Les transfrontaliers qui travaillent à Sebta et à Mellilia, les deux villes du nord marocain sous domination espagnole, ne décolèrent pas. Et le sentiment qui les anime est tel qu'ils menacent de bloquer les passages vers ces villes si le gouvernement continue de ne pas prêter attention à leurs problèmes. Ces questions qui les chagrinent, ils s'en sont ouverts à leur syndicat : l'Union marocaine du travail (UMT) qui a organisé mercredi à leur intention une conférence de presse en son siège de Rabat. La centrale y a expliqué qu'il y a danger «à laisser pourrir» et que, face au manque d'intérêt du gouvernement - pourtant sollicité à différentes reprises pour examiner «la question des travailleuses et travailleurs transfrontaliers, travaillant légalement à Sebta et Mellilia» - elle ne pouvait moins faire que d'aider à «mettre la lumière sur une cause juste qui concerne des milliers de familles». Ils sont, en effet, 7.000 à travailler dans des conditions jugées déplorables par Mohamed Boujida, secrétaire général de l'UMT pour la région de l'Oriental. Déçus de ce que le gouvernement de leur pays n'ait rien entrepris pour trouver solution à leurs problèmes, les frontaliers du nord n'ont d'autre alternative que de bloquer les voies de passage qui mènent aux deux villes en espérant susciter l'attention, a-t-il déclaré au cours de la réunion. S'exprimant sur les causes du ras-le-bol des transfrontaliers, il a déclaré que ces derniers se sentent lâchés par le gouvernement de leur pays «qui ne manifeste que tiédeur et lenteur à se saisir de leur dossier et à défendre leurs revendications». Il a estimé que les conditions de travail des transfrontaliers sont devenues intolérables et que l'ostracisme de l'occupant agissant, la situation tend vers l'explosion. Il a ajouté que malgré les nombreuses démarches entreprises tant auprès du gouvernement marocain que des autorités espagnoles, la situation des travailleurs marocains dans les deux villes n'a fait qu'empirer. Qualifiant de peu satisfaisante la réponse du gouvernement à la demande d'aide des transfrontaliers selon laquelle l'approche et la solution du problème ne peuvent être que globales et politiques, le syndicaliste a estimé au contraire qu'une solution pourrait être trouvée dans ce qu'il a considéré être «l'obligation de réciprocité des traitements». Il est temps que le Maroc dose et négocie ses efforts en matière de lutte contre l'émigration clandestine et de trafic de drogue en direction de l'Espagne en proportion des améliorations apportées aux conditions de travail de ses frontaliers, a-t-il clamé. Il a jugé que cette mesure est d'autant plus nécessaire que, selon lui, les autorités espagnoles des deux villes envisagent de mettre en place un plan pour mettre fin à la présence des frontaliers marocains à Sebta et à Mellilia à l'horizon 2016. La radicalisation du mouvement syndicaliste des transfrontaliers a reçu au cours de cette réunion l'appui inespéré des commissions ouvrières de Mellilia dont le représentant a annoncé l'enclenchement d'actions conjointes des deux syndicats et la mise en œuvre de nouvelles formes de combat pour «arracher les droits des frontaliers». Il a rappelé que son syndicat a tenté de sensibiliser les politiques espagnols, les organisations internationales et le Roi d'Espagne aux problèmes des transfrontaliers marocains. Les transfrontaliers marocains demandent la facilitation de l'établissement de l'autorisation d'exercice, son libellé au nom de l'employé au lieu de celui de l'employeur et l'extension de sa période de validité à 5 ans. Ils revendiquent également des allocations de chômage, des prélèvements sur salaires plus justes et la couverture sociale. Mais surtout, ils exigent le respect de leur dignité qu'ils estiment être quotidiennement mise à mal par «le racisme» de l'administrateur espagnol.