Les Bourses mondiales s'affolent au chevet du géant immobilier chinois, Evergrande, aujourd'hui écrasé par une dette de 300 milliards de dollars à laquelle il ne peut plus faire face. Les analystes comparent sa faillite à celle de Lehman Brothers en 2008 et n'excluent pas l'éventualité d'une crise financière mondiale. Eclairage. L'action du second promoteur immobilier chinois, plombé par 2.000 milliards de yuans de dettes (300 milliards d'euros), a perdu 84 % depuis le début de l'année et 17 % rien que lundi 20 septembre. La hantise des investisseurs ? Qu'une faillite de ce deuxième plus grand promoteur immobilier du pays provoque une crise systémique en Chine, entraînant avec elle d'autres marchés, qui, par contagion, fragiliserait la finance mondiale. Bref, un « moment Lehman », treize ans après la faillite du géant bancaire américain, qui avait marqué le début de la grande crise financière.
Cet aveu, relayé par le « Financial Times », intervient alors que des centaines de particuliers manifestaient la semaine dernière devant le siège du groupe à Shenzen. En tout, ils sont plus de 70.000 à avoir souscrit des placements financiers auprès de la filiale de gestion de patrimoine d'Evergrande. Attirés par les rendements élevés proposés, certains se sont même endettés pour investir. Maintenant qu'Evergrande a besoin de plus de temps pour payer les intérêts et rembourser le capital de ces produits, ils risquent de se retrouver en difficulté, précise-t-on.
Comment Evergrande a-t-il pu en arriver là ?
Pour mieux cerner cette histoire il faut remonter un peu plus en arrière. Evergrande s'est développé de manière agressive pour devenir l'une des plus grandes entreprises de Chine, et ce en empruntant plus de 300 milliards de dollars, sachant qu'en 2012 avait environ 12 milliards de dollars de passif. L'année dernière, Pékin a introduit de nouvelles règles pour contrôler le montant des dettes des grands promoteurs immobiliers. Ainsi, ces nouvelles mesures ont conduit Evergrande à proposer ses biens immobiliers avec des rabais importants afin de s'assurer que l'argent rentrait pour maintenir l'entreprise à flot. Aujourd'hui, l'entreprise a du mal à faire face au paiement des intérêts de ses dettes. Cette incertitude a fait chuter le cours de l'action d'Evergrande d'environ 85 % cette année. Ses obligations ont également été déclassées par les agences de notation mondiales. Son sort est désormais dans les mains de Pékin, qui compte éviter à tout prix un scénario « à la Lehman Brothers ».
Le gouvernement de Pékin pourrait éviter l'effet domino ?
Du moins c'est ce que pense Mattie Bekink, de l'Economist Intelligence Unit (EIU) : « Plutôt que de risquer de perturber les chaînes d'approvisionnement et de mettre en colère les propriétaires, nous pensons que le gouvernement trouvera probablement un moyen de garantir la survie de l'activité principale d'Evergrande ». En effet, malgré les retombées potentielles très graves de l'effondrement d'une entreprise aussi lourdement endettée, certains analystes sont plutôt optimistes et estiment que Pékin pourrait bien éviter le pire. D'ailleurs, de petits signaux positifs commencent d'ores et déjà à s'afficher, puisque Wall Street a fini en forte hausse jeudi, rassurée par l'évolution de la crise Evergrande en Chine. Le marché s'est montré rassuré par un début de résolution ordonnée de la crise que traverse le promoteur immobilier, a expliqué JJ Kinahan, responsable de la stratégie de marché chez TD Ameritrade. Les autorités chinoises de régulation des marchés financiers auraient donné jeudi aux dirigeants d'Evergrande une série d'instructions, selon plusieurs médias, en leur demandant notamment d'éviter un défaut de paiement sur leur dette libellée en dollars, améliorant ainsi les indicateurs de la Course de New York et par ricochet les effets ravageurs de la faillite du géant chinois sur le marché mondial. Par ailleurs, la plupart des analystes estiment que même dans les pires scénarios, l'impact d'une restructuration d'Evergrande devrait être limité pour les banques comme pour les investisseurs obligataires. « la connexion entre les marchés financiers chinois et les autres est moins grande que ce que nous voyons dans le monde occidental », a tenu à rappeler mardi Laurence Boone, la cheffe économiste de l'OCDE.