L'image aussi douloureuse qu'avilissante réveillait des sentiments négatifs, sapant le moral des Marocains et affectant leur amour propre, tout en entachant l'image de marque du pays. Il s'agit de ces femmes laborieuses à souhait, injustement baptisées femmes mulets, qui traversaient à longueur de journées pluvieuses ou caniculaires les postes frontières de Sebta et de Melilia. Fagotées dans des djellabas trop amples pour dissimuler des marchandises de contrebande qu'elles transportaient pourtant en toute indiscrétion, croulant sous le poids de ballots avoisinant souvent le quintal, ces femmes travailleuses méritaient plus le nom de dames courage, plutôt que celui du respectable équidé dont elles ont été longtemps affublées. Cette image, dieu merci, on ne la reverra plus, ou du moins on l'espère. Puisqu'au bout d'un calvaire de plusieurs mois, suite à l'interruption totale et brutale de leur activité vivrière en raison de la conjugaison des crispations politiques maroco-espagnoles autour des villes occupées où elles officiaient, ainsi que les effets de la pandémie planétaire du Covid, ces dames commencent à entrevoir le bout du tunnel et la lueur d'une existence moins précaire. En effet, les autorités préfectorales de M'diqFnideq comptent intégrer dans une première étape plusieurs centaines de ses ex-femmes mulets ou «bragdias», comme les appelent les gens du Nord, dans l'industrie du textile. L'effacement de cette image, qui écornait l'aura du Royaume, ne doit pas nous faire oublier d'autres images qui persistent comme, entre autres, celles de ces nuées de mendiants qui occupent toujours nos rues et nos croisements, ainsi que celles de ces millions de jeunes désoeuvrés postés au coin des rues des quartiers populaires, en attendant la délivrance d'un emploi de plus en plus incertain ou celle plus risquée du Hrig qui continue à rafler les vies parmi la jeunesse de notre pays. Amine ATER