Depuis le début de la crise sanitaire, les gestes barrières occupent une place centrale dans la vie quotidienne. Le retour à la vie normale s'accompagne d'une augmentation des TOC. Lavage de mains compulsif, désinfection des poignées de portes, peur des lieux publics, angoisse de la maladie : faut-il s'inquiéter pour notre santé mentale ? Se laver les mains toutes les heures, craindre la foule et les lieux publics relève de l'agoraphobie, s'imaginer condamné après avoir toussé deux fois... Depuis le début de la pandémie du Covid-19, et le confinement en particulier, nous sommes nombreux à avoir versé dans l'un ou l'autre de ces excès. Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) sont caractérisés par des pensées irrationnelles persistantes se manifestant par des actions répétées. Ces troubles ont souvent un retentissement sur la vie sociale des personnes qui en souffrent. Elles ont tendance à se replier sur elle-même. Et cet isolement peut être exacerbé en cette période de crise. « Les troubles obsessionnels compulsifs sont en partie dus à la génétique », raconte Dr Rokia Benbrahim, psychologue. « Certaines zones du cerveau se mettent en ébullition et provoquent des obsessions, des pensées très intrusives qui tournent en boucle entraînant une forte anxiété, et des rituels pour tenter de s'apaiser. Les TOC les plus classiques sont les lavages, les répétitions d'action parce qu'elles ne sont pas faites comme le trouble l'exige... », poursuit la spécialiste. Lavage des mains, un déclencheur important des TOC Bien sûr, tant qu'il n'est pas excessif, le lavage de mains est essentiel pour minimiser les risques de propagation du Coronavirus. Mais dans le cas d'un TOC, ce nettoyage n'est pas rationnel : la différence réside dans l'objectif d'un tel comportement. Les personnes atteintes de TOC ne se lavent pas les mains pour réduire la propagation du virus, mais plutôt pour s'alléger du fardeau mental de leur obsession et pour trouver du réconfort en suivant un rituel bien précis. Cette peur de la contamination en général pousse certaines personnes atteintes de TOC à se laver les mains de façon obsessionnelle, parfois pendant des heures. Non pas pour réduire le risque de contamination à cause de mains sales. Mais bien pour se réconforter, en suivant un rituel précis, face à une peur irrationnelle. « Dans la prévention des TOC, le patient doit être exposé à sa peur progressivement. L'anxiété générée monte, se stabilise puis descend naturellement. La répétition de l'exposition permet à l'anxiété d'être de moins en moins importante. C'est le phénomène d'habituation », explique la psychologue. « Pour la prévention des TOC liés à la contamination, on demande au patient de ne pas se laver les mains, parfois pendant plusieurs jours, pour que celui-ci se rende compte que le lavage des mains n'est pas nécessaire à son bien-être », ajoute-t-elle. Le grand public va-t-il développer des TOC ? À force de ritualiser notre hygiène, sans même y penser, risquons-nous aussi de développer des TOC ? À cette question Dr Benbrahim répond que le grand public ne risque rien. Ce n'est pas comme ça que ça marche. En revanche, « pour les personnes prédisposées, les troubles peuvent apparaître. Problème, dans le contexte actuel, elles vont trouver une certaine légitimité à leurs comportements. Lesquels vont malheureusement s'aggraver quelques temps avant qu'ils ne se rendent compte que c'est une maladie et qu'il faut une prise en charge ». Quel est le rôle de l'entourage ? Pour Dr Benbrahim, l'entourage peut aussi être d'un grand secours. Mais ça n'est pas simple pour lui non plus car il doit aider sans aider, cela donne une idée de la complexité des choses. Concrètement, cela veut dire que quand on est en présence d'une personne atteinte d'un TOC, il ne faut pas l'aider à accomplir ses rituels. C'est le premier point et il est capital. Ensuite, il faut éviter de juger et faire preuve de patience. Si le patient exprime des craintes particulières, l'entourage doit lui répondre mais le faire une seule fois. Si le patient revient à la charge, il est nécessaire de rester ferme en répondant avec des formules du style « On en a déjà parlé » ou « Tu connais déjà la réponse ». Enfin, il faut être attentif aux plus petits progrès. Savoir complimenter, c'est placer le patient dans la spirale du succès. Ça l'encourage à persévérer. Il en va des TOC comme de tout un tas d'autres maladies : quand on se bat ensemble, on décuple les chances d'obtenir des résultats. Meryem EL BARHRASSI « Elle ne veut plus sortir de chez elle » Dr Benbrahim évoque le cas d'une petite fille devenue agoraphobe. « Elle ne veut plus quitter sa maison. Que ce soit pour faire les courses ou simplement pour sortir jouer ». Avant le confinement, elle ne se montrait pourtant pas particulièrement hygiéniste et ne souffrait d'aucune phobie. « J'ai reçu son père en consultation, mais elle pas encore. Je ne l'ai eu qu'au téléphone. Son père a essayé des petites sorties progressives, mais ça n'a pas marché. La petite me dit que quand il y a trop de monde, ça l'inquiète et ça l'angoisse ». Pour la professionnelle, il est possible que ces enfants particulièrement anxieux aient été un peu trop confrontés aux informations concernant la crise sanitaire. La répétition des messages de prévention, ajouté aux bilans quotidiens du nombre de victimes sans compter les images de patients en réanimation, elle craint que ces enfants n'aient été choqués et incapables de prendre du recul.