De nombreux migrants clandestins algériens ont trouvé la mort près des côtes espagnoles. Ces « harragas » avaient embarqué sur de petits canots de pêche à partir de plusieurs villes côtières d'Algérie. Les médias algériens ont annoncé, ce lundi 27 septembre, le décès ou la disparition en mer de plusieurs dizaines de migrants. Cette information provient de volontaires du Centre international pour l'identification des migrants disparus (CIPIMD), une ONG espagnole dont le siège est à Malaga, qui a lancé, samedi 25 septembre, un avis à identification de dizaines de corps de ressortissants algériens rejetés par la mer. Francisco Jose Clemente Martin, membre actif de cette association, a été le premier à donner l'alerte, dimanche 26 septembre, sur la page Facebook Héroes del mare (Héros de la mer). Il explique que ce naufrage, qui a eu lieu dans la nuit du 17 au 18 septembre, fait suite à l'arrivée de plus de 1000 migrants algériens sur les côtes espagnoles. Un phénomène qui existe depuis plusieurs années Un journaliste à Tlemcen et spécialiste des questions de migration, explique à Sputnik que, vu d'Algérie, ces départs de migrants vers l'Espagne apparaissent comme exceptionnels mais en réalité ce phénomène « ne s'est jamais arrêté ». « Le fait que plus de 1400 harragas (« ceux qui brûlent les frontières », en dialecte algérien) arrivent en Espagne en quelques jours peut nous surprendre, alors qu'en réalité c'est une situation qui se produit régulièrement », explique-t-il. « Nous ne sommes pas face à une nouvelle vague, c'est juste la poursuite d'un phénomène qui existe depuis plusieurs années. En fait les départs ne se sont pas arrêtés, les gens embarquent de façon illégale. Sauf que depuis 2019, la presse algérienne a arrêté de médiatiser ce phénomène, contrairement aux journalistes espagnols qui médiatisent régulièrement la situation. En Espagne, ils sont au courant des arrivées contrairement à nous, en Algérie, qui sommes très peu informés », note le journaliste. Chahredine Berriah indique que le Centre international pour l'identification des migrants disparus et notamment Francisco Jose Clemente Martin, font un travail très important en communiquant quotidiennement sur les arrivées de migrants clandestins algériens sur les côtes sud de l'Espagne. Pour rallier l'Espagne, les harragas doivent dépenser entre 3000 et 5000 euros, selon la région de départ et le type d'embarcation. « Les migrants peuvent prendre des bateaux rapides qui permettent d'atteindre leur destination en quelques heures ou alors des embarcations de pêche », explique pour sa part Lotfi Abdelmadjid, journaliste à Mostaganem, ville de la côte ouest considérée comme l'un des principaux points de départ d'Algérie. Lotfi Abdelmadjid indique que l'essentiel des naufrages sont dus à l'utilisation de petites embarcations vétustes, les « botti » en dialecte algérien, et à l'inexpérience de certains passeurs. « Leurs utilisateurs sont des jeunes qui mettent en commun des moyens afin d'acheter une barque, un moteur et du carburant. Ce sont des embarcations très fragiles qui peuvent se retourner facilement », détaille-t-il. Les bateaux plus puissants -appelés Tropicos sur la côte algérienne, ou Patera taxi en Espagne - ont fini par s'imposer. « Ces bateaux semi-rigides ont le double avantage d'être très sûrs et particulièrement rapides. À l'origine, les Tropicos étaient utilisés pour le transport de la drogue. Ils ont fini par être exploités par des réseaux mafieux du sud de l'Espagne car il est impossible d'en trouver sur le marché algérien », révèle Lotfi Abdelmadjid. Des arrivées en « très forte augmentation » D'après le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), entre le 1er janvier et le 6 septembre 2021, 6173 migrants sont arrivés en Andalousie. Et selon les autorités espagnoles, 73% des personnes qui ont atteint la péninsule et les îles Baléares au cours du premier semestre sont de nationalité algérienne. Les raisons qui expliquent la recrudescence des départs depuis l'Algérie sont profondes. Parmi elles, la grave crise économique dans laquelle s'enlise le pays depuis la chute des cours du pétrole en 2014, qui réduit drastiquement les opportunités professionnelles des jeunes du pays. Une situation exacerbée par la pandémie de Covid-19, qui pousse des milliers d'entre eux à prendre la mer, au péril de leur vie. Ailleurs en Espagne, d'autres arrivées ont également été signalées. Dans les îles Baléares, la Garde civile et les secours maritimes ont secouru les 23 occupants d'un canot pneumatique qui se dirigeait vers la côte sud de Majorque, le matin du samedi 4 septembre. Seize autres personnes ont aussi été interceptées au large d'Alicante.
Canaries : 9000 débarqués, 785 morts Depuis le début de l'année, plus de 9000 personnes ont débarqué aux Canaries, contre près de 4000 à la même période l'an dernier, d'après les derniers chiffres de l'Organisation internationale des migrations (OIM) publiés le 24 septembre. Très empruntée, cette route maritime est aussi très dangereuse. Toujours selon l'OIM, au moins 785 migrants y ont perdu la vie entre janvier et août 2021, dont 177 femmes et 50 enfants. En 2020, la traversée avait fait au total 850 victimes. Des chiffres impressionnants, mais certainement en-deçà de la réalité. Car « les naufrages invisibles, qui ne laissent aucun survivant, sont fréquents sur cette route maritime mais quasiment impossibles à corroborer », déplore Frank Laczko, le directeur du centre d'analyse des données de l'OIM. L'ONG Caminando Fronteras comptabilise, elle, 1922 personnes décédées sur la route des Canaries, rien qu'au premier semestre 2021. L'instabilité politique des pays de départ peuvent expliquer, en partie, l'augmentation des chiffres. Les coups d'états successifs au Mali – en août 2020 et en mai dernier – et le renversement, début septembre, du président guinéen Alpha Condé restreignent encore un peu plus les perspectives d'avenir pour les jeunes de ces pays. Pour rappel, l'âge médian est de 19 ans en Guinée, et de 15 ans au Mali.