La victoire de M. Imamoglu, issu du Parti social démocrate (CHP), propulse l'homme de l'opposition vers l'un des sièges les plus puissants et les plus prestigieux de la Turquie. Par David Gauthier-Villars Un candidat de l'opposition a de nouveau remporté les municipales d'Istanbul ce dimanche (23 Juin) infligeant ainsi au président Recep Tayyip Erdogan son pire revers électoral après son emprise sur la mégalopole depuis un quart de siècle. Une défaite colossale qui vient d'exposer les troubles de son parti au pouvoir qui domine depuis longtemps la scène politique turque. En effet, le candidat du parti de l'opposition, Ekrem Imamoglu, a battu son rival de l'AKP, parti au pouvoir de M. Erdogan, avec 53,8% des voix contre 45,3% pour le candidat soutenu par Erdogan, selon les résultats partiels après dépouillement de 96% publiés par l'agence de presse officielle turque Anadolu. « C'est un nouveau départ », a déclaré M. Imamoglu dans son discours de la victoire. Le candidat de l'AKP, Binali Yildirim, a concédé sa défaite. « Je le félicite et lui souhaite du succès », a-t-il dit dans un bref discours télévisé. Imamoglu avait battu le candidat de l'AKP lors des premières municipales tenues en mars. Mais les autorités électorales avaient invalidé les résultats après les allégations de fraude formulées par M. Erdogan qui a par la suite demandé un nouveau scrutin. La défaite de ce dimanche, qui s'ajoute à la perte de la capitale, Ankara, aux élections de mars, constitue un revers cuisant pour M. Erdogan, qui a mené de nombreux rassemblements pour soutenir son protégé de l'AKP avant le nouveau scrutin. Cela arrive à un moment très délicat pour le président, qui se démène pour redresser l'économie turque frappée par la récession. Ce dernier doit rencontrer le président Trump à la fin de la semaine en vue de désamorcer les tensions diplomatiques entre les deux pays. Le mandat présidentiel de M. Erdogan s'étend jusqu'à 2023 et l'AKP, aux côtés d'un allié nationaliste, dispose d'une majorité à l'Assemblée nationale. Mais la défaite d'Istanbul montre à quel point le soutien populaire à l'AKP a diminué, et de manière constante, alors que la Turquie est aux prises avec des difficultés d'ordre économique depuis le milieu de l'année dernière. Une longue période de forte croissance, largement alimentée par de grosses dettes libellées en devises étrangères, a tourné court, le pays étant entré en récession au cours de l'hiver. La livre turque est en forte baisse, déclenchant une montée de l'inflation. Le style de leadership de plus en plus autoritaire de M. Erdogan attise un ressentiment croissant parmi la population surtout après la tentative du coup d'Etat manqué en 2016, suivi par des purges massives et des mesures de répression brutales à l'encontre des hommes d'affaires, des journalistes et des défenseurs des droits de l'Homme. La victoire de M. Imamoglu, issu du Parti social démocrate (CHP), propulse l'homme de l'opposition vers l'un des sièges les plus puissants et les plus prestigieux de la Turquie. C'est en fait la plateforme de lancement utilisée par M. Erdogan lorsqu'il dirigea la ville de 1994 à 1998. Tout en célébrant la victoire de leur candidat, certains dirigeants du CHP ont averti que M. Erdogan avait des antécédents en matière d'annulations des résultats électoraux lorsqu'ils ne lui plaisaient pas. Lors d'un récent briefing avec des correspondants étrangers, M. Erdogan avait affirmé qu'il accepterait les résultats des municipales.