La création féminine a été à l'honneur lors du Festival international des femmes metteuses en scènes Jassad (20-25 octobre à Rabat). Cette édition, qui a vu le jour à l'initiative conjointe des compagnies de théâtre Aquarium et Anfass, a permis de mettre en lumière la dimension de la lutte contre les inégalités de genre dans le secteur de l'art et de la culture. Depuis Louis Jouvet, l'on sait que «condamnés à expliquer le mystère de leur vie, les hommes ont inventé le théâtre qui, pour un instant, semble nous promettre le secret du monde; il abolit le temps et l'espace, il peut enfermer l'éternité dans une heure ou étendre une heure jusqu'à l'éternité». Le théâtre, cette rencontre entre papier et peau, déploie son écume aujourd'hui pour mettre en lumière la création féminine dans le domaine des arts vivants. Le festival international des femmes metteuses en scènes, programmé du 25 au 30 Octobre à Rabat, a investi différents espaces de la capitale avec une programmation riche et variée. Cette initiative a réuni des figures féminines créatives pour promouvoir et valoriser les talents féminins sur la scène culturelle et artistique, au Maroc et à l'étranger. Grâce aux troupes Théâtre Aquarium et Théâtre Anfass, « ce festival s'invite à Rabat, capitale de la culture africaine 2022, avec l'espoir et la vision de s'ancrer dans le temps comme dans le paysage culturel national, régional et au-delà», indique un communiqué des organisateurs. Cette édition a ainsi donné la mesure de l'engagement de ses metteuses en scène sous forme de plaidoyers émouvants en faveur des femmes artistes. La quatrième journée du festival a été marquée par un séminaire intitulé «Profession: femme de théâtre», tenu au Musée Mohammed VI d'art moderne et contemporain de Rabat. Le thème s'est articulé sur trois axes, le premier est consacré à l'écriture féminine; il questionne les modes d'approches dramaturgiques pour représenter la femme et s'interroger sur : comment s'écrit le féminin aujourd'hui. Le second axe a porté sur la mise en scène et la question du genre; le lien entre une vision féminine et la création théâtrale, alors que le troisième axe a abordé la notion de parité dans le théâtre; émancipation féminine et pouvoir masculin. Les interventions ont revêtu deux formes différentes: deux études sous forme de communications et deux prises de parole sous forme de témoignages. La rencontre a révélé une autre facette, la publication d'un livre comprenant des entretiens de femmes de théâtre marocaines. Les responsables ont demandé à quatre metteuses en scène de répondre à huit questions sur leurs choix artistiques et leurs visions du monde en liaison avec le thème du colloque. Il s'agissait des metteuses en scène : Salima Benmoumen, Asmaa Houri, Fatima Atef et Naima Zitane. Approché par le journal « L'Opinion», le dramaturge et écrivain marocain Issam El Yousfi, modérateur du séminaire, a expliqué : «Le festival Jassad, est avant tout une rencontre avec des spectacles créés par des artistes femmes, venues d'horizons différents avec des sensibilités et des visions plurielles... c'est aussi un espace de réflexion pour interroger le métier et partager des points de vue sur la place de la femme et sa singularité dans la profession théâtrale...» Dans le cadre de ce festival, plusieurs réalisatrices de différents pays ont été honorées pour leurs réalisations créatives. La manifestation a porté la marque du dialogue artistique et de l'échange, à travers notamment nombre de conférences animées par l'actrice et écrivaine Julia Varley, le maître de conférences Omar Fertat, la metteuse en scène Lina Abyad et la directrice de théâtre Zohra Makach. Abordant le thème «La contribution féminine au théâtre marocain», Omar Fartat, écrivain et maître de conférences à l'université de Bordeaux, s'est exprimé sur l'état de l'art et la littérature consacrée au théâtre marocain : «Nous constatons qu'il est très rare de trouver des ouvrages qui soient consacrés à la contribution des femmes et au rôle qu'elles ont joué dans l'émergence et l'évolution de cet art. Les publications et recherches qui traitent ce sujet ne dépassent pas la dizaine, et parmi les centaines de pages que comptent ces écrits, seules quelques dizaines retracent l'histoire de femmes de théâtre marocaines, et sont écrites majoritairement par des hommes». Cette première édition a bénéficié de l'appui du ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, ainsi que d'autres partenaires: Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), Institut français du Maroc, Théâtre national Mohammed V, Oxfam, Anouar Invest, ambassade du Canada au Maroc, Musée Mohammed VI d'art moderne et contemporain et AfricInvest. Dans une déclaration à « L'Opinion », Lina Abyad, metteuse en scène et professeure d'art théâtral à Beirut, a dit sa joie d'assister à l'événement, livrant ses impressions sur le sujet: «Le sujet me tient à coeur parce que je suis une femme, et je suis consciente des difficultés que les femmes rencontrent, il ne faut pas avoir peur et céder à l'autocensure, mais savoir s'imposer. A tous les niveaux la femme est une citoyenne de deuxième classe, donc ça ne m'étonne pas qu'au théâtre elle le soit aussi, c'est tout un changement qu'il faut mettre en place». A la clôture de cette manifestation, Issam El Yousfi a salué la qualité de la participation et remercié vivement les quatre professeurs artistes pour leurs collaboration et leur contribution: Mme Zohra Makach, M. Omar Fertat, Mme Lina Abyed et Mme Julia Varley. Il a loué leur grande générosité et leur apport précieux pour instaurer un rituel de reconnaissance envers les femmes créatrices de la scène. Mariem LEMRAJNI