La pauvreté en Afrique est due à la dépendance politique, du déficit d'agenda stratégique, du manque de volonté de puissance, de l'endettement chronique et de la mauvaise gouvernance de ressources naturelles, lesquels empêchent l'investissement productif et industriel sur le continent. Telle est la quintessence du rapport édité par un groupe d'experts de différentes institutions et organisations panafricaines. Quand des experts, des ambassadeurs, des géo-stratèges débattent de la gouvernance, dans toutes ses formes, il va sans dire que le rapport qui en découlera ne souffrira d'aucun compromis, encore moins d'aucune flagornerie ni d'aucune compromission. Ce travail, mené en juin dernier lors d'une conférence internationale, à la Bourse du Travail de Paris et qui a connu la participation de plus de 500 personnes, est sorti des entiers battu en vue de l'émergence d'une Afrique décomplexée. Lequel continent entend se prendre en charge politiquement et économiquement. Placée sous le Thème : « L'Afrique face aux défis du changement du paradigme géostratégique et de l'émergence du nouvel ordre mondial », le rapport final sur cette rencontre internationale vient à point nommé au regard des crises qui secouent le monde d'aujourd'hui : crise énergétique, conflits armés, jihadisme sans oublier le dérèglement climatique. L'Opinion a eu en primeur une copie dudit document. Fruit de la cinquième contribution de l'Institut Mandela de Paris, le rapport de 27 pages est sans concession. Au départ, les conférenciers se sont posé une simple mais profonde question : l'Afrique est riche, mais pourquoi les Africains sont-ils pauvres dans plusieurs domaines ? La réponse est simple, disent-ils. C'est à cause de la dépendance politique, du déficit d'agenda stratégique, du manque de volonté de puissance, de l'endettement chronique et de la mauvaise gouvernance de ressources naturelles qui empêchent l'investissement productif et industriel. Pour eux la majorité des institutions panafricaines, la multitude des entités régionales et les Etats africains sont, en grande partie, financées par l'extérieur et ne peuvent donc pas prendre des décisions autonomes et souveraines de développement stratégique et collectif. D'où l'interpellation pour une prise de conscience à tous les niveaux. Transitions politiques D'ailleurs, les sujets abordés en disent long à ce sujet. Ainsi de « l'Afrique face à ses responsabilités et ses contraintes géostratégiques » à « l'Afrique face au nouvel ordre mondial en gestation » en passant par « la déstabilisation de la Corne de l'Afrique préfigure l'implosion de l'Afrique (crises en Somalie, Sud-Soudan, Soudan, Ethiopie, en continuité du Tchad, RCA et RDC) ? » sans oublier « l'Afrique face aux menaces sécuritaires dans un contexte de fracture géopolitique du monde », tout y est.
Les conférenciers ont également traité des « Manifestations populaires, Coup d'Etats militaires et Transitions politiques en Afrique de l'Ouest : la démocratie en question », « la nécessité de l'émergence d'une nouvelle Jeune Elite Africaine face aux défis du changement de paradigme géostratégique et de l'émergence du nouvel ordre mondial » pour finir avec « Recomposition géopolitique du Monde sous le regard impuissant de l'Afrique ». C'est dire l'importance de ce rapport. En effet, souligne le document, 2022 est une année décisive du grand basculement du monde, où l'émergence du nouvel ordre mondial et la multipolarité dans les relations internationales sont devenus irréversibles voire la norme. La concurrence des puissances traditionnelles et émergentes pour contrôler les ressources naturelles africaines constitue le principal défi pour la sécurité de l'Afrique.
Après avoir diagnostiqué tous les maux du continent et mettre en lumière les potentialités de l'Afrique, les rapporteurs n'ont pas manqué de noter que « l'émergence du Nouvel Ordre Mondial (NOM) fait basculer le monde dans une période d'incertitude géopolitique et d'affrontement géostratégique qui va augmenter la convoitise des ressources stratégiques, pour maintenir la puissance industrielle et son corollaire de déstabilisation anarchique ». Selon le document, « le grand défi du moment pour l'Afrique est de s'unir pour rassembler nos forces vers un objectif commun : créer l'Etat fédéral africain et réintroduire les valeurs démocratiques ancestrales pour faire face à l'avènement d'un monde multipolaire et porteur des dangers imprévisibles ». Un siège permanent au CS
En attendant, peut-on lire, la matérialité juridique de l'Etat fédéral, la mutualisation des moyens de la défense collective devient urgente avec la création avant 2030, d'un ministère fédéral de la Défense avec les structures hiérarchiques de commandement : Etat-major Général (Commandement stratégique) Etats-majors régionaux (transformation des Forces africaines en Attente (FAA) en commandement tactique) et Etats-majors nationaux (commandement opérationnel).
Dans les recommandations, les rapporteurs soulignent avec force que l'Afrique doit exiger un siège permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies pour défendre l'intérêt de 54 Etats sous peine de quitter cette organisation créée sans elle pendant la colonisation. Le pays qui assure la présidence tournante de l'Union Africaine occupera ce siège à New York. L'octroi d'un siège à l'UA au sein du G20 est un bon début, bien que non suffisant pour rééquilibrer la gouvernance mondiale. Enfin, les auteurs dudit document soulignent que d'ici 2050, 1 personne sur 4 sur terre sera africaine. « Cela propulse notre continent au rang de force géopolitique majeure pour façonner l'avenir du monde. Mais notre étroitesse de pensée collective la maintient au stade de néant géostratégique. D'où « nous appelons les dirigeants africains à sortir de la dialectique réaction-révolution pour privilégier une vision prospective de bâtir un Etat africain du 21ème siècle, avec une entité de gouvernance institutionnelle et stratégique, capable de faire face aux défis existentiels ». Leur appel sera-t-il entendu ? L'espoir est permis.