En sa qualité de chef de file du Groupe Africain des Négociateurs sur la lutte contre la désertification, le Maroc a récemment élaboré un plan d'action qui permettra au continent de relever l'un des plus grands défis contemporains. En ce 17 juin 2022, notre planète a célèbré la Journée mondiale de la lutte contre la désertification. Phénomène bien plus complexe et bien plus grave pour être réduit à une simple avancée du désert, la désertification est un mal profond qui gangrène les sols vivants et fertiles pour les transformer peu à peu en terres mortes et désolées. Dans un discours adressé au Sommet sur la sécheresse et la gestion durable des terres, qui s'est déroulé à Abidjan le mois dernier, et dont lecture a été donnée par le ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Mohamed Sadiki, SM le Roi Mohammed VI avait par ailleurs souligné que « contre la sécheresse et la dégradation des terres, Notre conviction est faite. L'heure est effectivement à l'accélération de la mise en oeuvre de programmes opérationnels de lutte contre la désertification, dans le cadre d'une coopération régionale concrète, pragmatique et renforcée ». Le Maroc, leader continental Au vu de sa position géographique et des aléas climatiques dont il fait l'objet, le Maroc est considéré comme l'un des pays qui sont les plus touchés par les impacts de la désertification. Le Royaume a de ce fait entamé sa lutte contre le phénomène depuis plusieurs décennies, notamment à travers les engagements qu'il a consenti d'honorer dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur la Lutte Contre la Désertification (CNULCD). En tenant compte des menaces qui pèsent plus globalement sur l'ensemble du continent, les négociateurs africains ont récemment élu (pour la deuxième fois consécutive) le Maroc pour présider leur groupe dont la mission est de coordonner les efforts pour une action conjointe et mutuellement bénéfique. C'est ainsi que notre pays a pu, conjointement avec les représentants qui siègent dans le Groupe Africain des Négociateurs sur la lutte contre la désertification (GAN), élaborer un plan d'action qui établit les objectifs et activités à entreprendre pour les années 2022 et 2023. Un élan décisif Grâce à cette feuille de route, le Groupe des Négociateurs Africains compte porter et faire entendre la voix du continent à l'échelle internationale pour mobiliser les fonds nécessaires à la mise en oeuvre des projets d'atténuation et de lutte contre la désertification. Un enjeu continental majeur au vu du constat inquiétant dans lequel l'Afrique apparaît comme une des régions les plus dévastées par le processus de désertification. Ainsi, selon la Banque Africaine de Développement, « 65% des terres agricoles du continent ont été dégradées depuis 1950 alors que 30% des terres arides sont en voie de désertification ». L'autre indicateur qui révèle l'ampleur du phénomène concerne le taux annuel de perte forestière qui est le plus élevé au niveau mondial pour la période 2010-2020, selon la FAO. Une tendance qui s'accélère depuis 1990 alors que les autres régions du monde ont plutôt tendance à connaître une évolution inverse. À ce stade, le plan d'action établi par le Groupe Africain des Négociateurs qui est présidé par le Maroc se focalise sur quatre axes déclinés en plusieurs activités. Objectifs et activités Le premier objectif vise à « améliorer les compétences du GAN pour lui permettre de remplir au mieux sa mission ». Le deuxième objectif est de parvenir à « sensibiliser les acteurs techniques et financiers sur les enjeux liés à la désertification, et oeuvrer à obtenir leur adhésion et engagement en faveur de la lutte contre ce phénomène en Afrique ». Les activités prévues dans le cadre du troisième axe ambitionnent de « garantir les conditions favorables à l'implémentation efficace des activités et processus statutaires ». Enfin, le quatrième axe se décline à travers plusieurs activités qui visent à « identifier et actionner les leviers aptes à soutenir la restauration des terres en Afrique». Rappelons que le Souverain avait souligné dans Son élocution que « le combat contre la désertification et la dégradation des terres est véritablement une lutte existentielle, qui se pose à tous, et à l'Afrique, avec une acuité singulière », notant par ailleurs que « le combat ne doit s'achopper ni à l'absence de capacités technologiques, ni au défaut de ressources économiques, ni - encore moins - à un manque de volonté politique». Oussama ABAOUSS Repères Désertification dans le monde Selon la Convention des Nations Unies pour la Lutte Contre la Désertification, la dégradation des terres à l'échelle internationale suit une cadence annuelle de près de 12 millions d'hectares. La FAO indique pour sa part que durant les quatre dernières décennies, un tiers des terres arables destinées à la production a été altéré, et 40% des terres émergées sont menacées dont 66% sont déjà dégradées affectant ainsi 1,5 milliard de personnes, ce qui représente près de 20% de la population mondiale.
