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L'échec du lobby pro-polisarien dans les mémoires de Jared Kushner
Publié dans L'opinion le 30 - 08 - 2022

L'artisan des accords d'Abraham raconte dans son nouveau livre des détails inédits sur ses rencontres avec SM le Roi et les négociations qui ont abouti à la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara. Détails.
Cela fait près de deux ans que le Maroc et Israël ont rétabli leurs relations diplomatiques, ouvrant ainsi un nouveau chapitre dans leur Histoire. Les deux pays ont tellement avancé, depuis lors, qu'ils ont forgé une véritable coopération multidimensionnelle à tous les niveaux (économique, militaire, technologique, éducatif, touristique, etc...).
Ces retrouvailles n'ont pas été faciles à opérer, c'est le fruit d'une négociation de longue haleine, dont les détails ont été révélés par Jared Kushner, l'artisan des accords d'Abraham et la cheville ouvrière de la déclaration tripartite du 22 décembre. Ce dernier vient de publier un nouveau livre «Breaking History : A White House Mémoire», une confidence de 500 pages, dans lequel il raconte ses souvenirs à la Maison Blanche où il faisait office de Haut Conseiller du président Donald Trump.
Une déclaration louangeuse à l'endroit du Maroc
Le gendre de Trump, connu pour être l'artisan du "deal du siècle", qui n'a pas été une réussite, a consacré quelques pages de son livre, qui fait beaucoup parler, au Maroc, qu'il a visité à deux reprises et qu'il a pris soin de décrire attentivement. Le Royaume y est dépeint comme un pays "stable", à l'économie saine et capable de préserver la sécurité dans son environnement régional et faire face aux périls terroristes que présentent des groupes tels que Daech ou Boko Haram. Jared Kushner se rappelle de sa première visite au Royaume en 2019, qui n'était pas une épreuve facile pour lui, puisqu'il était, dit-il, plein d'appréhensions vu le contexte de l'époque.
Le Royaume concourait pour accueillir la Coupe du Monde de Football 2026 et était l'unique rival des Etats-Unis qui exerça une pression énorme sur la communauté internationale pour remporter ce duel. «Gagner cette candidature pour abriter le tournoi de football le plus regardé au monde avait été, certes, un succès diplomatique et économique majeur pour le président. Or, il y avait tout de même un bémol : le Maroc était second. Nous étions donc inquiets», a-t-il confié, ne cachant pas sa prémonition d'être mal reçu au Royaume.
Mais les appréhensions du Haut Conseiller de Donal Trump ont disparu aussitôt qu'il a rencontré SM le Roi Mohammed VI, à qui il a dédié une description pleine de déférence. Ceci montre à quel point il a été séduit par la personnalité du Souverain qui lui a réservé un accueil chaleureux, contrairement à ce à quoi il s'attendait avant de mettre les pieds au Royaume.
Aux yeux de Kushner, SM le Roi est l'héritier d'une noble dynastie, descendant direct du prophète Mohammed, ce qui lui confère une autorité morale et une respectabilité particulière dans le monde arabo-musulman. «Le Roi Mohammed VI est issu d'une lignée noble de dirigeants alaouites, descendants directs de la famille du prophète de l'islam. Par conséquent, il avait une énorme crédibilité dans le monde musulman", a-t-il témoigné, ajoutant qu'il a pris connaissance, lorsqu'il préparait son voyage, de la volonté du Souverain de discuter de l'affaire du Sahara.
Le livre de Kushner décrit scrupuleusement sa rencontre, pendant le mois de Ramadan, avec le Souverain qui l'a convié à un banquet voué à la rupture du jeûne. Impressionné par le protocole et par la relation chaleureuse entre SM le Roi et le prince Héritier Moulay Hassan, le gendre de Trump raconte que ses discussions avec SM le Roi ont porté sur le conflit israélo-palestinien, le statut d'Al Qods et la question du Sahara.
Reconnaissance américaine : le déclic
Sur ce dossier, l'auteur du livre reconnaît avoir été convaincu du point de vue de SM le Roi en réalisant immédiatement que la reconnaissance de la souveraineté du Maroc était la décision la plus judicieuse à prendre. "Après avoir écouté attentivement son point de vue sur le Sahara, j'étais plus convaincu que la reconnaissance de la souveraineté du Maroc était la politique logique et j'ai promis que je rapporterai la question à Washington», a-t-il confessé. Mais la volonté de Kushner s'est heurtée à quelques écueils à Washington où le puissant lobby pro-polisarien a une influence considérable.
A feuilleter le livre, on se rend compte que deux figures politiques importantes posaient problème, le puissant sénateur pro-algérien, James Inhofe, et le faucon républicain John Bolton qu'il fallait convaincre. Pour ce faire, Jared Kushner et son beau-père, Donald Trump, ont dû déployer leur génie pour obtenir un compromis. "Le principal blocage venait du sénateur républicain James Inhofe, ancien président de la Commission des forces armées, aux positions pro-séparatistes, a-t-il rappelé, ajoutant que "finalement, un compromis sur des questions de politique intérieure américaine a finalement été trouvé entre la Maison Blanche et l'élu, permettant de déverrouiller la situation".
James Inhofe ne comptait plus
Mais ce compromis n'a pas eu lieu. Le président américain a échoué à obtenir un service auprès du sénateur, exhorté à abroger l'article 230 de la loi sur la défense nationale (NDAA) pour limiter la censure des réseaux sociaux, jugée périlleuse sur la sécurité nationale et l'intégrité des élections. C'était une forte déception pour Donald Trump qui n'avait plus besoin de tenir compte de l'avis de James Inhofe pour conclure un accord avec le Maroc et reconnaître sa souveraineté sur le Sahara.
À partir de ce moment-là, tout est devenu possible, Jared Kushner a appelé le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, qu'il qualifie de "diplomate habile à l'esprit créatif", pour savoir si le Maroc est toujours disposé à conclure le deal. Le chef de la diplomatie marocaine a ensuite répondu par l'affirmative après avoir consulté le Souverain, raconte l'auteur, qui reconnaît qu'il fallait agir rapidement avant que les ennemis de cet accord ne s'emploient à le saboter.
Quelques jours plus tard, le chef de Cabinet de la Maison Blanche de l'époque, Mark Meadows, a soumis au président Trump le texte de la proclamation présidentielle actant la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Après avoir vérifié que le contenu du texte est conforme à la teneur des négociations, la Maison Blanche a ensuite arrangé un appel téléphonique entre le président Donald Trump et SM le Roi. Le lendemain, le 10 décembre, le président républicain publie son fameux tweet. La suite, nous la connaissons.
Anass MACHLOUKH
Quand Nasser Bourita a menacé de rompre l'accord !
Le rétablissement des relations avec Israël ne fut pas un compromis facile à atteindre. Il a eu un point de divergence important : la nature de la représentation diplomatique. Tandis que le gouvernement israélien, dirigé à l'époque par Benjamin Netanyahu, réclamait une ambassade, le Maroc était intransigeant et plaidait pour qu'il y ait seulement, au départ, des Bureaux de liaison. Jared Kushner confie que Nasser Bourita était tellement intransigeant qu'il avait menacé de rompre l'accord.
Face au refus catégorique du Maroc, Jared Kushner a fini par convaincre le Premier ministre israélien de se contenter de l'accord entre ses mains, arguant de la bonne foi des Marocains qui ne pouvaient aller plus loin. "À la fin de notre rencontre, moins de douze heures avant le premier vol historique vers le Maroc, Bibi (Benjamin Netanyahu) a signé les termes définitifs de la déclaration», se souvient Kushner.


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