C'est dans ce contexte que la création de l'Agence marocaine du sang et de ses dérivés revêt toute sa signification, suite au projet de loi N 11.22 adopté, jeudi 21 décembre en Conseil de gouvernement, en application des dispositions de l'article 32 de la loi-cadre N 06.22 relative au système national de santé. Cet établissement, qui sera doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, se substituera au Centre national de transfusion sanguine et d'hématologie (CNTSH) et à l'ensemble des Centres régionaux de transfusion sanguine. Comme l'a souligné le ministre délégué chargé des Relations avec le parlement, porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, cette nouvelle agence suppléera les deux organismes pour surmonter les contraintes auxquelles les centres de transfusion sanguines étaient confrontés, impactant négativement la gestion de ce secteur vital. L'Agence marocaine du sang porteuse d'espoir Besoins de plus en plus accrus, pénurie des ressources humaines des Centres de transfusion sanguine au Maroc et moyens financiers insuffisants, tels sont les défis à relever à la faveur de cette restructuration. Le Centre régional de Casablanca- Settat porte ses espoirs sur la nouvelle Agence du sang et de ses dérives pour apporter des réponses efficaces aux défis de la collecte du sang. « Par manque de moyens nécessaires à la formation ou au recrutement de nouvelles compétences, le personnel des centres de transfusion sanguine est vieillissant. Ils partent pratiquement tous à la retraite. Il nous faut les moyens nécessaires pour former et qualifier ceux qui prendront la relève», nous a précisé Amal Darid. En outre, les centres de transfusion sanguine misent sur la nouvelle agence du sang pour développer une certaine cohérence en termes de procédés et de décisions. En d'autres termes, il s'agit de dépasser « l'anarchie administrative » qui règne dans le secteur. « Espérons que cette agence éclaircira l'administration et rassemblera toute la famille de la transfusion pour avoir un seul Head Manager », souligne la responsable. « Cette même agence vise à accompagner les évolutions qui s'opèrent à l'échelle nationale », dit-elle, notant qu'elle aura à développer le stock de sang dont dispose le Maroc afin de subvenir aux besoins nationaux et garantir la disponibilité, la sûreté et la qualité de tous les produits dérivés de sang. Au sein du Centre régional de transfusion sanguine Casablanca-Settat, une stratégie est mise en place selon une approche de proximité, qui a donné des résultats probants depuis des années pour faire face à la rareté des donneurs et pouvoir répondre au besoin de la région la plus peuplée du Royaume. C'est dans ce sens que des unités mobiles ont vu le jour en 2018. Il s'agit d'équipes du Centre de transfusion qui se déplacent quotidiennement vers les associations et les entreprises afin de collecter du sang auprès du personnel sur place. A cela s'ajoute la mise en place d'unités fixes de proximité, autrement appelées « Maisons de don », avec notamment pour objectif de rapprocher les unités de dons des citoyens désirant faire don de leurs globules rouges au niveau de toute la région de Casablanca-Settat, notamment les villages lointains. « Cette même stratégie nous a permis de créer trois Maisons de don dans différents points de Casablanca. Elle nous a permis de hisser le nombre de donneurs », nous a indiqué Dr Amal, qui s'est réjouie de l'efficacité de cette stratégie car le donneur vient sur place, pas loin de son lieu de résidence, et fait son don en un minimum de temps. Les stratégies et actions menées par le Centre régional de transfusion sanguine semblent donc apporter leurs fruits. En effet, le taux de donneurs est passé de 0.89% en 2018 à 1.75% au niveau de la région de Casablanca-Settat, alors qu'au Maroc, il est toujours estimé à 0.99% au niveau national, nous fait savoir Amal Darid, soulignant que l'objectif est presque atteint dans la région, c'est-à-dire celui fixé par l'Organisation Mondiale de Santé (OMS) qui préconise d'avoir au moins 1% de donneurs. Outre les stratégies de rapprochement des unités de don des citoyens, les Centres de transfusion sanguine disent faire face à un autre dilemme, celui des mentalités. « Il faut qu'on démonte beaucoup de fausses idées qu'entretient le citoyen marocain et l'empêchent de faire un don de sang. Il faut se rapprocher de lui pour lui faire comprendre que c'est un geste anodin qui ne rend pas plus de 10 minutes », martèle Amal Darid qui considère la communication comme l'outil maître que tous les centres doivent adopter pour améliorer les réserves en globules rouges. Mondial 2022 : des journées sans donneurs de sang La période de la Coupe du Monde a beaucoup pesé sur la bonne mise en oeuvre des stratégies du Centre régional qui a vu toutes ses unités mobiles annulées, surtout pendant les jours de matchs de l'équipe nationale, jusqu'à affecter le nombre de paquets de sang quotidiens. « Sincèrement, on s'est retrouvé avec une pénurie très consistante lors des premiers matchs », nous a indiqué Amal Darid. On a dû recourir à une stratégie d'urgence allant jusqu'à mobiliser les associations de jeunes pour renflouer le stock, toujours deux jours avec le match de l'équipe nationale pour couvrir les journées sans donneurs. Dans le cadre de la recherche pour le renflouement du stock régional, l'équipe du Wydad , sollicitée par le Centre régional de Casablanca- Settat, a promis 1000 donateurs d'ici fin 2022, et le Centre mise également sur son équipe partie à l'OCP de Khouribga avec pour objectif d'atteindre 200 donneurs par jour. Mina ELKHODARI Don de sang « Il est temps d'adapter le cadre légal aux évolutions »
Le projet de loi n 03.94 relatif au don, au prélèvement et à l'utilisation du sang humain n'est plus adapté aux évolutions que connaît le Maroc en termes de santé. C'est ainsi que les acteurs du domaine qualifient cette loi qui date de 1995 portant organisation de l'action du don de sang au Maroc et définition des règles édictées dans ce sens ainsi que les sanctions en cas de non respect de ces règles. « Nous comptons sur le progrès que connaît le Royaume en matière de santé pour entreprendre une refonte globale et en profondeur du cadre légal qui régit ce domaine », martèle Amal Darid, Directrice du Centre régional de transfusion sanguine de Casablanca-Settat, ajoutant que « la loi qui nous régit est devenue obsolète. Elle nous régit depuis 1995 à ce jour ». Aux yeux de nombreux acteurs du domaine, il est temps d'adapter le cadre légal relatif au don de sang pour s'aligner sur les évolutions actuelles que connaît le Royaume. Cette action converge, bien évidemment, avec l'objectif de renforcer le stock national en matière de globules rouges de plus en plus rare au niveau des différents établissements hospitaliers.