Les progrès diplomatiques avec la Russie seront « difficiles » si Moscou maintient « un pistolet sur la tempe de l'Ukraine » et n'engage pas une « désescalade », dixit Antony Blinken. « La vraie question, c'est de savoir si la Russie est sérieuse au sujet de la diplomatie », a déclaré mercredi le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken dans une conférence de presse avec son homologue allemande Annalena Baerbock à Washington avant des pourparlers entre l'Occident et Moscou prévus la semaine prochaine. « Il est très difficile de faire de vrais progrès dans tous ces domaines dans une atmosphère d'escalade et de menaces, avec un pistolet sur la tempe de l'Ukraine », a-t-il prévenu. Les Européens, les Américains et Kiev accusent depuis plusieurs semaines les Russes d'amasser des dizaines de milliers de soldats à la frontière ukrainienne en vue d'une potentielle invasion. Ils ont menacé à plusieurs reprises de sanctions « massives » et sans précédent si le Kremlin devait passer à l'acte. La Russie de son côté réclame un accord limitant les élargissements de l'OTAN à ses portes. Des pourparlers américano-russes doivent s'ouvrir lundi à Genève, suivis d'une réunion Russie-OTAN et d'une autre au sein de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. « Il ne peut y avoir de décision sur la sécurité en Europe sans l'Europe. Il est crucial [...] d'impliquer les partenaires en Europe », a estimé Annalena Baerbock. Empêcher le fonctionnement du gazoduc Nord Stream « Il n'y aura rien sur l'Europe sans l'Europe. Pas seulement une pleine coordination et consultation, mais aussi une participation », a promis Antony Blinken en retour. Le secrétaire d'Etat américain a aussi estimé, plus clairement encore que par le passé, que l'Allemagne devra empêcher le gazoduc controversé Nord Stream 2 d'entrer en fonction si la Russie attaque l'Ukraine. « Si la Russie renouvelle son agression contre l'Ukraine, ce serait certainement difficile de voir du gaz couler dedans à l'avenir », a-t-il dit, expliquant que Nord Stream 2, considéré comme un moyen de pression potentiel des Russes à l'égard de l'Europe, devient ainsi à l'inverse « un levier » pour l'Europe contre les Russes. La ministre écologiste allemande, qui a adopté une position similaire ces dernières semaines mais n'est pas forcément sur la même longueur d'onde que son chancelier social-démocrate Olaf Scholz, s'est montrée plus évasive, renvoyant à un accord américano-allemand conclu l'été dernier en la matière. Borrell promet le «plein soutien» de l'UE De son côté, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a assuré l'Ukraine du «plein soutien» de l'Union européenne face à la menace d'une intervention russe, lors d'une visite mercredi 5 janvier sur la ligne de front face aux séparatistes pro-russes. «Nous sommes là tout d'abord pour réaffirmer le plein soutien de l'Union européenne à l'indépendance, à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine», a déclaré Josep Borrell lors d'une conférence de presse après sa visite, avec le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba. «Toute agression militaire contre l'Ukraine aura des conséquences désastreuses et un coût important», a-t-il ajouté, s'exprimant dans le village de Stanytsa Luganska près de la ligne de front. «Nous nous coordonnons avec les Etats-Unis, l'Otan et d'autres alliés pour œuvrer à une désescalade», a-t-il dit. Cette visite de Josep Borrell était la première dans l'est de l'Ukraine d'un chef de la diplomatie européenne depuis que la guerre y a éclaté il y a près de huit ans. Josep Borrell a estimé que le moment était juste, parce que «le paysage géopolitique est en train de changer très rapidement et le conflit aux frontières de l'Ukraine est en voie de devenir plus profond». Alors que la Russie veut lier la crise ukrainienne à la présence de l'Otan en Europe orientale dans des pourparlers avec Washington, le représentant de Bruxelles a souligné que «toute discussion sur la sécurité européenne doit impliquer l'UE et l'Ukraine».
En attendant les discussions du 10 janvier à Genève
La Russie masse depuis fin octobre à la frontière ukrainienne des dizaines de milliers de soldats, avec déploiement d'équipements et d'hôpitaux de campagne. Signe d'un assaut imminent ou intimidation ? Moscou joue en tout cas avec le feu sur cette « ligne de contact » qui sépare dans l'est du pays les forces régulières ukrainiennes et les rebelles soutenus par le Kremlin. Cette zone de tension constante depuis 2014 pourrait bien devenir la ligne de front d'un conflit entre la Russie et l'Ukraine. Ce qui inquiète bien sûr Kiev mais aussi l'Alliance Atlantique, Etats-Unis en tête. Moscou qui se défend de toute intention belliqueuse veut surtout et fermement freiner tout élargissement de l'Otan en ex-URSS. Après cette démonstration de force, Vladimir Poutine a joué l'apaisement et souhaité s'entretenir dans une conversation téléphonique secrète de 50 minutes avec Joe Biden. Saluant par la suite les négociations qui doivent se tenir le 10 janvier à Genève avec les Américains. L'Ukraine sera au cœur des discussions pour parvenir à une désescalade mais en arrière-plan tout vise, pour Moscou, à restaurer la puissance de la Russie dans l'échiquier stratégique mondial et effacer ainsi le déclin vécu après la chute de l'URSS, en 1991.