En marge d'une rencontre organisée, mercredi 2 novembre à Salé, par la Fondation Fkih Tétouani pour la science, la littérature et les oeuvres sociales, le ministre de la Justice s'est exprimé sur plusieurs problématiques sociales. Abdellatif Ouahbi a annoncé plusieurs mesures adoptées par son département, notamment en matière de relations sexuelles hors mariage, le mariage des mineures, les mères célibataires, mais également en ce qui concerne l'avortement. Des phénomènes sociaux qui hantent la société marocaine, laissant place à un silence horrible qui entoure ce genre de sujets fort épineux. Relations sexuelles hors mariage Le délaissement parental ou encore l'abandon des enfants est un phénomène social très remarquable au Maroc, compte tenu de son ampleur et de ses conséquences sur le développement psychologique des enfants et leurs relations sociales et personnelles. Dans ce sens, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a affirmé que son département envisage de nouvelles mesures astreignantes, obligeant ainsi les parents biologiques de l'enfant à «assumer leur responsabilité civile». Selon Ouahbi, cet enfant abandonné est «le résultat de l'erreur de deux personnes», mais il est avant tout «un citoyen en bonne et due forme et devra être pris en charge». En effet, Ouahbi a souligné que «si l'ADN prouve qu'une relation extraconjugale entre un homme et une femme a conduit à une grossesse puis à la naissance d'un enfant, les parents de ce dernier doivent assumer leur responsabilité et le prendre en charge jusqu'à ce qu'il atteigne ses 21 ans», considérant que l'adoption du test ADN est essentielle pour prouver la filiation, malgré le fait qu'elle pose un problème majeur dans le Code pénal, en plus de la question religieuse. À ce sujet, le ministre a précisé qu'il faut faire appel à «l'avis de nos oulémas pour une fatwa en la matière» avant d'adopter ce test. Pour le ministre, «si c'est la mère qui choisit d'assurer la garde, le père devra en payer l'indemnité jusqu'à ce que l'enfant atteigne l'âge de 21 ans». Cette nouvelle mesure sera adoptée dans le Code pénal marocain et vise, entre autres, la réduction de ce fléau et, surtout, l'engagement de la responsabilisation des parents concernés. Le projet de Code de procédure pénale a pris fin, selon les propos du ministre, et va désormais être transmis au Secrétariat Général du Gouvernement pour être discuté. Sur la question de l'avortement, Ouahbi a exprimé son désaccord vis-à-vis de la procédure actuelle de l'avortement puisque, selon lui, l'avortement peut être permis dans le cas où la femme enceinte serait d'accord avec son médecin, sans complications juridiques, a-t-il déclaré, ajoutant que c'est le médecin qui doit assumer la responsabilité entière. Selon les données avancées par l'Institution nationale de solidarité avec les femmes en détresse (INSAF), oeuvrant pour le respect des droits des femmes et des enfants, environ 3.000 enfants naissent en dehors du cadre du mariage par an, accentuant le taux d'abandon, et 70 enfants sont abandonnés chaque jour, majoritairement, par des mères célibataires. Mariage des mineures En 2020, environ 20.000 demandes de mariage de mineures ont été enregistrées, selon les données de la Justice marocaine, et presque 13.335 autorisations de mariage ont été délivrées. Le mariage des mineurs s'impose fortement en tant que réalité sociale hantant la jeunesse des filles marocaines. Le ministre de la Justice s'est exprimé sur cette question, affirmant que les chapitres se rapportant au mariage des mineures, dans le Code de la famille, devront être modifiés, plaidant ainsi pour une criminalisation des pratiques en relation avec le mariage des mineures. L'objectif étant de promouvoir le statut de la femme et de protéger le droit des filles à l'éducation. «C'est une problématique qui nécessite un grand effort. Dans ce sens, nous comptons assister à une conférence internationale se rapportant au mariage des mineurs. Nous allons organiser, par ailleurs, plusieurs conférences nationales relatives au Code de la famille, notamment avec les universités, et ce, dans le but d'apporter des changements en la matière». Toujours, concernant la Moudawana, Ouahbi a déclaré que les indemnités de la femme dans le divorce seront aussi parmi les questions soulevées. Malak ELALAMI 3 questions à Bouchra Abdou « Ayez pitié des mères célibataires ! »
Bouchra Abdou, présidente de l'association «Tahadi» pour l'égalité et la citoyenneté, nous a livré sa lecture des propos du ministre de la Justice. - En marge d'une rencontre organisée, mercredi 2novembre, par la Fondation Fkih Tétouani, le ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi s'est exprimé sur plusieurs problématiques sociales, notamment les mères célibataires, qu'en pensez-vous ? - En ce qui concerne l'intervention du ministre au sujet des mères célibataires, nous sommes d'accord dans la quasi- totalité, mais on revendique la simplification des procédures pour diminuer les charges sur ce segment. Etant donné qu'un test ADN coûte trop cher pour des femmes qui font, souvent, partie d'une classe sociale défavorisée. En outre, il faut poser la question : comment serait-il possible d'établir les propos du ministre, sachant que l'article 490 est toujours en vigueur ? Si on compte vraiment améliorer la situation de ces femmes, il est impératif de mener une réforme globale de la procédure judiciaire. - Le ministre a, dans le même sillage, évoqué la question de l'avortement. Quels sont, à votre avis, les facteurs qui empêchent la décriminalisation de cette pratique ? - En tant que femme, quand je choisis de faire recours à l'avortement, il s'agit de mon droit de disposer de mon corps, personne ne peut me faire la pression pour garder un enfant dont je n'ai pas envie. Et si je n'ai pas les moyens financiers ni sociaux pour l'éduquer et l'élever proprement, que sera-t-il de l'essor de cet enfant ? Le droit à l'avortement est la solution efficace pour prévenir la souffrance de toute une génération d'enfants non acceptés par la société. - Quelles sont les catégories de femmes qui font, généralement, appel à l'avortement au Maroc ? - On ne peut pas mentionner des catégories bien définies, l'avortement est un droit indispensable pour toute femme n'ayant pas envie d'avoir un enfant. Mais j'aimerais bien rebondir sur un point fatal de cette histoire, se rapportant essentiellement aux femmes qui se retrouvent obligées de garder un enfant et par la suite sont diagnostiquées avec des malades mentales. Ayez pitié de ces femmes ! Recueillis par M. E.