La question des subventions fait une nouvelle fois l'actualité avec la 22ème édition du Festival national du film. Après les fonds que consacre le ministère de la Culture annuellement à l'édition, c'est le Fonds d'aide à la production cinématographique qui fait (enfin !) débat... Le lien entre la culture et l'économie n'est pas perçu en termes de rentabilité de l'oeuvre à créer mais en termes de subventions, ces aides fournies par l'Etat sans contreparties. Le Fonds d'aide à la production cinématographique a bien une clause qui présente l'aide comme une « avance sur recettes », mais la réalité est telle que cette condition n'a jamais été remplie par aucun des films subventionnés. La durée en salle se limitant à moins d'un mois, avec des spectateurs qui se comptent sur les doigts d'une main, selon l'expression convenue pour exprimer la rareté d'un public, aucune oeuvre financée par le Fonds d'aide à la production cinématographique, ne semble être ou avoir été en mesure de rembourser les aides à la production ou avances sur recettes. La table-ronde sur «Le marché du film», qui a porté sur la distribution et l'exploitation des films à l'ère de la numérisation, s'est penchée sur l'avenir du soutien à la production cinématographique nationale. La question de «l'avenir du Fonds d'aide à la production cinématographique nationale» a, ainsi, été clairement posée lors de cette 22ème édition du Festival national du film à travers les résultats obtenus depuis sa mise en place dans les années 80. Si l'objectif de produire a été atteint, la distribution, la promotion de la production générée par le fonds d'aide fait problème. En dehors des circuits limités des festivals, ces productions ne sont pas vues par le grand public et aucune production locale ne semble tenir l'affiche au-delà d'une quinzaine de jours par absence du public et non par la volonté des propriétaires de salles de cinéma qui ont besoin de rentabiliser les séances de projection par les recettes de ce public qui semble plus se reconnaître dans les productions américaines, indiennes et égyptiennes que marocaines. Ce système d'aide cinématographique qui consiste à distribuer de l'argent public sans réelles retombées - sauf peut-être en termes de diplomatie culturelle et de soft power, ce qui reste encore à vérifier ! - semble avoir atteint ses limites. La question n'est plus seulement de produire mais de vendre... les tickets de cinéma à un public qui ne fait pas foule devant les guichets des salles de cinéma où sont projetées des productions nationales, financées par le Fonds d'aide à la production cinématographique Lecteurs et spectateurs comme clients Ce fonds a apporté des réponses aux questions qui se posent à la production cinématographique, mais n'a pas eu d'impact sur la distribution et l'exploitation des films dans les salles de cinéma. Une industrie, ce n'est pas seulement une production mais globalement un marché. Faut-il subventionner le prix du ticket pour attirer le public qui baigne dans une logique de la gratuité avec la télévision et internet ? Le faux problème serait précisément de rendre cette évolution responsable de la désaffection du public devant la production cinématographique nationale comme a pu le faire la presse à une certaine époque avec la lecture gratuite dans les cafés ! Cette production n'est pas disponible sur internet ou les chaines télés comme elle n'était pas piratée aux temps fastes du DVD... Au-delà du cinéma, le problème est d'ordre général et se pose au niveau des industries culturelles qui sont loin de concevoir l'acte créatif comme un acte économique, avec ses dépenses, certes, mais également ses recettes. Dans la réalité, la machine est grippée au niveau du « développement des économies culturelles » qui consomme aides et subvention sans compter dans la production cinématographique et l'édition. Il ne s'agit pas, bien entendu, de prôner la fin des aides publiques mais de faire en sorte qu'elles soient conditionnées par un Business Model qui fait apparaître clairement la faisabilité économique du projet à soutenir. La culture a beau se réclamer des industries, les projets n'ont pas la taille critique de la rentabilité, du retour sur investissement pour justifier une mise de fonds bancaires. Quelle institution bancaire en effet, au vu de la réalité de la fréquentation des salles de cinéma, se laisserait convaincre du remboursement du prêt sur les recettes que générerait une production cinématographique qui tient plus de l'art et essai, bref du circuit des cinéclubs sensibles aux débats, que du spectacle cinématographique ? Le cinéma est un écosystème qui ne peut faire l'économie de la promotion et de la distribution... comme le livre qui n'est pas concevable sans des lecteurs, le cinéma ne peut l'être sans des spectateurs, lecteurs et spectateurs au sens de clients. Sans doute, dans un cas comme dans l'autre produire ne suffit pas. La diffusion est un élément qui n'est pas que d'appoint. Il fait la force ou la faiblesse du secteur du livre et du cinéma. Ce qui peut être constatée, c'est l'absence de dynamique en aval qui concerne aussi bien la promotion que la distribution du livre... et des films soutenus par le CCM. Abdallah BENSMAIN