Démographie et modes de consommation A l'origine de la dégradation des terres : la croissance démographique très rapide qui a triplé depuis 1950 (passant de 2,5 à 7,6 milliards actuellement), la hausse des niveaux de consommation couplée avec la mutation des habitudes alimentaires et l'urbanisation accélérée : la part de la population mondiale vivant dans les villes augmentera d'environ 2,5 milliards de personnes d'ici 2050, sachant qu'à l'échelle mondiale, plus de 60% des terres de culture irriguées sont situées aux alentours des zones urbaines. 3 questions à Meysara Elmalki « Toutes les activités menées par notre Département visent à lutter contre la désertification »
Chef du service de coordination et du suivi de la Convention sur la lutte contre la désertification au Département des Eaux et Forêts, Meysara Elmalki répond à nos questions. - La convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification est-elle le seul cadre mondial pour inverser ce phénomène ? - Quand on parle de désertification, il est question de dégradation des sols qui perdent leur fertilité, leur biodiversité et leurs services écosystémiques. C'est pour cette raison qu'en plus de la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification (CNULCD), au moins deux autres conventions internationales sont directement concernées par ce phénomène, à savoir la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et la convention des Nations Unies sur la biodiversité (CDB). - Comment se déclinent les actions entreprises au niveau national pour lutter contre la désertification ? - On peut ici évoquer deux volets complémentaires : les efforts entamés par le Royaume dans le cadre de ses engagements vis-à-vis de la CNULCD et les actions et activités menées par le Département des Eaux et Forêts pour lutter contre le phénomène. Pour le deuxième volet, je tiens à souligner que toutes les activités menées par notre Département visent à lutter contre la désertification : le reboisement, l'aménagement sylvopastoral, la lutte contre les incendies de forêt, la lutte contre l'érosion et l'ensablement... etc. - Quid des efforts entamés par le Royaume dans le cadre de ses engagements vis-à-vis de la CNULCD ? - Le Royaume a récemment élaboré un Plan National de Sécheresse qui positionne notre pays parmi les plus avancés dans ce domaine. Durant l'année 2021, nous avons par ailleurs mis en place un nouveau système de suivi du phénomène dans le cadre d'une approche inclusive avec l'ensemble des départements sectoriels concernés. Ce système (plus précis et se basant sur une batterie d'indicateurs générés par divers types de données) permettra d'améliorer le suivi et l'efficacité des actions et constituera un outil précieux pour l'aide à la décision. D'autre part, nous sommes actuellement en train de préparer un rapport sur l'état d'avancement de la lutte contre la désertification. Ce rapport sera remis au secrétariat de la CNULCD d'ici la fin de l'année et permettra d'évaluer l'atteinte des objectifs assignés au niveau du cadre stratégique 2018-2030 de la Convention. Recueillis par O. A.
COP15 Les conclusions de la conférence sur la lutte contre la désertification
Achevée il y a quelques semaines à Abidjan, la quinzième Conférence des Nations Unies sur la Lutte Contre la Désertification et la sécheresse a permis d'établir une nouvelle stratégie mondiale dédiée aux risques croissants de catastrophes telles que la sécheresse, les tempêtes de sable et de poussière. Parmi les principaux nouveaux objectifs annoncés durant cet événement : la restauration d'un milliard d'hectares de terres dégradées d'ici à 2030, la promotion des emplois décents basés sur la terre pour les jeunes, et le renforcement de la participation des jeunes au processus de la convention. Renforcer les droits fonciers et l'égalité des sexes en tant que facteurs importants pour une restauration efficace des terres est également un engagement pris par les délégués durant cette COP15. À noter que deux déclarations politiques ont été émises durant l'événement, à savoir l'Appel d'Abidjan, lancé par les chefs d'Etat et de gouvernement qui ont participé au Sommet, et la déclaration d'Abidjan sur l'égalité des sexes pour une restauration réussie des terres.
Edition 2022 La Journée de lutte contre la désertification commémorée en Espagne
Le thème de la Journée mondiale de la lutte contre la désertification et la sécheresse, commémorée le 17 juin 2022, porte sur la sécheresse et les mesures précoces à adopter pour éviter des conséquences désastreuses. La Convention des Nations Unies sur la Lutte Contre la Désertification (CNULCD) a annoncé que la commémoration mondiale de cet événement aura lieu à Madrid, en Espagne. En annonçant le thème de la Journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse 2022 « Tous ensemble pour vaincre la sécheresse », M. Ibrahim Thiaw, Secrétaire exécutif de la CNULCD, a déclaré : « Les sécheresses ont toujours fait partie des écosystèmes humains et naturels, mais ce que nous vivons actuellement est bien plus grave, essentiellement en raison de l'activité humaine. Les récentes sécheresses laissent présager un avenir incertain pour la planète. Les pénuries alimentaires et en eau ainsi que les incendies de forêt causés par la sécheresse sévère se sont tous intensifiés ces dernières années ». Entre 1900 et 2019, les sécheresses ont touché 2,7 milliards de personnes dans le monde et causé 11,7 millions de décès. Actuellement, les prévisions estiment que d'ici 2050, les sécheresses pourraient toucher plus des trois quarts de la population mondiale. Les données scientifiques les plus récentes prévoyant des sécheresses plus fréquentes et plus graves à l'avenir ainsi que les preuves de leurs impacts croissants ont incité les gouvernements à se concentrer sur un engagement et une action internationale plus ferme et prévisible.