Bouchaib Habbouli, artiste qui sort volontairement des sentiers battus, revient avec une exposition rétrospective après un temps de retraite dans sa ville de cœur, Azemmour. Du 27 octobre 2020 au 15 janvier 2021, les Villas des Arts de Rabat et de Casablanca accueillent cette exposition qui retrace le parcours du peintre à la marge de l'esthétisme. Habbouli construit son itinéraire sur la vacuité. En somme, à chaque nouvelle présentation il effectue une rupture avec ses œuvres précédentes donnant un sens à sa perpétuelle recherche de l'absolu dans l'expression du réel. Libre de tout académisme réducteur de la créativité, il explore des espaces toujours nouveaux, inédits. Ses couleurs ternes et amorties rendent compte de son interprétation de la réalité qui l'entoure, marquée par la laideur. Cette laideur, il la porte en étendard de son approche de la peinture, car pour lui, « on ne peut faire de l'art indépendamment de la réalité qui nous entoure. Autrement, tout le travail effectué manquerait d'authenticité car la peinture est avant tout un mode d'expression. L'esthétique demeure un outil qui met en forme la profondeur du message ». Sa démarche tend au dépassement, s'opère avec rigueur, à l'écart de courants dominants. Elle se veut passion conductible, d'une expérience à l'autre autour de la recherche de l'inédit. Habbouli se singularise par une présence discrète, un regard marginal, et des positions bien tranchées. Du bistre au brou de noix, à l'encre de Chine, il ne cesse de brouiller les frontières, d'interroger et les matériaux considérés par un grand nombre de ses pairs comme «formes déchues de la peinture. L'essentiel pour lui est de d'élargir l'éventail de ce qui est réputé rebut d'atelier, de le réhabiliter en lui insufflant une expression dans une nouvelle vie. Partout la forme arrondie domine et va au-delà de ses fondements. L'espace est échelonné, délimité, non par la découpe du paysage mais par la nuance des couleurs qui ne se tranchent pas mais se superposent. L'appel à la lumière est l'une des constantes de son approche de l'art. Dans les recoins de ses toiles, il y a une lumière d'Automne, en filigrane, qui s'incruste dans des intervalles qui les éclaire de touches pour transformer le reconnaissable et rehausser la quête du suprême, sans tomber dans l'anecdote. Comme il arrive que des coulées subsistent grossièrement au pied de quelques hauteurs, se laissent voir manifestement mettant en évidence la volonté de marquer la rupture à l'intérieur même de l'achevé, déconstruire l'harmonieux et le cohérent. Par cette nouvelle exposition, Habbouli donne une preuve supplémentaire que la créativité, la vraie, se manifeste dans la distance avec le commun, avec les canons de la beauté si chers à ceux qui veulent encastrer l'esthétique dans une carcan de règles. Briser ces règles semble être une ligne de conduite chez cet artiste qui a choisi la difficulté dans le chemin de la création.