Au moment où le Maroc semble maîtriser la recrudescence de la pandémie, des voix, même au sein du Comité scientifique, s'élèvent pour demander un assouplissement des restrictions. Encore faut-il quelques conditions. « Nous sommes lassés, nous n'en pouvons plus », c'est un cri de lassitude qu'on entend souvent dans chaque conversation, qu'elle soit entre membres de la même famille ou entre amis. Après avoir reprisé brièvement une bouffée d'oxygène après le mois de Ramadan, les gens se sont vite trouvés étouffés par de nouvelles mesures restrictives au mois d'août à cause de la vague du variant indien « Delta » qui a poussé les cas positifs à un niveau jamais atteint. Maintenant que la situation s'améliore visiblement, le maintien des mesures restrictives semble lasser et exaspérer une grande partie des Marocains, qui se demandent pourquoi les autorités n'ont pas encore assoupli les restrictions décrétées, mi-août dernier. La pandémie est en recul constant selon les indicateurs, sachant que le ministère de la Santé a fait état dans son dernier bilan bimensuel d'une tendance baissière de la courbe épidémiologique tout au long de cinq semaines consécutives. Compte tenu de cette amélioration, il n'est plus nécessaire de maintenir les restrictions, selon Azeddine Ibrahimi, membre du Comité scientifique, qui plaide pour leur assouplissement le plus tôt possible. « Il est temps d'oser scientifiquement et pratiquement d'alléger les restrictions», a écrit l'expert émérite dans un post sur son compte Facebook, appelant à un retour progressif à la vie normale. La vaccination avance, tant mieux... Cet assouplissement, revendiqué par les gens, est justifié, selon M. Ibrahimi, par plusieurs arguments, dont celui de l'avancement de la campagne de vaccination. Ce dernier pense qu'il est inutile, voire insensé, de maintenir les restrictions telles qu'elles sont, au moment où une majorité de la population est vaccinée. « Après qu'on a vacciné 60% des personnes de 12 ans et plus, et vu qu'on s'approche d'un taux de 70%, il est normal qu'on pense à un retour à la vie normale », a expliqué M Ibrahimi, tout en plaidant pour un allégement du couvre-feu et l'ouverture des hammams, salles de fêtes et cinémas avec une capacité d'accueil limitée. L'objectif est de permettre à plusieurs secteurs impactés de respirer. Pass sanitaire : alternative aux restrictions Azeddine Ibrahimi juge qu'il faut apprendre à vivre avec le virus, reconnaissant qu'il est inconcevable d'éradiquer le SARS-CoV2 définitivement. Ce dernier estime que la poursuite de la vaccination est le seul moyen efficace de protéger le système de santé. À cet égard, le directeur du Laboratoire de Biotechnologie de la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat insiste sur le rappel des primo-vaccinés, c'est-à-dire les personnes âgées et ayant des comorbidités qui n'ont pas encore reçu la deuxième dose. Leur nombre s'élève à 500.000, selon l'expert. Outre que cela, l'allégement des restrictions est, aux yeux de M. Ibrahimi, synonyme de l'activation du pass vaccinal, vu que les vaccinés ne doivent pas, pense-t-il, subir la dureté des restrictions. « Cette solution a fait ses preuves en France, qui a pu passer à 75% de taux de vaccination grâce à l'imposition du pass vaccinal », a-t-il argué. Anass MACHLOUKH
Trois questions à Tayeb Hamdi « La levée des restrictions doit être accompagnée de l'obligation du Pass sanitaire »
Tayeb Hamdi, expert en systèmes et politiques de santé, a répondu à nos questions sur l'éventualité d'un assouplissement des mesures restrictives et sa faisabilité.
- Beaucoup de Marocains revendiquent un allégement des mesures restrictives, qui ont été durcies pendant le mois d'août, est-ce possible compte tenu de l'amélioration de la situation épidémiologique observée récemment ? - En fait, je peux dire que la situation épidémiologique est plus maîtrisée et mieux contrôlée par rapport à la fin du mois d'août, tous les chiffres et les indicateurs le montrent. Cependant, il nous est difficile d'alléger les restrictions d'un seul coup, comme nous ne sommes pas encore totalement à l'abri du risque. Donc, il faut aller progressivement et j'imagine mal une levée ou un assouplissement des mesures restrictives sans l'imposition du Pass sanitaire dans les endroits publics. - Est-ce une condition sine qua non pour assouplir les restrictions ? - Oui, absolument, tant que la campagne de vaccination n'est pas encore terminée, et vu qu'on est à près de 60% de la population vaccinée, il faut appliquer le pass sanitaire, si on veut vivre sans restrictions. C'est une mesure doublement bénéfique puisqu'elle permet d'inciter les gens à se faire vacciner et au même temps de casser, ne serait-ce que légèrement, la transmission du virus dans les lieux communs. Cette stratégie est payante, il suffit de constater ses résultats dans des pays, comme la France et le Danemark, qui ont réussi à booster leur taux de vaccination à un niveau très élevé, proche de 75%. - Après la baisse palpable des cas positifs et le soulagement des services de réanimation, peut-on dire qu'on a maîtrisé le variant Delta ? - Oui, ce constat est indéniable, il ne fait aucun doute : les restrictions réappliquées récemment et la hausse du taux de dépistage ont eu un impact, bien que relatif, sur la baisse des contaminations, qu'on observe actuellement. Pour autant, il est plus judicieux de veiller à préserver les acquis tant le variant Delta est fort contagieux. La vaccination est le seul moyen pour y parvenir.