Depuis la fermeture des frontières entre le Maroc et les enclaves de Sebta et Melilia, les travailleurs transfrontaliers, qui vivaient d'emplois installés dans les enclaves, n'ont plus aucune source de revenu. Ils sont près de 9.000 citoyens marocains, travailleurs transfrontaliers aux enclaves de Sebta et Melilia, fortement impactés par la fermeture des frontières, imposée par la situation épidémiologique, qui souffrent de la discrimination du gouvernement espagnol. Durant maintenant huit mois, coincés au Maroc sans pouvoir atteindre leur travail, ces travailleurs n'ont plus aucune source de revenu. Ils sont salariés sous contrat, paient leurs impôts, cotisent mensuellement à la Sécurité sociale espagnole et, pourtant, ne profitent pas de leurs droits prévus par la loi. Le sujet, qui devait êtres discuté, lundi 09 novembre, au parlement en commissions, suscite depuis la fermeture un grand intérêt chez les députés istiqlaliens, nous explique Noureddine Modiane, Président du groupe de l'Istiqlal « Pour l'Unité et l'Egalitarisme : « Nous avons reçu ces personnes qui revendiquaient leurs droits, et nous en avons parlé au parlement. Ce sont des citoyens marocains qui vivent une situation difficile et pour lesquels le gouvernement doit trouver une solution en urgence », déclare-t-il. Selon Noureddine Modiane, la complexité du dossier vient du fait qu'il implique les deux gouvernements espagnol et marocain, qui doivent coopérer pour permettre à ces gens de retrouver leurs emplois. Le président du groupe istiqlalien déplore que « suite à la décision de fermeture des frontières, ces travailleurs ont vécu un calvaire. Pourtant, la solution est claire : ouvrir les frontières, dans le respect des mesures sanitaires nécessaires, pour ces personnes uniquement, afin qu'elles puissent retrouver leurs emplois et jouir de la compagnie de leurs familles. Il ne peut en être autrement », ajoutant qu'il faudrait éviter d'être rigide quant à la fermeture des frontières et traiter ce dossier de manière particulière, « qui a des répercussions sociales et économiques catastrophiques », précise M. Modiane. La discrimination que vit cette catégorie de la part du gouvernement espagnol, révélée au grand jour par la crise sanitaire, dure depuis maintenant plusieurs années, nous explique Chakib Marouane, secrétaire général du syndicat des travailleuses et travailleurs marocains de Sebta : « En plus de la Sécurité sociale, une imposition 24% de notre salaire est retirée parce que nous sommes des étrangers, et aujourd'hui nous ne recevons aucune aide de la part du gouvernement espagnol, contrairement à l'ensemble des travailleurs en Espagne. Nous sommes privés de nos droits élémentaires ». D'autre part, le secrétaire général du syndicat des travailleuses et travailleurs marocains de Sebta déplore la négligence du gouvernement marocain. M. Chakib indique que, durant plusieurs mois, le syndicat a envoyé plusieurs correspondances aux ministère de l'Intérieur, au ministère des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des marocains résidant à l'étranger et à la présidence du gouvernement, sans jamais avoir de réponse, soulignant que cette négligence est mal justifiée du fait que ces travailleurs contribuent dans les entrées en devises au Maroc, d'une somme de pas moins 20 milliards de centimes chaque année. Nabil LAAROUSSI 3 questions à Chakib Marouane « Il est de notre droit de profiter des aides sociales, puisque nous payons nos impôts et nous cotisons mensuellement à la Sécurité sociale espagnole » M. Chakib Marouane, secrétaire général du syndicat des travailleuses et travailleurs de Sebta, nous donne des clarifications au sujet de la situation d'une catégorie amplement affectée par la fermeture des frontières. - Quelle est la situation actuelle des travailleurs transfrontaliers à Sebta et Melilia ? - Il n'y a qu'un mot pour définir notre calvaire : la situation est catastrophique. Il suffit de réaliser que près de 9000 familles marocaines n'ont plus aucun revenu, et qu'elles vivent ainsi depuis la fermeture des frontières. D'autant plus que nombreuses sont les personnes qui ont perdu leurs emplois aux enclaves de Sebta et Melilia, après avoir reçu plusieurs avertissements, et nombreuses autres en reçoivent actuellement et risquent de perdre leurs emplois dans les semaines qui suivent, sans parler des lettres que beaucoup reçoivent des banques concernant des crédits et qui risquent de se retrouver devant les tribunaux. Ces familles vivent d'emprunts afin de subvenir à leurs besoins primordiaux, de payer leurs loyers et de pouvoir garantir la scolarité de leurs enfants. - N'avez-vous pas reçu d'aides sociales de la part du gouvernement espagnol ? Sous prétexte que nos contrats de travail ne nous permettent pas d'accéder à la résidence, le gouvernement espagnol nous refuse toute aide sociale, alors que le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, avait déclaré au début de la pandémie que tous les employés sous contrat ont droit à une aide sociale pendant le confinement. Pourtant, c'est notre droit, puisque nous payons nos impôts et nous cotisons mensuellement à la Sécurité sociale espagnole. C'est une situation déplorable, surtout quand on constate que le Maroc, avec ses moyens limités, a assuré une aide sociale même aux travailleurs des secteurs informels. Toutefois, en ce qui concerne l'aide apportée par le Maroc, il faut souligner qu'il existe un partenariat entre la Caisse espagnole et la Caisse marocaine au sujet des travailleurs transfrontaliers. Cela dit, les termes me sont inconnus et notre droit aux aides apportées par le Maroc reste un sujet ambigu. - Quelles sont vos revendications ? Nos revendications sont claires : nous voulons rentrer à Sebta pour assurer nos emplois, quitte à y rester pendant les mois à venir, et c'est au gouvernement de trouver une solution à ce nœud, dont l'ampleur touche près de 9.000 familles marocaines. Pendant des mois, nous avons essayé d'entrer en contact avec le ministère de l'Intérieur, le ministère des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des marocains résidant à l'étranger et avec la présidence du gouvernement, sans réussite.Ce n'est qu'en sollicitant les députés de notre région que notre calvaire a trouvé voix au parlement et auprès du gouvernement et nous espérons qu'une solution soit appliquée en urgence.
Recueillis Par N.L. Repères Améliorer les relations avec le Maroc Juan Bravo, le conseiller en charge du Trésor public au sein du gouvernement andalou, avait appelé, dans un entretien publié par «ceutaactualidad.com», à l'amélioration des relations bilatérales entre le Maroc et Sebta. Selon l'ex-député, l'Exécutif local devrait travailler sur le tissage des liens d'amitié avec le Maroc, chose qui serait bénéfique pour les deux parties. Et d'ajouter que Sebta tirerait un grand profit de la collaboration avec le royaume, «un pays préférentiel pour l'Europe». Nouveau statut pour les travailleurs : condition sine qua non du Maroc Parmi les négociations prévues par le gouvernement marocain avec l'Espagne avant l'ouverture des frontières terrestres, se trouve la question de la régularisation de ces milliers de personnes qui travaillent dans les villes de Sebta et Melilia et le respect de leurs droits de travailleurs, qui n'est souvent pas évident, comme le témoigne Mustapha de Béni Ensar : « L'Espagne est censée être un pays démocratique et le travailleur y est défendu, mais nous nous sentons lésés dans nos droits ».