Le Maroc vient de perdre l'une des figures symboliques du féminisme. La sociologue et écrivaine Fatima Mernissi est décédée hier matin, à l'âge de 75 ans. La défunte a été inhumée le jour même après la prière d'Al Asr au cimetière Sidi Messaoud à Hay Ryad à Rabat. La nouvelle du décès de la sociologue Fatima Mernissi est tombée comme un couperet hier matin. Elle a plongé l'univers des intellectuels marocains dans la tristesse. La sociologue Soumaya Nouamane Guessous a publié lundi matin sur sa page facebook «Très grosse perte nationale : la grande Fatema Mernissi, sociologue, écrivaine, chercheure est décédée tôt ce matin. Qu'elle repose en paix ! » Née dans une famille bourgeoisie marocaine, de son vrai nom Fatna Aït Sabbah, Fatima Mernissi est une sociologue, écrivaine et féministe marocaine. Elle s'inscrit dans l'une des premières écoles privées mixtes du Maroc et poursuit ses études à Rabat, puis en France et aux Etats-Unis. Celle qui enseignait la sociologie à l'Université Mohammed V de Rabat depuis les années 80 a écrit plusieurs ouvrages sur la place des femmes dans la société, notamment « Le harem politique ». Parmi ses publications figurent également: La femme dans l'inconscient musulman (1982); Sexe, Idéologie, Islam, Tierce (1983); Le Harem politique : le Prophète et les femmes (1987); Les sultanes oubliées : Femmes chefs d'Etat en Islam (1990); Le monde n'est pas un harem : paroles de femmes du Maroc (1991) ; La Peur-modernité : Conflit Islam démocratie (1992); Les Sindbads marocains, Voyages dans le Maroc civique (2004). Fatima Mernissi a mené en parallèle à sa carrière un combat dans la société civile. Elle a fondé les «Caravanes civiques» et le collectif «Femmes, familles, enfants» pour dénoncer le patriarcat dans la culture musulmane. Elle était militante des droits des femmes au Maroc et membre du Groupe des Sages sur le dialogue entre les peuples et les cultures de l'Union européenne. Elle conçoit une exposition du Muséum d'histoire naturelle de Lyon et rédigé l'introduction au catalogue : Fantaisies du harem et nouvelles Shéhérazade, 2003. La même année, elle reçoit le prix du Prince des Asturies en littérature. En 2004, elle reçoit le prix Erasmus aux Pays-Bas pour le thème «Religion et modernité». Son parcours et son combat pour l'égalité des sexes sont récompensés par la Fondation néerlandaise Erasmus, parallèlement aux auteurs syrien et Iranien, Sadik Jalal Al-Azm et Abdulkarim Soroush. J'ai eu un sérieux pincement au cœur ce matin en apprenant le décès de Mme Fatema MERNISSI car, même si nul d'entre nous ne peut y échapper, la mort d'un proche reste aussi insoutenable qu'inacceptable et Fatema MERNISSI m'était proche en ce sens qu'elle était proche de tous et ce, du fait même de son omniprésence dans le monde de la littérature, de la sociologie en tant qu'étude scientifique de l'organisation des sociétés humaines ou même de la politique par le grand nombre de travaux et d'ouvrages qu'elle a légué à la postérité... Mais qui était cette femme prétendument proche de tous ? Fatema MERNISSI, qui est née à Fès en 1940, a débuté ses études à Rabat puis les a poursuivis en France et aux Etats-Unis. Sociologue émérite qui, à son retour dans la capitale du Royaume en 1980, se mit à enseigner la Sociologie à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Rabat – après le «retour» de cette chaire à l'Université Mohammed V - Fatema MERNISSI critiquait l'image que l'Occident se faisait de la femme du Machreq allant même jusqu'à dénoncer la situation de la femme occidentale ; fait rare en ce temps-là surtout venant d'une femme issue de ce qu'il était convenu à l'époque d'appeler « tiers-monde ». Mais le combat de cette grande Dame ne s'arrêta pas là car, en tant que militante féministe convaincue, elle continua sa lutte comme membre du « Groupe des Sages sur le dialogue entre les peuples et les cultures de l'Union Européenne" et en fondant, par la suite, les « Caravanes civiques » qui se donnèrent pour mission « d'élargir les espaces démocratiques (en étant) convaincus de l'existence d'un lien inséparable entre la démocratisation des pays arabo-islamiques et l'accès aux nouvelles technologies » ainsi que le collectif « Femmes, familles, enfants ». En 2013 et selon le magazine Arabian Business, Fatema MERNISSI, unique marocaine en lice, figura à la 15ème place dans le classement des 100 femmes les plus influentes du monde arabe. Dans l'une de ses dernières interviews, la regrettée défunte déclarait : «J'ai milité en organisant des ateliers d'écriture pour suggérer l'écriture comme arme pour donner la visibilité aux acteurs civiques qui rêvaient de changer le Maroc et ce, à travers un livre collectif. Ces acteurs étaient des ex-prisonniers politiques, des femmes qui ont créé des associations dans les quartiers populaires....J'ai eu l'idée d'organiser ces ateliers suite à mon voyage en Inde où j'ai rencontré Devaki Jain qui travaillait pour les Nations Unies et qui avait organisé un atelier d'écriture à Bangalore. Je me rappelle qu'à ma grande surprise, elle nous a organisé l'atelier dans un garage où sa sœur tissait des tapis. Je n'ai pas hésité à lui poser la question sur ce choix. Elle m'a répondu que pour connaître l'Inde il faut quitter nos chambres d'hôtels et aller vers le peuple et que pour un atelier d'écriture, il n'est pas nécessaire d'avoir beaucoup de moyens mais il est nécessaire que des personnes se réunissent autour d'un but commun...». La Grande dame, qui a quitté le monde d'ici-bas en cette nuit du dimanche au lundi 30 Novembre 2015, restera, par son œuvre, présente dans la mémoire de tous. Puissiez-vous reposer en paix, Professeur !