A ce moment même, le chef du gouvernement Saad Eddine El Othmani accueille Omar Cherkaoui, mandataire de la pétition pour la création d'un Fonds dédié à la lutte contre le cancer. Au bout de cette réunion, on saura quelle suite sera donnée à cette réclamation populaire. Par Hayat Kamal Idrissi
Mourir car n'ayant pas les moyens de se soigner, c'est le triste destin de beaucoup de Marocains frappés par le cancer. Cette pétition pour la création d'un Fonds dédié à la lutte contre cette maladie est la meilleure manière de leur rendre justice comme l'affirme ses initiateurs. Au bout de neuf mois de gestation, on saura aujourd'hui si ce Fonds verra le jour finalement. Genèse Tout commence avec la mort tragique d'une jeune militante de Meknès. Vaincue par le cancer, elle tombe sur le champ de bataille faute de moyens. Triste fin pour une boule d'énergie qui, au bout d'un combat désespéré, cède et s'en va en laissant un arrière gout amer à ses amis. Un cas parmi des milliers, voire des millions d'autres... « C'était triste de constater que Intissar est partie car n'ayant pas les moyens financiers pour lutter contre la maladie. Et le plus triste c'est de savoir que Intissar n'est qu'un cas parmi des milliers d'autres. Des citoyens malades qui affrontent seuls et sans les moyens une maladie féroce. Cette pétition est notre manière de leur dire qu'ils ne sont plus seuls », nous explique auparavant Jaouad Ech-Chafadi, l'un des initiateurs et membre de la présentation de la pétition nationale pour un fonds public de lutte contre le cancer. Un défi de taille ! « La loi nous offre cette option, cette occasion d'intervenir en tant que citoyens et d'opérer le changement en signant une pétition pourquoi pas la saisir et sauver des vies », rajoute Ech-chafadi. En effet, l'initiative fait valoir l'article 31 de la Constitution qui astreint l'Etat à mobiliser « tous les moyens disponibles pour faciliter l'égal accès des citoyennes et des citoyens aux soins de santé, à la protection sociale, à la couverture médicale et à la solidarité mutualiste ou organisée par l'Etat ». Pour Omar Cherkaoui et ses amis le traitement du cancer doit revêtir le caractère de service public. « L'Etat doit assumer ses responsabilités. On peut mourir d'un cancer mais il est inadmissible d'y succomber car n'ayant pas les moyens de s'offrir des soins », s'insurge Ech-chafadi. « Ces malades issus de catégories marginalisées et vulnérables socio-économiquement souffrent souvent de problèmes financiers qui ne leur permettent pas de couvrir toutes les dépenses, considérables, que requiert le parcours de soins », stipule la note de la pétition nationale, lancée le 24 décembre 2019. Un constat qui, d'après les pétitionnaires, nécessite une intervention urgente consistant à la création d'un régime spécial pour couvrir toutes les détails de la prise en charge des malades du cancer. Sans exceptions liées à des besoins ou une catégorie sociale spécifiques, insiste-t-on dans la pétition. Forte mobilisation Selon la loi organique n° 44-14 sur les pétitions, pour que cette pétition soit valable, ses initiateurs doivent recueillir 5.000 signatures. « Nous avons été agréablement surpris par le degré d'implication, de mobilisations et cette envie de changement chez les citoyens. Dès le lancement et au bout de 12 jours seulement nous avons recueilli 12.000 signatures. Le lendemain du lancement d'appel à candidature des coordinateurs qui devraient recueillir les signatures auprès des citoyens, nous avons reçu plus de 1000 candidatures au Maroc et 130 à l'étranger », explique Joaud Ech-Chafadi. Une forte mobilisation qui en dit long sur la sensibilité et l'importance de cette cause. « C'est l'affaire de tous. Chacun de nous a perdu un être cher à cause du cancer, chacun de nous voit chaque jour un proche lutter contre cette maladie, chacun de nous assiste, souvent impuissant, au combat désespéré d'un parent ou d'un ami contre une maladie si couteuse et fatale quand les moyens n'y sont pas. C'est pour cela que cette pétition et l'idée de ce fond interpelle et pousse à agir », analyse Amine Abkari, coordinateur de la pétition à Bouznika. Acteur associatif et journaliste correspondant, Amine est l'un des 1000 volontaires qui se sont activé à travers le Royaume pour assurer le bon déroulement de l'opération mais surtout de sa validité légale et la recevabilité de la pétition.
Démocratie participative « Car c'est là l'une des grandes causes de refus de précédentes pétitions », rajoute Ech-Chafadi qui insiste sur l'importance de bien ficeler la procédure et de faire les choses dans les règles. Regroupant des experts de différents horizons, le comité de présentation dont le mandataire est le constitutionnaliste Omar Cherkaoui, veille en effet à la professionnalisation et sur la validité de la démarche pour éviter que toute cette mobilisation tombe à l'eau. « Le comité, nos coordinateurs, nous tous nous vérifions jusqu'aux petits détails pour éviter le piège de l'irrecevabilité. D'ailleurs nous avons banni la signature électronique qui n'a aucun poids. Un citoyen qui n'est pas inscrit sur les listes électorales ne pourra pas signer une pétition. Si on veut faire de la démocratie participative, il faut se soumettre aux règles du jeu », insiste-t-on auprès du comité de présentation. D'après Amine Abkari, coordinateur de Bouznika, c'est ce point justement qui a empêché un bon nombre de citoyens désireux d'y participer, de signer. « Beaucoup de gens ne sont pas inscrits sur les listes électorales et c'est bien dommage car leur signature n'a aucun poids dans ce cas » explique-t-il. « La pétition appelle à l'institution du Fonds via un compte spécial inscrit dans la loi de finances 2021. Une fois admise par le gouvernement, l'initiative va atterrir devant le législateur. Notre objectif est de lancer un débat national et de le porter au parlement pour qu'il devienne un sujet d'opinion publique. Le nombre de signature est censé asseoir la légitimité de la pétition », nous explique Ech-Chafadi.