L'Administration Trump examine une proposition visant à suspendre les livraisons de moteurs à réaction coproduits par General Electric Co. pour un nouvel avion en cours de construction en Chine. Le risque d'une nouvelle escalade de mesures commerciales de protection pourrait avoir des répercussions très négatives sur le principal constructeur américain. En effet, l'Administration Trump pourrait refuser de délivrer une licence permettant à CFM International, une co-entreprise du groupe industriel GE et du groupe aéronautique français Safran SA, d'exporter de nouveaux moteurs à réaction LEAP 1C vers la Chine, ont indiqué des sources proches des discussions. Ces moteurs sont utilisés dans le développement de l'avion de ligne Comac C919 en Chine, le dernier d'une famille de nouveaux jets qui accuse déjà des années de retard. Des membres de l'Administration craignent que des ingénieurs chinois ne parviennent à déconstruire le moteur pour ensuite concevoir leurs propres modèles et percer ce marché, portant atteintes aux intérêts commerciaux des Etats-Unis. Selon des sources proches des délibérations, l'un des objectifs de l'interdiction d'exporter les moteurs CFM était de mettre en échec le développement de l'avion de ligne Comac, que la Chine espère lancer pour concurrencer les appareils à fuselage étroit dominants fabriqués par Boeing Co. et Airbus. SE. Le moteur LEAP 1C est le seul moteur conçu pour être utilisé dans le nouveau Comac C919. Par conséquent, l'interruption de la livraison de ces moteurs pourrait entraîner un retard indéfini dans la production du C919. Si cette proposition était concrétisée, elle n'empêcherait pas tous les moteurs fabriqués par GE ou sa coentreprise CFM d'être livrés en Chine. Les moteurs vendus à des avionneurs tels que Boeing ou Airbus, plutôt qu'au constructeur chinois Comac, sont certifiés par la Federal Aviation Administration et ne nécessitent pas la licence que certains membres de l'administration souhaitent utiliser pour interdire la livraison des moteurs pour les avions Comac. Selon une source proche du dossier, GE a fait connaître son opposition à cette décision, affirmant que ses moteurs sont déjà présents en Chine depuis des années sans preuve d'une moindre tentative de copie qui serait de toute façon extrêmement difficile. Le refus de l'octroi d'une nouvelle licence pour les moteurs CFM est à l'ordre du jour d'une réunion des responsables de l'Administration prévue ce jeudi. Cette question sera soulevée également lors d'une réunion des membres du cabinet, parmi d'autres questions liées aux politiques commerciales de la Chine le 28 février, indique une source proche du dossier. L'Administration envisage également de restreindre les exportations des systèmes avioniques fournis par GE pour l'avion chinois C919. GE a garanti aux investisseurs depuis des années qu'elle pourrait vendre ses produits industriels dont notamment les turbines électriques et les scanners médicaux, tout en se protégeant contre le piratage. Mais le casse-tête pour GE et d'autres industriels: comment s'accaparer des parts d'un marché chinois en croissance tout en protégeant leur propriété intellectuelle ? Cela est particulièrement vrai dans le cas des moteurs à réaction dont les processus de fabrication et les matériaux sont des secrets étroitement gardés et le développement de nouveaux modèles coûte des milliards. GE et d'autres groupes aéronautiques américains ont reçu depuis des années l'autorisation d'exporter divers systèmes qui sont incorporés dans des avions chinois. Pas plus tard qu'en mars 2019, le Département du commerce a délivré une licence autorisant CFM à livrer des moteurs LEAP 1C en Chine. Le C919 est actuellement testé en vol et devrait entrer en service passagers en 2021. GE est généralement optimiste quant à la famille des moteurs LEAP, dont le C n'est qu'une variante. « Par ailleurs, je pense que nous avons une grande confiance dans le moteur LEAP », a déclaré Larry Culp, PDG de GE, aux investisseurs lors d'une conférence téléphonique sur les résultats en janvier, à l'heure où le géant américain avertissait que les retards dans l'immobilisation au sol du 737 MAX de Boeing Co. pourraient affecter les profits à court terme tirés des moteurs. Toute interruption des livraisons pourrait également peser lourdement sur Safran. Laquelle mesure déclencherait probablement des objections de la part du gouvernement français. Par Ted Mann et Bob Davis