Après des années de conquête des utilisateurs à grande vitesse, le géant du streaming Netflix a perdu 200.000 abonnés dans le monde au premier trimestre par rapport à fin 2021, une première depuis plus de dix ans. Et il s'attend à en perdre encore plus au printemps. La nouvelle a fait dégringoler l'action de 25% mardi, lors des échanges électroniques après la clôture de la Bourse de New York. Pour rétablir la situation, le pionnier du secteur compte avant tout resserrer la vis du côté des partages d'identifiants et mots de passe, qui permettent à de nombreuses personnes de ne pas payer pour l'accès à la plateforme. Et investir toujours plus dans la production des contenus pour ne pas céder trop de terrain à la concurrence, comme Disney+, qui cartonne depuis son lancement fin 2019. «Nous savons que (la perte d'abonnés) est décevante pour nos investisseurs, et c'est décevant bien sûr, mais (...) nous sommes déterminés à parvenir à ces objectifs et à revenir dans leurs bonnes grâces», a déclaré Reed Hastings, le cofondateur de l'entreprise, lors de la conférence aux analystes. Netflix a eu des chiffres gonflés pendant la pandémie de Covid-19. Le marché s'attendait à une correction, mais pas aussi forte. Le pionnier du secteur avait prévu de gagner 2,5 millions d'abonnés supplémentaires - et les analystes en escomptaient encore plus - mais en a, au contraire, perdu, ramenant son total à 221,64 millions d'abonnements. Cette baisse a été en partie causée par la suspension du service en Russie, qui a entraîné une perte nette de 700.000 abonnements. «Sans cet impact, nous aurions eu 500.000 abonnements supplémentaires» par rapport au dernier trimestre, a précisé Netflix dans son communiqué de résultats. Netflix estime que plus de 100 millions de foyers ne payent pas d'abonnements. «Nous devons juste faire en sorte qu'ils payent au moins en partie pour le service qu'ils adorent», a indiqué Reed Hastings. Début mars, le groupe a lancé des tests dans des pays sud-américains pour facturer à ses clients l'ajout de profils supplémentaires à leur compte. La plateforme prévoit d'installer ce système sur ses principaux marchés d'ici un an. «On ne cherche pas à empêcher les gens de partager, mais on va vous demander de payer un peu plus pour le faire», a résumé Greg Peters, le directeur des opérations. L'entreprise ne veut pas affecter une autre mesure, celle dite de «l'engagement», c'est-à-dire le temps passé par les utilisateurs à regarder des films et séries. De ce côté, «nous allons très bien» a assuré le directeur général Ted Sarandos, évoquant un film et une série à succès : «il faut que nous un ayons un 'Adam Project' et un 'Bridgerton' tous les mois pour que le service soit tout le temps à hauteur des attentes». «Leur part de marché dans le streaming reste incroyablement élevée, ce qui place l'entreprise en bonne position pour se battre contre la concurrence», note Robert Cantwell, de Upholdings. Aux Etats-Unis, Netflix attire 73,8% des utilisateurs de services de vidéo à la demande, en deuxième position derrière YouTube (95,8%) et devant Amazon (63,8%), d'après eMarketer. Mais des mastodontes des technologies comme Amazon et Apple peuvent, eux, «diffuser leurs contenus à perte», mentionne Robert Cantwell. En tout, Netflix a réalisé 7,9 milliards de dollars de chiffre d'affaires de janvier à mars, soit près de 10% de plus qu'il y a un an, notamment grâce à l'augmentation du nombre d'abonnés sur un an (+6,7%) et la hausse de ses tarifs. Mais l'entreprise a vu son bénéfice net baisser à 1,6 milliard de dollars, contre 1,7 milliard au premier trimestre 2021. Elle envisage désormais de proposer des abonnements moins chers, avec de la publicité, d'ici un an ou deux. «Il est clair que ça fonctionne pour Hulu», a remarqué Reed Hastings. «Si vous voulez l'option sans pub, ce sera toujours possible. Si vous préférez payer moins cher et que vous tolérez les pubs, il y aura une offre pour vous aussi.» Pour diversifier ses sources de revenus, Netflix s'est aussi lancée dans le marché lucratif des jeux vidéo. En septembre, la société a racheté son premier studio de jeux vidéo, Night School Studio, une start-up californienne. Et en novembre, elle a lancé plusieurs jeux mobiles pour ses abonnés, dont certains inspirés de l'univers de la série de science-fiction et d'horreur «Stranger Things». Le directeur financier a aussi annoncé que la croissance des dépenses allait devoir ralentir, aussi bien pour les contenus que pour les autres budgets.