Selon le président algérien, le journaliste Karèche a joué à tort au pyromane sur un sujet très sensible. La présomption d'innocence et le secret de l'instruction viennent d'être balayés d'une phrase. La justice algérienne a décidé de maintenir le journaliste Rabah Karèche en détention provisoire. Ce correspondant d'un quotidien dans le sud du pays est poursuivi dans le cadre de la loi qui sanctionne «le discours de haine». Des avocats accusent le Président Tebboune d'avoir orienté la justice en qualifiant le journaliste de «pyromane ». Placé en détention provisoire le 19 avril dernier, il restera en prison suite à une procédure d'appel introduite par le procureur de la République de cette ville. Le représentant du ministère public s'était opposé à la programmation de son procès suite à une demande de prolongation de la phase d'instruction.Rabah Karèche est poursuivi pour «atteinte à l'intégrité du territoire national», «publication volontaire de fausses informations susceptibles de porter atteindre à l'ordre public» et «diffusion volontaire de fausses informations susceptibles d'attenter à l'ordre public et usage de divers moyens pour porter atteinte à la sûreté et l'unité nationales». Des poursuites engagées sur la base de dispositions du code pénal et de la loi relative à la prévention et à la lutte contre la discrimination et le discours de haine. Selon un des avocats de la défense, le journaliste n'a «à aucun moment porté atteinte à l'unité nationale, où est le discours de la haine et la discrimination. Aucune disposition de cette loi ne s'applique au cas de ce journaliste ». «Dans son article, Rabah Karèche n'a fait que couvrir une manifestation d'habitants de la région de Tamanrasset qui avaient dénoncé le nouveau découpage administratif. Un découpage territorial que le pouvoir a mis en oeuvre dans la précipitation sans prendre le temps d'étudier ses conséquences sur les populations locales. Rabah Karèche mérite d'être félicité pour avoir médiatisé une situation problématique, mais au lieu de cela, il se retrouve en prison», a insisté l'avocat en prenant la parole lors d'une conférence de presse. Interférence présidentielle Une autre avocate de la défense dénonce une violation de l'article 50 de la Constitution algérienne qui stipule que «le délit de presse ne peut être sanctionné par une peine privative de liberté». Elle a également rappelé le caractère exceptionnel du recours à la détention provisoire dans le droit algérien. Mais les deux avocats ont tenu surtout à dénoncer l'interférence du Président algérien dans cette affaire. En effet, dans une interview accordée au magazine français Le Point, Abdelmadjid Tebboune avait déclaré «Il a joué à tort au pyromane sur un sujet très sensible. Très grave». Pour les avocats de la défense, il s'agit d'une «violation du secret de l'instruction et de la présomption d'innocence». Selon eux, le chef de l'Etat a influé sur le cours de cette affaire, d'où la décision du procureur de la République d'exiger le report de l'audience et de demander la poursuite de la phase d'instruction