Outre les transferts de fonds, les Africains vivant à l'étranger représentent une source d'investissements directs, d'expertise et de compétences capitales, qui peuvent être transférées aux entreprises et aux professionnels de leurs pays d'origine, quand on sait que les transferts de la Diaspora africaine sont passés de 37 milliards de dollars en 2010 à 87 milliards de dollars en 2019, pour atteindre 95,6 milliards de dollars en 2021. Faire de la Diaspora africaine, dans toutes ses composantes et dans tous les domaines, le vecteur du développement inclusif du continent, tels ont été les objectifs majeurs du forum que vient d'organiser la Banque africaine de développement (BAD) à Abidjan, en Côte d'Ivoire. Une rencontre organisée aussi en partenariat avec la Commission de l'Union Africaine, l'Organisation internationale pour les migrations et le secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine. Une initiative encourageante dans un contexte mondial économique marqué par la guerre entre la Russie et l'Ukraine aux ses conséquences de plus en plus lourdes. Placée sous le thème : « Développement sans frontières : Mobiliser la diaspora africaine pour une croissance inclusive et un développement durable en Afrique », cette conférence hybride a été l'occasion pour les panelistes de développer voies et moyens afin que les transferts de la Diaspora africaine soient mieux rentables et mieux sécurisés. Il ne pouvait en être autrement dans un contexte géopolitique difficile, où de forts déséquilibres économiques mondiaux freinent les investissements directs en Afrique et accélèrent les mutations du marché du travail. Il est indéniable aujourd'hui que les Africains de l'étranger sont devenus des contributeurs financiers, mais aussi des références. Il faut dire que la titrisation des transferts de fonds offrirait aux gouvernements africains de solides garanties d'investissement et une source de financement par l'émission d'obligations. Outre les transferts de fonds, les Africains vivant à l'étranger représentent une source d'investissements directs, d'expertise et de compétences capitales, qui peuvent être transférées aux entreprises et aux professionnels de leurs pays d'origine. Ce qui fait dire au président du groupe de la BAD, Akinwumi A. Adesina, dans son discours inaugural, que la « Diaspora africaine est devenue le plus grand bailleur de fonds de l'Afrique ! Et ce n'est pas de la dette, ce sont des cadeaux ou des dons à 100%, une nouvelle forme de financement concessionnel qui est la clé de la sécurité des moyens de subsistance pour des millions d'Africains ». Financements des économies Rappelons à ce sujet que la valeur des transferts de fonds de la diaspora africaine a doublé, passée de 37 milliards de dollars en 2010 à 87 milliards de dollars en 2019, pour atteindre 95,6 milliards de dollars en 2021. Or, l'aide publique au développement de l'Afrique en 2021 s'est élevée à 35 milliards de dollars, soit 36% du montant des transferts de fonds de la diaspora. C'est dire que la diaspora africaine est devenue le plus grand bailleur de fonds de l'Afrique. En outre, le flux de transferts de fonds vers l'Afrique est élevé, en hausse et stable. A cet égard, il offre d'énormes possibilités pour servir de garantie et assurer le financement des économies africaines. Dans ce cadre, les conférenciers ont estimé que les pays africains devraient titriser les transferts de fonds pour stimuler les investissements, notamment en matière d'infrastructures sur le continent. On ne peut qu'être d'accord quand A. Adesina implore et encourage les gouvernements africains à créer les conditions qui permettent à ceux qui vivent et travaillent à l'étranger de contribuer de manière significative au développement national ou, mieux encore, de ne pas partir du tout. Rien que dans le seul secteur de la santé, l'Afrique perd 2 milliards de dollars par an environ, du fait de la fuite des cerveaux. Il est temps que cela s'arrête peut-on le paraphraser. Car le développement de l'Afrique doit être une priorité pour tous les Africains de la Diaspora. L'initiative « Africa Connect » sera déjà un premier pas dans ce sens, à travers la future association entre la BAD et l'OMS afin de tirer stratégiquement parti des médecins africains de la diaspora pour qu'ils investissent dans des infrastructures sanitaires de qualité, notamment dans la création d'établissements médicaux de pointe. Cette initiative s'inscrira, dit-on, dans le cadre du projet de la Banque d'investir 3 milliards de dollars dans des infrastructures de santé de qualité en Afrique. Compétences et capacités Pour tirer profit donc des Africains de l'étranger, les gouvernements doivent apprendre à connaître leur diaspora. Cela commence par savoir où elle se trouve, quelles sont ses compétences et ses capacités, et dans quelle mesure elle est prête à s'engager dans le développement de son pays d'origine. En la matière, le Maroc est cité comme un exemple à imiter. D'ailleurs, le fait que les MRE constituent la treizième région en dit long sur le progrès accompli par le Royaume en matière de gestion de ses ressortissants résidents à l'étranger. D'ailleurs, dans un communiqué publié dernièrement à l'issue de la troisième réunion trimestrielle de son Conseil au titre de l'année 2022, Bank Al-Maghrib indique que les transferts des Marocains Résidant à l'étranger (MRE) devraient s'établir à près de 100 milliards de dirhams (MMDH) en 2022 sur l'ensemble des douze mois, en tenant compte des performances enregistrées depuis le début de l'année. Même si ce montant devrait revenir à 92,4 milliards en 2023. C'est dire l'importance de la Diaspora dans le développement d'un pays. Pourtant, les initiatives n'ont jamais manqué sur le continent comme l'a souligné la présidente adjointe de la Commission de l'Union Africaine, Mme Monique Nsanzabaganwa. Selon elle, les chefs d'Etat africains s'étaient engagés à impliquer la diaspora dès 2012, en créant une base de données des professionnels de la diaspora, un institut africain pour les transferts de fonds et un fonds d'investissement de la diaspora africaine – entre autres initiatives. Des initiatives qui tardent à voir le jour. Peut-être qu'avec la mise en place du Système de Paiement et de Règlement Panafricain (PAPSS), les choses vont changer (lire l'encadré). Car cet instrument permet de faire circuler l'argent de manière efficace et sécurisée à travers les frontières africaines, en minimisant les risques et en contribuant à l'intégration financière des régions. Wolondouka SIDIBE Bon à savoir
Le Système de Paiement et de Règlement Panafricain était attendu. Qu'il s'agisse de faire des achats, de transférer de l'argent, de payer des salaires, de négocier des actions et des parts ou d'effectuer des transactions commerciales de grande valeur, l'infrastructure en temps réel du PAPSS offre une solution fiable et rentable pour les paiements instantanés. Dans cette optique, PAPSS travaille en collaboration avec les banques centrales africaines pour fournir un service de paiement et de règlement auquel les banques commerciales, les prestataires de services de paiement et les fintechs à travers le continent peuvent se connecter en tant que « Participants ». À l'heure où le commerce transfrontalier est devenu une priorité absolue avec l'accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), PAPSS est prêt à faciliter l'augmentation attendue des volumes de paiements transfrontaliers. Enfin, rappelons que PAPSS est une idée originale d'Afreximbank, la principale institution de financement du commerce en Afrique, dont la mission est de stimuler l'expansion, la diversification et le développement du commerce africain.