Le Liban accuse Israël de déclencher une nouvelle crise et la met en garde contre toute "agression" dans les eaux contestées par les deux Etats. Une unité flottante de production, de stockage et de déchargement (FPSO) de l'entreprise Energean Power est arrivée dimanche dans une partie de la zone économique exclusive contestée entre le Liban et Israël, afin de commencer à exploiter le champ gazier de Karish pour le compte de l'Etat hébreu, ce qui a provoqué des réactions indignées du Liban officiel. L'arrivée de la plateforme en Méditerranée a lieu alors que les négociations entre Beyrouth et Israël sont suspendues depuis plusieurs mois. Ces pourparlers entamés en 2020 se faisaient sur base du décret 6433/2011 revendiquant une zone de 860 km2 délimitée au sud par la ligne 23. Mais au terme de quelques rounds, les négociateurs libanais, comprenant des experts militaires et civils, avaient présenté une revendication de 1430 km2 supplémentaires, limitée par la ligne 29, qui engloberaient partiellement le champ de Karish. Depuis, ils pressent, sans succès, les autorités d'amender le décret 6433 auprès des Nations unies, condition sine qua non pour officialiser cette requête. La plateforme d'Energean, construite spécialement pour le champ de Karish, devrait permettre à Israël d'obtenir ses premières livraisons de gaz d'ici au 3e trimestre 2022 selon le site spécialisé « Offshore Energy ». Réagissant à ce développement, le président Michel Aoun a demandé au commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, de « lui donner toutes les données précises officielles » à ce sujet, afin de prendre les mesures nécessaires. « Une provocation et un acte hostile » Le chef de l'Etat s'est également entretenu sur cette question avec le Premier ministre sortant Nagib Mikati et d'autres responsables concernés, selon un communiqué du bureau de presse de Baabda. « Les négociations sur la délimitation de la frontière maritime sont toujours en cours, et toute activité ou opération dans la zone contestée constitue donc une provocation et un acte hostile », ajoute le texte. Le président de la République rappelle par ailleurs avoir envoyé « il y a plusieurs semaines » une lettre aux Nations unies dans laquelle il est rappelé que le champ gazier de Karish se trouve dans la zone contestée et que Beyrouth « tient au respect de ses droits sur ses ressources offshore ». Dans cette missive, « le Liban demandait au Conseil de sécurité de réclamer à Israël de ne pas forer dans les zones controversées, ce qui pourrait constituer une menace pour la sécurité des deux pays ». Vers « une nouvelle crise » avec le Liban Le Premier ministre sortant a accusé, de son côté, Israël de chercher à provoquer « une nouvelle crise » avec le Liban, en « empiétant sur ses ressources offshore » et en cherchant à « imposer un fait accompli ». « Cela est extrêmement dangereux et pourrait créer des tensions dont personne ne peut prévoir les répercussions. Nous mettons en garde contre les conséquences d'une telle procédure avant la fin de la mission du médiateur américain Amos Hochstein, dont la reprise est très importante », a déclaré M. Mikati. « Nous appelons l'ONU et toutes les parties concernées à comprendre la situation et obliger l'ennemi israélien à arrêter ses provocations », a-t-il ajouté. Pour sa part, dans une première réaction du Hezbollah à cette affaire, le président du Conseil exécutif du parti, Hachem Safieddine, a estimé lors d'une cérémonie à Ansariyé, au Sud, que le Liban a « la capacité d'extraire son gaz et son pétrole et de faire preuve d'indépendance face aux moyens de pression que craignent certains », soulignant que Washington veut empêcher Beyrouth d'extraire ses ressources offshores. « L'Etat doit délimiter de manière officielle et claire sa frontière », a-t-il réclamé avant d'insister sur le fait que la résistance est « l'option forte et efficace qui permet au Liban de protéger ses ressources ». D'après L'Orient-Le Jour Les députés du changement montent au créneau En début de matinée, l'experte en hydrocarbures au Moyen-Orient, Laury Haytayan, a critiqué la non-signature par Michel Aoun de l'amendement du décret 6433 : « L'heure de vérité a sonné. Il faudra deux ou trois mois pour que la plateforme commence sa production et nous aurons alors perdu notre carte la plus importante dans les négociations », a-t-elle écrit dans un tweet. La députée Halimé Kaakour, issue du soulèvement populaire du 17 octobre 2019, a de son côté regretté que la plateforme « enfreigne la ligne 29 tandis que les autorités restent silencieuses, après qu'elles ont fait preuve de réticence pour signer le décret 6433 ». Son collègue, le député Waddah Sadek, a fait porter au chef de l'Etat la responsabilité du fait que le Liban entrera en position de faiblesse « dans toute future négociation sur la frontière maritime » alors qu'il savait que les exploitations israéliennes allaient bientôt commencer », faisant allusion à un éventuel « marché avec les Américains » qui aurait pu être conclu par le chef de l'Etat. Les députés dits « du changement », au nombre de treize, ont annoncé qu'ils se pencheront sur ce dossier lors d'une conférence de presse aujourd'hui, entre autres sujets. Hassan Mrad, député sunnite indépendant proche du 8 Mars a de son côté réclamé une réunion urgente de la Chambre, appelant « à se tenir aux côtés de l'armée et à la soutenir face à l'ennemi sioniste », et à « donner une couverture à la résistance afin de dissuader l'occupation et protéger la souveraineté ».