Le président algérien par intérim, Abdelkader Bensalah, a limogé mercredi le ministre de la Justice Slimane Brahmi et l'a remplacé par Belkacem Zeghmati, actuel procureur d'Alger, selon un communiqué de la présidence cité par les médias publics. Aucun motif n'est précisé dans ce communiqué, qui indique que le changement de portefeuille s'est fait « conformément à la Constitution (…) après consultation du Premier ministre Noureddine Bedoui ». Bedoui et son gouvernement ont été nommés le 31 mars par le président Abdelaziz Bouteflika, qui a démissionné deux jours plus tard, le 2 avril, après plusieurs mois d'un mouvement inédit de contestation. Or, l'article 104 de la Constitution indique que le gouvernement en fonction au moment de la démission du président de la République « ne peut être démis ou remanié jusqu'à l'entrée en fonction du nouveau » chef de l'Etat. La présidentielle prévue le 4 juillet pour élire le successeur de Bouteflika n'a pu être organisée faute de candidats et la période d'intérim de 90 jours maximum, prévue par la Constitution, a expiré début juillet. Magistrat à la longue carrière, Brahmi est remplacé par Belkacem Zeghmati, qui était depuis mai dernier procureur général de la Cour de justice d'Alger (qui regroupe Cour d'Appel, chambre d'accusation et tribunal criminel), poste qu'il avait déjà occupé entre 2007 et 2016. Il s'y était notamment fait connaître en émettant en 2013 un mandat d'arrêt international pour corruption contre Chakib Khelil, très puissant ancien ministre de l'Energie durant 10 ans et proche du président Bouteflika. Alors à l'étranger, Khelil n'était rentré en Algérie qu'en 2016, après l'annulation pour « vice de forme » du mandat d'arrêt, et le limogeage de Belkacem. Depuis la démission de Bouteflika, la justice algérienne a ouvert une série d'enquêtes pour corruption, visant plusieurs anciens hauts responsables de la présidence Bouteflika (1999-2019) et plusieurs hommes d'affaires accusés d'avoir profité de leurs liens privilégiés avec son entourage. Soupçonnée d'être instrumentalisée dans le cadre de règlements de compte au sein du pouvoir, la justice est également pointée du doigt dans sa répression du mouvement de contestation pacifique. Mardi, le général Gaïd Salah a écarté « catégoriquement » toute libération des personnes arrêtées en lien avec le mouvement, une « mesure d'apaisement » auquel s'était dit prêt le président Bensalah. Nul ne peut « interférer » dans les « prérogatives » de la justice ou tenter d'influer sur ses décisions », a-t-il martelé.