Alors que le Kremlin avait constaté des progrès dans les pourparlers avec Kiev et que cette dernière ait même évoqué un accord oral avec les Russes, surviennent les images de massacres de Boutcha pour stopper ces avancées. Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, a accusé les pays occidentaux de chercher à torpiller les négociations, en alimentant «l'hystérie» sur des soupçons de crimes de guerre par les forces russes. Le chef de la diplomatie russe a décrit, lundi, ce qui se passe dans la ville de Boutcha, près de la capitale, Kiev, comme une «attaque montée de toutes pièces» et une menace pour la paix et la sécurité internationales. «Une autre mise en scène dans la ville de Boutcha, dans la région de Kiev, après le départ des forces russes conformément aux plans», a déclaré Lavrov lors d'une réunion avec le secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires, Martin Griffiths, commentant les accusations qui pèsent sur Moscou d'avoir commis un «génocide» dans la ville. «Il y a eu une mise en scène quelques jours plus tard qui a été partagée sur tous les canaux et réseaux sociaux par des acteurs ukrainiens et leurs sponsors occidentaux », a-t-il ajouté. La Russie va même plus loin en demandant l'entremise de l'ONU et du Conseil de sécurité. «Aujourd'hui (lundi-NDLR) la Russie va de nouveau demander que le Conseil de sécurité de l'Onu soit convoqué pour une réunion consacrée aux 'provocations criminelles de soldats et de radicaux ukrainiens» à Boutcha, a écrit sur Telegram sa porte-parole au ministère, Maria Zakharova. Moscou nie avoir commis des crimes de guerre et qualifie ces accusations de « monstrueux faux ». Demande d'«enquête internationale pour génocide» Des responsables européens ont réclamé, lundi, une «enquête internationale » pour accuser les forces russes d'avoir commis un «génocide » dans la ville de Boutcha. De son côté, le Premier ministre polonais Mateusz Morawieckia appelé à la formation d'une commission d'enquête internationale sur le «génocide» commis par «l'armée russe dans les villes ukrainiennes, dont Boutcha». Samedi, l'armée ukrainienne a publié des images de cadavres éparpillés sur les trottoirs des rues de Boutcha, à la périphérie de la capitale, Kiev, après le retrait des forces russes. «Toutes ces personnes ont été exécutées et tuées d'une balle dans la nuque», a déclaré Anatoliy Fedoruk, le maire de la ville reprise par les Ukrainiens après le retrait des forces russes, dans des communiqués de presse, notant qu'environ 300 personnes ont été enterrées dans des fosses communes. Des images de dizaines de cadavres et de destructions dans les rues de Boutcha ont également été diffusées sur les réseaux sociaux, tandis que des médias ukrainiens ont rapporté que 57 corps avaient été retrouvés dans l'une des fosses communes de la ville. Or, Kiev et les pays occidentaux ont déclaré qu'il y avait des preuves, parmi lesquelles des images et des témoignages recueillis par Reuters et d'autres organes de presse, que la Russie a commis des crimes de guerre dans cette banlieue de la capitale ukrainienne. Un prétexte pour stopper les négociations en cours L'Union européenne a proposé mardi d'instaurer de nouvelles sanctions contre la Russie, notamment un embargo sur les importations de charbon russe et l'interdiction pour les navires russes d'entrer dans ses ports, tout en disant réfléchir à l'arrêt des achats de pétrole russe. Les exactions imputées à l'armée russe à Boutcha et dans d'autres zones en Ukraine ne resteront pas sans réponse, a déclaré la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. En réponse, Sergueï Lavrov, qui fait d'ailleurs partie de la liste des dirigeants et personnalités russes qui ont vu leurs avoirs gelés par les Européens, a déclaré que Moscou pense que ces accusations sont destinées à faire échouer le processus de négociations après avoir fait état de progrès après les rencontres des délégations russe et ukrainienne de la semaine dernière en Turquie. «Nous sommes enclins à penser que la raison en est le souhait de trouver un prétexte pour mettre fin aux négociations en cours», déclare le ministre dans une vidéo publiée par le ministère russe des Affaires étrangères.
Soutiens africains à la Russie
Gouvernants, opposants, militants panafricanistes sur les réseaux sociaux ou simples manifestants: à l'heure de la guerre en Ukraine, les soutiens au régime russe sont de plus en plus visibles en Afrique subsaharienne, un symbole du «soft power» croissant de Moscou sur le continent. Un soutien qui se matérialise aussi par des offensives médiatiques, que ce soit en Afrique francophone ou anglophone. «Poutine veut récupérer son pays et il n'a pas le sang de l'esclavage et de la colonisation sur les mains. Je préfère Poutine, même si ce n'est pas mon messie, à tous les présidents occidentaux et à tous les maudits présidents africains, soumis à l'oligarchie de l'Occident», tempêtait début mars, le militant panafricaniste Kemi Seba dans une vidéo. Même tonalité chez Julius Malema, leader de la gauche radicale sud-africaine: «Nous sommes là pour dire à l'OTAN et aux Américains que nous ne sommes pas avec eux. Nous sommes avec la Russie et aujourd'hui nous voulons remercier la Russie. Donnez-leur une leçon, nous avons besoin d'un nouvel ordre mondial et nous sommes fatigués de recevoir des ordres des Américains». Comme eux, militants africains et partisans de Poutine ou abonnés sur les réseaux sociaux qui se comptent par milliers, multiplient ces derniers mois les interventions «anti-impérialistes» et favorables aux actions du pouvoir russe. «Il y a une prolifération de chaînes YouTube qui relaient des discours déstabilisateurs. Ils créent un fossé entre l'Occident et les régimes africains et servent ainsi les intérêts russes», estime Mahama Tawat, chercheur à l'université de Malmö en Suède. L'influence russe en Afrique se traduit aussi dans les rues de Bamako, N'Djamena ou Ouagadougou, où des manifestants hostiles à la présence militaire française au Sahel ont brandi des drapeaux russes.