Le secteur du commerce et de la franchise est dans l'impasse. Il comptait énormément sur le projet de loi de finances rectificative ou encore les différents plans d'action entrepris par le gouvernement. Finalement, rien ou presque. Mounia Kabiri Kettani «Le secteur du commerce et de la franchise a subi de plein fouet les répercussions économiques de la pandémie de covid-19 ce qui pourrait aboutir à une fermeture définitive des structures les plus fragilisées quelques mois à peine après le redémarrage très timide de leurs activités », déclare le président de la fédération marocaine de la franchise, Mohamed Elfane. En effet, comme le précise ce dernier, la grande majorité des commerces, tous secteurs confondus, ont dû arrêter toute activité, tout en continuant à supporter des charges conséquentes pendant toute la durée du confinement. La baisse d'activité pendant cette période de confinement est évaluée à près de 90% du chiffre d'affaires, voire même 100% . Aujourd'hui, malgré le déconfinement et l'autorisation de la reprise des activités, plus de 50% des commerçants ont préféré garder leurs rideaux baissés. «Ils n'ont tout simplement pas les moyens pour reprendre leurs activités. Dès l'ouverture, ils seront contraints de payer un tas de charges et de factures (loyer, eau et électricité...) », explique ElFane qui selon lui, les professionnels sont prisonniers de leurs charges. Le secteur a préparé un plan de relance devrait être discuté au niveau du comité de veille économique. Et les professionnels avaient beaucoup d'espoir pour cette loi de finances rectificative. Ils s'attendaient à des mesures concrètes pour sauver ce qu'il y a à sauver. «Malheureusement, nous avons été surpris que le secteur qui emploie près de 2 millions de personnes au Maroc soit près de 14% de la population active du pays, et qui contribue à hauteur de 8% du PIB, n'est même pas cité parmi les secteurs impactés par la crise », regrette El Fane qui tire la sonnette d'alarme «en l'absence d'une réaction de la part des pouvoirs publics, beaucoup seront obligés de mettre la clé sous la porte ». Une pression des bailleurs à soulager Dans le secteur, la plupart des commerçants sont locataires. Pour les enseignes logés dans les malls, des arrangements ont été convenu et les bailleurs ont accordé 100 jours de loyers aux locataires. Ce qui n'est pas le cas pour beaucoup d'autres sites tels que les aéroports, les ports de plaisance, quelques espaces gérés par des administrations publiques et même les particuliers, comme nous le confie le président de la FMF. Les entreprises affrontent ainsi la pression de ces bailleurs, ce qui pourrait causer des litiges, débouchant sur des plaintes, des évictions et une perte conséquente en termes d'emplois. Pour gérer ce dossier la FMF préconise la suspension des procédures d'éviction pour une durée de 12 mois et cela afin d'offrir l'opportunité aux gérants d'entreprises de « se ressaisir » et trouver des solutions. Aussi, elle propose que les loyers entre bailleurs privés et gérants d'entreprises soient pris en charge de manière équitable, durant cette période, par le gérant d'entreprise, le bailleur privé et l'Etat, comme instauré dans les années 80, avec le plan d'ajustement structurel afin de soulager les gérants d'entreprises et les bailleurs privés. «les professionnels ont perdu quatre de mois de chiffre d'affaires de manière irrécupérable. Le bailleur doit aussi contribuer et faire preuve de solidarité », note El Fane. Pour les secteurs dont les activités ont été interrompues sous ordres du ministère de l'Intérieur Le la FMF incite les assurances à mettre en place une indemnité locative. Des impôts et taxes à réviser Un autre point qui suscite la colère des commerçants celui relatif aux impôts et taxes locales. (taxe professionnelle, taxe de Services communaux, taxe d'Enseigne, taxe sur les débits de boissons....). Selon la FMF, le paiement de ces taxes locales représente une charge importante à supporter par les commerçants et complique davantage la reprise de l'activité. Le président de la fédération lui, recommande de prévoir des abattements de paiement et révision des modes de calcul de ces taxes et plus particulièrement la taxe professionnelle. «Cette taxe a été éditée en Février et couvre toute l'année 2020. Nous sommes à l'arrêt d'activité totale pendant trois mois et deux mois d'arrêt partiel (40%à 50%) donc six mois d'inactivité ce qui nous amène à deux ans et demi pour récupérer », détaille El Fane qui appelle à une consolidation de cette taxe entre 2020 et 2021 et préconise un abattement de 50% des autres taxes dues. Reconsidérer le relèvement du droit d'importation Autre problématique relevée par les professionnels : les droits de douane. La Loi de finances rectificative 2020, prévoit en effet un relèvement considérable du droit d'importation de 30% à 40%. Cette mesure qui, selon le même texte de loi, vise « l'amélioration des recettes douanières collectées au titre du droit d'importation, d'encouragement de la production locale et de réduction du déficit de la balance commerciale. » soulève, pour le FMF, plusieurs questionnements quant aux dispositifs mis en place par le gouvernement afin de permettre aux commerces et aux entreprises de se tourner vers, ou se lancer dans la production locale. « ce relèvement du droit d'importation constitue un danger non seulement pour les entreprises, mais aussi pour le consommateur qui se retrouvera face à une inflation des prix. Il est donc nécessaire de reconsidérer cette mesure, afin de ne pas engouffrer le consommateur et le producteur, à la fois, dans une crise du pouvoir d'achat », alerte la FMF. Allégement des conditions d'octroi de crédits Pour les crédits et programmes de soutien lancés par les pouvoirs publics pour soutenir les entreprises, la FMF sollicite l'allègement des critères d'octroi des crédits, jugés trop drastiques pour être accessibles à un plus grand nombre d'entreprises. « Il serait intéressant que les sociétés avec impayés (et hors contentieux) puissent bénéficier du crédit Damane relance, surtout que la crise liée à pandémie succède à une autre crise, liée à la conjoncture économique mondiale, en 2019, qui a été une année très difficile pour les TPME », précise la FMF. Le programme intilaka a été aussi pointé du doigt surtout sur le critère d'éligibilité lié à l'âge des chefs des entreprises. La FMF suggère ainsi de relever l'âge de 41 ans à 51 ans et de permettre aux commerçants d'y accéder.