Dix ans après le mouvement du 20 Février et l'adoption de la Constitution 2011, le Maroc cherche toujours à lutter contre les maux qui ravagent la cohésion sociale avec l'échec d'une décennie de politiques gouvernementales anti-sociales. Un bilan qui divise au moment où les échéances électorales approchent à grand pas et qu'une bonne partie des Marocains expriment son scepticisme, suite aux multiples échecs de l'Exécutif. Dix ans après le mouvement du 20 Février et l'adoption de la Constitution 2011, le Maroc cherche toujours à lutter contre les maux qui ravagent la cohésion sociale au bout d'une décennie marquée par l'échec des politiques gouvernementales en matière sociale. Un bilan qui divise au moment où les échéances électorales approchent à grand pas et qu'une bonne partie des Marocains exprime son scepticisme, suite aux multiples échecs de l'Exécutif.
« Le peuple veut abolir la corruption », c'est le slogan brandi par les Marocains en 2011 pour exprimer leur colère contre la corruption, les tripatouillages et la prévarication dans la gestion des affaires publiques, sans oublier un rétrécissement marqué de la marge des libertés publiques et individuelles, ainsi que bien d'autres maux dont souffre le Maroc depuis plusieurs décennies. Une revendication portée par le mouvement dit «20 Février», dont dix ans nous séparent maintenant de sa naissance. Dans la foulée de la vague protestataire qui secouait le monde arabe à l'époque, le Royaume avait choisi la voie de la transition démocratique avec une nouvelle Constitution adoptée à 98% des voix. Une transition qui assure l'équilibre des pouvoirs et qui donne plus de prérogatives à l'Exécutif et au Parlement, renforçant ainsi les instances de gouvernance et de représentativité.
« Dignité, liberté et justice sociale », sont les principales revendications du mouvement. Lesquelles ne semblent pas encore trouver écho dans l'esprit des membres du gouvernement, dont les composantes ont légèrement changé durant la dernière décennie. Hausse des inégalité sociales, méfiance des citoyens vis-à-vis des institutions, hausse de la corruption et de l'impunité, et marasme du chantier de moralisation de la vie publique...sont autant de syndromes de la crise de confiance que traverse actuellement le Royaume, en dépit des réformes institutionnelles, économiques et sociales, entreprises depuis des années. Quel héritage après deux mandats gouvernementaux dont les tenants ont promis d'en finir avec la corruption ?
Force est de constater que la quête d'un nouveau modèle de développement est, en soi, une volonté de transcender l'échec de réformer le pays après l'épisode de 2011. Le Secrétaire Général du Parti de l'Istiqlal, Nizar Baraka, a appelé, à maintes reprises, à établir un nouveau contrat social, après que la crise sanitaire ait démontré la fragilité sociale du pays et les effets désastreux de dix ans de politiques ultra-libérales qui n'ont fait qu'exacerber les inégalités sociales et attenter au pouvoir d'achat des citoyens. Une politique qui a hissé le Royaume parmi le classement peu honorable des pays les plus inégalitaires à l'échelle régionale et continentale, selon un rapport d'Oxfam publié en 2019. Libéralisation des marchés, explosion de la concurrence déloyale, privatisation des services publics (en l'occurrence Education et Santé), sont les lignes directrices d'une politique conduite par l'ancien et l'actuel gouvernement, ayant suscité la grogne sociale tout au long des dix dernières années. En témoigne la multiplication des manifestations et des sit-in dans plusieurs villes du Maroc, guidés par des aspirations communes : emploi, éducation, santé et de meilleurs services publics. L'Etat social est une nécessité absolue et une revendication qui fait le consensus aussi bien dans la classe politique qu'ailleurs. Un chantier précipité par la crise sanitaire dont la généralisation de la couverture sociale en est la preuve.
Corruption : l'Etat bat en retraite
« La lutte contre la corruption » fut la principale promesse des deux majorités qui ont dirigé l'Exécutif jusqu'ici. Cependant, les ravages du fléau qui a fait sortir les Marocains dans la rue en 2011 se font sentir plus que jamais. Ceci s'est révélé de manière fulgurante lors de la campagne de boycott en 2018, où les citoyens se sont clairement exprimés contre la concurrence déloyale et la prolifération des oligopoles, encouragés par un libéralisme gouvernemental démesuré. À cela, s'ajoute « la victoire » de la corruption dans les secteurs aussi bien public que privé, laquelle a triomphé de toutes les tentatives de l'éradiquer.
La réforme du code pénal visant la pénalisation de l'enrichissement illicite est toujours en gestation, et celle de l'Instance de Probité est bizarrement bloquée au Parlement, un blocage intriguasses et dérangeant qui a poussé une fois de plus les députés Istiqlaliens, dont Omar Abassi lors d'un plaidoyer mémorable au Parlement, à dénoncer une volonté de saboter ces réformes. Par ailleurs, l'usage de l'argent ainsi que ses relations incestueuses avec la politique constitue une tare permanente constamment et récemment décriée par le comité exécutif de l'Istiqlal dans son dernier communiqué qui appelle expressément à affranchir la politique du diktat l'argent à l'approche des prochaines échéances électorales.
Ainsi, la moralisation de la vie publique et bien plus qu'un certain recul des libertés et droits individuels, reste le grand échec des dix dernières années, d'autant que l'impunité, les détournements de fonds publics et les conflits d'intérêts ne cessent de prendre de l'envergure, au point de menacer la cohésion sociale en favorisant la polarisation de la société, selon l'expression de Nizar Baraka lors de son dernier passage à la Fondation Abderrahim Bouabid.