Le travail au noir représente plus de 70% de l'emploi total dans les pays émergents et en développement, un niveau tel qu'il risque de freiner la reprise de ces économies, selon un rapport de la Banque mondiale. Avec un secteur informel qui représente 30% du PIB, le Maroc n'échappe pas à la règle. «Un pourcentage étonnamment élevé de travailleurs et d'entreprises exerçant leur activité en dehors du champ de vision des gouvernements des pays émergents et des économies en développement», tel est le constat de la Banque Mondiale (BM) qui vient de publier un rapport baptisé «The Long Shadow of Informality: Challenges and Policies» (Le fantôme de l'informalité: défis et politiques). Selon ce dernier, si les gouvernements n'adoptent pas «un ensemble complet» de mesures politiques pour y faire face, la reprise économique après la récession provoquée par la pandémie sera compromise. Au Maroc où l'économie informelle réalise un chiffre d'affaires dépassant les 410 milliards de dirhams, selon les communications officielles du Conseil de Veille Economique (CVE), soit près de 35% du PIB national, le travail au noir accentue non seulement la fragilité de l'emploi, la précarité des travailleurs et l'évasion fiscale, mais touche également de plein fouet la balance compétitive du marché national, ravageant particulièrement les TPME. Notant à son tour que le secteur informel représente près d'un tiers du Produit intérieur brut des pays émergents, la BM a souligné que ce dernier «diminue (leur) capacité à mobiliser les ressources budgétaires nécessaires pour soutenir l'économie en cas de crise, à mener des politiques macroéconomiques efficaces et à renforcer le capital humain pour le développement à long terme». Les recettes publiques des pays émergents et en développement dont le travail au noir est supérieur à la moyenne, représentent environ 20% du PIB, soit 5 à 12 points de pourcentage en moins que le niveau des autres pays, précise les auteurs du rapport, avant d'ajouter que les dépenses publiques sont également inférieures de 10 points de pourcentage du PIB. Des efforts louables, mais... Néanmoins, la Banque Mondiale n'a pas manqué de souligner les progrès réalisés par certains pays (particulièrement le Maroc et la Tunisie) en matière de lutte contre l'informel. Car oui, malgré l'ampleur du secteur non-réglementé qui reste assez importante, sa taille s'est nettement réduite sur les trois dernières décennies, passant de 40% entre 1988 et 1998, à 34% entre 2009 et 2018, à en croire le dernier rapport de Bank Al-Maghrib. Des résultats qui suggèrent, selon la Banque centrale, que les stratégies mises en oeuvre durant les deux dernières décennies pour améliorer l'environnement institutionnel, économique et financier ont contribué à réduire la taille de l'économie informelle. Par ailleurs, dans la foulée des chiffres effrayants, rendus visibles par la crise du Covid qui a mis à nu la fragilité de la grande majorité de la population qui occupe des emplois informels et précaires, la Banque mondiale a indiqué que «la capacité des banques centrales à soutenir les économies est limitée par les systèmes financiers sous-développés associés à une informalité généralisée». De plus, l'emploi au noir est aussi discriminant puisqu'il affecte davantage les femmes et les jeunes peu diplômés. «Au milieu de la crise du Covid-19, ils sont souvent laissés pour compte, avec peu de recours aux filets de sécurité sociale lorsqu'ils perdent leur emploi ou subissent de graves pertes de revenus», a commenté Mari Pangestu, directrice générale de la politique de développement et des partenariats de la Banque mondiale. La réactivité s'impose ! Cette étude doit inciter les décideurs politiques à s'attaquer à ce phénomène, «ce qui sera essentiel à l'avenir alors que nous nous efforçons de parvenir à un développement vert, résilient et inclusif», a ajouté Pangestu. La Banque mondiale observe en outre qu'une part élevée de travail non déclaré «sape les efforts politiques visant à ralentir la propagation du Covid-19 et à stimuler la croissance économique». Car, l'accès limité aux filets de sécurité sociale signifie que de nombreux travailleurs au noir n'ont pas été en mesure de rester chez eux ou de respecter les exigences de distanciation physique. En outre le rapport souligne que les plates-formes numériques offrent aux Etats la possibilité de réduire les charges réglementaires, de renforcer l'administration fiscale et d'améliorer la couverture des programmes de protection sociale et par ricochet favoriser l'inclusion des acteurs dans l'informel.