Même dans ses rêves les plus fous, les plus extravagants, Mohamed El Haddaoui n'aurait jamais imaginé qu'il allait vivre de la fabrication et la vente de couscous dans une contrée de Fin du Monde, dans la Patagonie argentine. Ce natif de Youssoufia, où il a fait ses études, est devenu une curiosité entourée de beaucoup d'affection dans la principale ville touristique de la Patagonie, Bariloche, une cité aux allures d'un village suisse niché aux pieds de la Cordillère des Andes. La presse locale est interloquée par son esprit d'entrepreneur-né et sa ténacité pour fabriquer et commercialiser le couscous dans ces contrées lointaines. Voire réussir à écouler une centaine de kg par mois. Il est invité aux émissions radio pour expliquer la genèse de son projet, l'origine des ingrédients pour produire le couscous et le rôle stratégique joué (à distance) par sa maman pour réussir la recette. Il lui rend d'ailleurs hommage en appelant sa marque de couscous « Mama Halima » que tous les commerces de la fine cuisine, les chefs dans les hôtels et les chargés d'achat des supermarchés connaissent désormais. « Produire du couscous à Bariloche est une idée qui a germé pendant la longue période de confinement à cause de la pandémie », raconte Mohamed El Haddaoui à la MAP. « Nous avions eu, moi-même et mon épouse, beaucoup de temps pour réfléchir au projet », ironise-t-il. Encouragé par sa femme et sa belle-famille, l'entrepreneur en devenir se lance dans l'aventure après avoir vendu sa voiture et racler les fonds de la tirelire pour financer son projet. Le petit capital de départ lui a servi d'installer son usine de couscous. Les essais pour vaporiser la semoule et la sécher se sont succédé et le résultat s'améliorait jour après jours, sous les conseils avisés et la supervision de Mama Halima depuis son Youssoufia natale. Une fois la recette maitrisée, le succès est venu immédiatement après. Les premières unités de 500g produites avec un design typiquement marocain s'envolaient comme des petits pains. « Depuis un an, le projet ne cesse de s'étendre. Le couscous est vendu dans toutes les régions d'Argentine. Mon ambition est de commencer à exporter vers les pays limitrophes, comme le Chili et le Brésil ». Le succès est tel que des Masterchefs de renom en Argentine ont pris contact avec lui pour introduire le couscous dans les compétitions de gastronomie sur des télévisions locales. Cet engouement, raconte-t-il avec fierté, est intervenu après qu'un plat préparé à base de son couscous élaboré à Bariloche, a remporté le premier prix (Punto Rio Negro) d'un concours gastronomique sur une télévision du sud du pays. Le prix, octroyé au plat le plus représentatif du sud de la Patagonie, est décerné dans le cadre du programme « Cocineros Argentinos » (Cuisiniers Argentins). L'ambition de Mohamed El Haddaoui ne semble pas avoir de limite. « Depuis quelque temps, je suis à la recherche d'investisseurs potentiels pour développer le projet et bénéficier de l'accueil favorable qu'il a reçu ». Mais comment un natif de Youssoufia a-t-il pu atterrir en Patagonie ? Le voyage avait commencé à Rome. Mohamed El Haddaoui a rencontré celle qui allait devenir son épouse dans la capitale italienne où Cecilia étudiait l'architecture. A cette époque, le futur entrepreneur travaillait pour la compagnie aérienne Qatar Airways. Les deux tourtereaux ont vite convolé en justes noces et se sont installés à Doha. Un triste évènement familial les a conduits à s'installer à Bariloche. L'aventure était garantie pour El Haddaoui, qui ne parlait pas un traitre mot en espagnol. Il croyait, à tort, que sa maîtrise de l'anglais allait l'aider. Que nenni ! La galère allait commencer pour lui. Une galère qui portait en son sein un défi. Comment réussir dans un pays aussi loin que l'Argentine; sans parler la langue du pays ?. Après quelques mois et le dépassement de l'handicap linguistique, l'esprit entrepreneur s'est éveillé chez ce père de deux petits garçons, Malek et Noah, qui a ouvert un restaurant marocain à Bariloche. L'expérience a duré neuf mois. Et puis la pandémie est arrivée en charriant son cortège de fermetures et de faillites. Avec un optimisme inscrit dans son ADN de marocain du Monde, Mohamed El Haddaoui a vu dans le confinement une opportunité. Malgré les trébuchements des débuts, son projet de couscous a été lancé. Grâce à la recette de Mama Halima et la persévérance de son épouse Cecilia, devenue entre temps experte es couscous, le projet avance sur les bons rails et, ose espérer Mohamed El Haddaoui, il ira très loin. Inchallah ! (Avec MAP)