La corruption menace la stabilité des sociétés La corruption menace la stabilité des sociétés et fait perdre aux citoyens la confiance en leurs institutions et en la capacité de la loi de protéger leurs droits, a affirmé le Conseiller Abdellatif Ouammou à l'ouverture, mercredi à Manille (Philippines) de la 5e Conférence mondiale des parlementaires contre la corruption (Manille, 30 janvier-2 février). Depuis l'indépendance du Maroc, a-t-il rappelé, la lutte contre la corruption et la prévarication a constitué une revendication première des populations. Malgré la ratification par le Maroc de la Convention des Nations unies de lutte contre la corruption le 9 mai 2007, entrée en vigueur le 30 novembre 2007, la création d'une instance centrale de lutte contre la corruption en décembre 2008 et l'adoption des lois relatives à la prévention et l'incrimination de la corruption, l'adoption de la loi concernant la lutte contre le blanchiment d'argent en 2007 et d'autres mesures, les réformes entreprises et la lutte sont restées en deçà des objectifs escomptés, a-t-il ajouté. Après le déclenchement des mouvements de protestation ayant accompagné le printemps arabe en 2011 pour réclamer des réformes et le respect de la dignité humaine, le Maroc s'est doté de la Constitution de 2011, qui souligne dans son article 36 la nécessité de mettre en place des lois sanctionnant la concurrence déloyale, la violation des règles de passation des marchés publics, l'abus de pouvoir, etc. La constitution a également renforcé les attributions de l'Instance nationale de la probité et de lutte contre la corruption en l'habilitant à prendre des initiatives, coordonner, superviser et assurer le suivi des politiques de lutte contre la corruption. Mauvais classement Partant de ces données, a-t-il dit, l'actuel gouvernement a décidé de s'engager dans le sens de consacrer la bonne gouvernance et de lutter contre la prévarication et la corruption, annonçant dans son programme son intention de prendre une série de mesures dans ce sens (réactualisation et mise à niveau de l'arsenal juridique relatif à la protection des fonds publics, lutte contre l'enrichissement illégal, mise en place d'une charte nationale de lutte contre la prévarication, modernisation de la législation relative à la déclaration du patrimoine et consolidation des assises de l'Instance nationale de probité et de prévention de la corruption). Outre ces mesures, le Maroc a mis en place un plan national intégré de lutte contre la corruption avec la participation des citoyens et des membres de la société civile en s'appuyant sur le partenariat entre les différents acteurs économiques et sociaux, les secteurs public et privé et les organisations de la société civile, a-t-il poursuivi. Malgré tous les efforts déployés et l'existence de plus de cinq établissements de contrôle et de sensibilisation contre la corruption, a-t-il dit, le Maroc est actuellement classé au niveau international à la 80e position sur 183 pays par Transparency International, qui lui a attribué la note 3,4/10. Ce qui signifie en d'autres termes, estime Ouammou, que les efforts et les réformes entreprises sont toujours en deçà des objectifs escomptés pour atténuer le phénomène. Selon une enquête de Transparency-Maroc, a-t-il noté, 55% des entrepreneurs considèrent que la corruption est un phénomène régulièrement répandu au niveau officiel au Maroc. D'après cette enquête ayant porté sur 100 entreprises marocaines parmi 3000 entreprises étrangères, le Maroc occupe un niveau avancé inquiétant au classement des pays où la corruption est très répandue. Interrogé sur la gestion des deniers publics, 49% des entrepreneurs interviewés ont indiqué que les fonds publics sont très mal utilisés par les hauts responsables de l'Etat, a affirmé Ouammou. Pour sa part, a-t-il dit, le réseau marocain pour la protection des fonds publics a indiqué que le détournement et le gaspillage des fonds publics représentent la plus grande partie des crimes financiers qui privent les Marocains d'exploiter leurs richesses dans leurs intérêts et contribuent à l'aggravation de la pauvreté et de la vulnérabilité de nombreuses couches de la population. Pour le réseau il est nécessaire de créer une instance indépendance qui aura la lourde tâche de récupérer les fonds publics volés et détournés et de faire cesser le processus d'impunité de ceux commettent de tels crimes financiers et d'autres. Passer aux actes La corruption est en effet très répandue au sein de nombre de secteurs dont la fonction publique, la justice, l'immobilier, la sécurité, les partis politiques, le parlement, le secteur de l'éducation et de la formation, la presse, les associations non gouvernementales et religieuses, l'armée, etc., a-t-il ajouté. Selon nombre d'analystes, la corruption constitue l'un des principaux obstacles au développement de l'investissement au Maroc et faire perdre au pays pas moins de 1,5 milliard de dollars chaque année. Constatant que les grands symboles de la corruption et de la prévarication ne sont aucunement inquiétés par la justice et qu'ils échappent à toute poursuite, nombre de Marocains estiment que l'actuel gouvernement est en effet incapable de mener à son terme le chantier de lutte contre la corruption et que le discours qu'il tient dépasse de loin ses actes. Ils vont maintenant jusqu'à dire que la corruption est un phénomène normal, structurel et chronique qui les accompagne durant la vie et ruine leur espoir de s'en débarrasser un jour de manière définitive. Telle que pratiquée, la corruption revêt différentes formes en présentant des cadeaux forts coûteux à des responsables, des pots-de-vin en contrepartie d'un service rendu ou à rendre, pour accélérer l'obtention d'un privilège, pour l'obtention d'un diplôme ou d'un marché, etc. Dans le but d'intensifier la lutte contre ce phénomène, le Conseiller Ouammou a avancé une série de propositions pour donner aux actions menées dans ce domaine toute l'efficacité escomptée en faisant appel à la société civile et en renforçant son rôle dans le combat national contre cet ennemi et en impliquant davantage le parlement dans ce combat décisif, sans oublier bien sûr le rôle de la justice dans la répression des crimes financiers, et ce dans le cadre d'une stratégie que le gouvernement est appelé à mettre en œuvre fondée sur la transparence et la bonne gouvernance, loin de tout tapage médiatique. Il est temps de faire de la lutte contre la corruption une priorité nationale, a-t-il dit. La ville de Manille aux Philippines est prête à accueillir près de 500 délégués de 78 pays à l'échelle de la planète participent à cette conférence, un des plus grands fora dédiés à la lutte mondiale contre la corruption. Des parlementaires, des représentants gouvernementaux et des membres de la société civile participent à cette conférence pour échanger leurs expériences et points de vue sur les législations et autres instruments mobilisés dans la lutte contre la corruption.