Les pays du Sahel saluent l'initiative du Roi Mohammed VI et la considèrent comme une porte d'entrée vers le développement et l'ouverture    Emploi : Akhannouch préside une réunion de suivi de la mise en œuvre de la Feuille de route    Bourita s'entretient avec le président du Congrès et du Sénat colombiens    Ligne de sable, ligne de vérité : quand le Maroc confronte la diplomatie de l'illusion    Le Maroc... Une puissance tranquille qui conduit le développement en Afrique, loin de l'arrogance    Hajj : les Habous appellent à la vigilance    Aéroports marocains : reprise normale des opérations d'enregistrement et d'embarquement    Le Maroc consolide son partenariat économique avec la Chine et appelle à une plateforme numérique pour soutenir les PME    Panne électrique : Le Maroc a mobilisé 38% de sa capacité pour aider l'Espagne    Eurobonds : Le timing de la levée de 2 milliards d'euros était-il opportun pour le Maroc ?    Les ministres des Affaires étrangères des BRICS réaffirment depuis le Brésil leur engagement en faveur d'un monde plus juste face aux turbulences internationales croissantes    Chine-USA : De la politique anxiogène à la politique draconienne    Dépenses militaires : Le Maroc poursuit la modernisation de ses forces armées    CAN(f) futsal Maroc 25 / Ce mercredi : Soirée de la Finale !    1⁄2 Finale LDC UEFA : Barça vs Inter ou l'opposition entre deux styles à l'antipode !    1⁄2 LDC - Asie : Bounou éliminé !    Xi Jinping : La Chine détient les "trois clés" de la renaissance de l'intelligence artificielle    Football africain : la profession d'agent en quête de restructuration face aux défis mondiaux    Visas : TLScontact renforce ses mesures antifraude    Visas pour la France : TLS généralise l'attribution automatique des RDV    Le marché des anticancéreux est-il une manne pour les laboratoires pharmaceutiques et un gouffre financier pour l'AMO ?    Myriam Bouayad Amine : "Promouvoir la diversité de l'humour et les talents émergents"    L'écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani membre du Jury du Festival de Cannes    Madrastna : Des compétitions artistiques régionales dans 12 régions du Maroc    Rabat : le SIEL franchit le cap des 400.000 visiteurs    Rires et révélations : Paul Dewandre revient avec Mars vs Vénus 2.0 au Maroc    Le Maroc à l'honneur à la Foire de Paris, du 30 avril au 11 mai    Canada : Mark Carney, portrait d'un banquier devenu premier ministre    Le Burkina Faso salue l'engagement de S.M. le Roi pour la coopération Sud-Sud    Arsenal - PSG : un choc explosif pour une place en finale de LdC    Foot: Le WAC mettra fin au contrat de Mokwena en fin de saison    El Yaacoubi : Les caméras de surveillance et les billets numériques renforcent la lutte contre la violence dans les stades    Le taux de réponse du gouvernement aux questions écrites a atteint 70,81%    Panne d'électricité en Espagne: réunion extraordinaire du conseil de sécurité nationale    USA/Immigration: Donald Trump signe un décret sur les « villes sanctuaires »    Plages : 93% des eaux de baignade conformes aux normes de qualité    Températures prévues pour le mercredi 30 avril 2025    France : Gabriel Attal plaide pour l'interdiction des réseaux sociaux aux jeunes de moins de 15 ans    Quand la panne en Espagne et Portugal rappelle le « kit de survie » européen    Le réseau énergétique espagnol « exclut une cyberattaque comme cause de la panne »    Canada : Le libéral Mark Carney remporte les législatives    Marsa Maroc primée aux trophées de la Fondation Diplomatique    Approbation de 346 documents d'urbanisme depuis le début de l'actuel mandat gouvernemental    Ynexis Group : Yamed Group change de dimension pour bâtir les territoires de demain    SIEL 2025 : Les enfants parlementaires plaident pour une justice adaptée aux enfants    24 pays se donnent rendez-vous au STLOUIS'DOCS    ''Jazzin' Rock'' : Quand le rock se réinvente en jazz à Casablanca    Le temps qu'il fera ce mardi 29 avril    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Penser l'amour : Dans le jardin amoureux de Fatéma Mernissi
Publié dans L'opinion le 17 - 08 - 2022

Dans l'oeuvre au souffle novateur de l'écrivaine et sociologue Fatéma Mernissi (1940-2015), la question de l'amour s'est constituée comme un fil conducteur dans le déploiement de son projet de société nourri par le principe d'un dialogue permanent. Visite d'un jardin aux entrées multiples.
A fois objet littéraire, philosophique et sociologique, l'amour a été pensé par des philosophes et mystiques musulmans tels que Ibn Hazmou Ibn Qayim Al Jawziya. Dans la tradition occidentale, l'intérêt porté à l'analyse de ce sentiment va de Durkheim jusqu'aux travaux récents de Eva Ilouz pour ne citer que des sociologues. Aux confins de la sociologie et de la littérature, l'essayiste marocaine Fatéma Mernissi s'est très tôt intéressée à la place, au sens et aux manifestations de l'amour dans les sociétés arabo-musulmanes.
Dans La femme dans l'inconscient musulman, essai publié en 1982 sous le pseudonyme de Fatna Aît Sabbah, l'essayiste a réservé un chapitre à la question de l'amour soufi, de la poésie amoureuse et de la littérature religieuse courtoise dans le patrimoine culturel arabe. Elle y brosse le portrait de l'idéal amoureux et de la conception mystique de l'amour chez les soufis musulmans qu'elle érige en modèle du véritable amour, tels qu'Ibn Arabi ou Al Hallaj.
Pourtant, elle n'omet pas de rappeler le destin funeste de certains représentants de cet Islam amoureux marginalisé au profit d'une version plus rigoriste de la religion. La vision de l'amour soufi se définit comme une quête éternelle du Dieu-Amour, au-delà de toutes distinctions entre humain et divin, masculin ou féminin qui s'offrent à nous comme des alternatives à explorer : "Aimer une créature où se manifeste la beauté, que ce soit un rossignol qui chante, une fleur qui reçoit une goutte de rosée, ou une femme qui vous sourit, c'est aimer Dieu sous ses multiples formes", nous dit Ibn Arabi, dont la spiritualité se fonde sur le monisme. Les grandes lignes des réflexions ébauchées par l'essayiste seront développées dans un livre publié quelques années plus tard sous le titre de l'Amour dans les pays musulmans.
De L'amour en terre d'Islam
Publié d'abord dans une première version par Jeune Afrique Plus en 1984, L'Amour dans les pays musulmans sera édité chez Albin Michel en 1986. L'ouvrage conserve d'ailleurs une prédominance d'un style plutôt journalistique dans ses grandes parties. C'est « un bouquet de réflexion », dit Mernissi dans l'introduction, comme pour évacuer toute prétention académique ou savante. Elle revisite encore la place de l'amour dans la culture musulmane, notamment à travers Le Collier de la colombe d'Ibn Hazm, et se demande « pourquoi cet aspect de l'islam est devenu si étranger ? Pourquoi aimer est devenu un acte ridicule de nos jours, une spécialité d'adolescents ? Qu'avons-nous fait du souvenir du prophète aimant ? Pourquoi est-il si absent de nos échanges banals, quotidiens, routiniers ?».
Cette volonté de questionner ce sentiment universel dans une société submergée par les « messages publicitaires occidentaux», dont les avatars seraient les réseaux sociaux aujourd'hui, dessine les contours de sa pensée à l'aune des traditions et du passé. Une série d'interrogations ponctue cet essai sur l'amour décliné en segments : la séduction, la beauté, le mariage et le couple, la vision des imams, des cadis, des philosophes et des historiens. On pourrait se demander pourquoi l'amour ? C'est parce qu'il est un lieu, un terrain d'enjeux politiques, économiques et sociaux qui génèrent des rapports de domination, de force et de soumission.
L'intérêt de Mernissi pour cette question est par ailleurs concomitant à ses combats féministes, comme si la lutte pour l'égalité passait par une revalorisation de l'amour : le sentiment amoureux serait l'antidote au machisme ou à la violence ambiante d'ordre physique ou symbolique exercée sur les autres. Cette idée sera une constante dans sa vision bâtie sur le principe du dialogue dans les relations entre les hommes et les femmes. La conversation « amoureuse » s'érige en pont pour relier les cultures, rapprocher les coeurs et abolir les frontières.
Textuellement, le dialogue demeure constant entre références d'Occident et d'Orient, permettant des rencontres :« Qui a dit que l'Occident et l'Orient ne se rencontrent jamais ? Eh bien, l'amour du moins en tant qu'il se révèle impossible, fait des miracles. Qui ressemble plus aux Occidentaux Tristan et Iseult que les Orientaux Urwa et son aimé Arfa ? », note l'écrivaine. Son regret ? La méconnaissance de nos adolescents de notre patrimoine culturel relatif à l'amour, qui serait due à « un processus anthropologique rétroactif » des mass-médias modernes qui digéreraient à leur façon notre passé. Elle formule ainsi des critiques virulentes à l'encontre de cette image de l'amour moderne telle que promue dans les films à succès hollywoodiens ou autres. Et revêt son habit de féministe pour dénoncer l'idéal féminin institué par les médias.
Dans l'esprit de l'essayiste, le portrait de la femme idéale serait le révélateur de la situation de celle-ci, de sa perception et sa représentation dans les esprits masculins (ou féminins d'ailleurs). La réflexion sur l'amour n'est absolument pas déconnectée de la réalité de la femme et par suite d'un discours de lutte contre les disparités et les inégalités hommes/femmes. Fatéma Mernissi recourt souvent à l'Histoire, au patrimoine pour montrer toute la dynamique sociale qu'il y avait au temps glorieux de la civilisation islamique en y sortant de l'ombre des figures de l'indépendance, de l'autonomie, de la liberté féminines, en somme : d'un matrimoine dont peut s'inspirer une jeunesse subjuguée par l'Occident dominant.
L'amour, un jeu d'enfant ?
Comment passe-t-on d'une société qui chantait l'amour à une société qui le réprime, le combat et l'infantilise ? La sociologue estime que sa génération (économistes, politiciens, intellectuels) qui était supposée « transformer » la société a échoué dans cette entreprise. Et d'ajouter : « Il n'y a pas eu de révolution des mentalités. Notre génération n'a pas créé d'alternatives viables. Ce malaise du couple reflète et accompagne le malaise économique, et politique. Seulement, il est sans doute plus douloureux : parce qu'il est vécu, en tant qu'expérience intime, non comme un problème général public, mais comme un échec personnel », l'avantage de cet aveu d'un triple échec est de révéler que la ré flexion sur l'amour va de pair avec les questions économiques et politiques et n'est point un jeu d'adolescents romantiques et rêveurs.
L'analyse du sentiment amoureux ne doit pas être reléguée au second rang, en attendant le développement d'autres domaines qui seraient prioritaires pour les pays musulmans. C'est une question centrale, qui doit être posée, analysée et décryptée en concomitance, simultanément avec les autres problèmes sociétaux. Quiconque prendrait cet aspect à la légère, serait aveugle et ignorant d'une réalité qu'il faut prendre en charge et assumer : penser l'amour n'est pas un loisir pour des esprits oisifs.
Khalid EL KHAMLICHI


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.