L'inauguration de la première ligne maritime directe entre la Tunisie et le Maroc constitue un nouveau jalon sur la voie de l'intensification des relations économiques entre les deux pays. Néanmoins, les échanges commerciaux entre les pays du Maghreb restent limités, et le contentieux entre Rabat et l'Algérie présente un sérieux obstacle à la libéralisation du commerce régional. L'ouverture de la liaison maritime permettra de transporter les marchandises échangées sans escale et de réduire les délais de transit à quatre jours (au lieu des deux semaines de l'ancienne liaison qui passait par Marseille ou Malte) et donc de réduire les coûts de transport de manière significative. La ligne qui relie les ports de Radès et de Casablanca sera exploitée par deux sociétés maritimes privées au Maroc et en Tunisie et sera desservie par un navire marocain d'une capacité de 70 conteneurs et 33 bateaux à moteur. Le lancement de cette liaison maritime intervient dans le cadre des recommandations faites en février dernier lors de la réunion du haut comité conjoint tuniso-marocain, un organisme chargé de promouvoir les relations bilatérales entre les deux pays. Dans un communiqué, Mokhtar Rachdi, directeur général de la marine marchande tunisienne, a déclaré que l'accroissement du volume des échanges entre les deux pays nécessitait la création de cette liaison. Le transport aérien est bien plus onéreux et peu pratique pour le transport des marchandises lourdes grand volume. Par ailleurs, l'impasse diplomatique que connaissent les relations entre le Maroc et l'Algérie interdit aux deux pays , et à la Tunisie, d'utiliser le transport ferroviaire. Quant à l'infrastructure routière dans les pays du Maghreb, elle est relativement peu développée, mais le projet d'autoroute trans-maghrébine semble poursuivre son chemin. Le commerce entre les pays du Maghreb représente à peine 4% du commerce réalisé par le Maroc, la Tunisie, l'Algérie et la Mauritanie. Différends et mesures protectionnistes ont un effet profond sur leur coopération économique. L'appui algérien au mouvement séparatiste Polisario au Sahara occidental, dans le sud du Maroc, est un point d'achoppement notable. Par ailleurs, le Maroc et la Tunisie ont établi des relations commerciales solides avec l'Union européenne, et s'appliquent à augmenter le volume de leurs exportations vers l'Union aux dépens de la coopération intra-régionale. Un récent rapport publié par le ministre du commerce extérieur montre en effet que la valeur du commerce bilatéral était estimée à 300 millions de dollars en 2007 quand celle des échanges commerciaux avec l'Union européenne avoisinait les 55 milliards de dollars. A l'occasion du sommet dit « cinq plus cinq » qui réunit les pays d'Europe du Sud et les pays d'Afrique du Nord, le ministre espagnol des affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, a sommé les pays du Maghreb à travailler plus étroitement ensemble, tandis que le Fonds monétaire international a souligné l'année dernière le rôle capital que joue le commerce régional pour stimuler la croissance en Afrique du Nord. Certes, ces dernières années ont connu un certain dégel. Si le volume des échanges commerciaux reste relativement faible, les autorités espèrent que des initiatives telles que la ligne Casablanca-Radès permettront de renforcer les relations économiques. La ligne maritime « entraînera inévitablement une réduction des coûts et, par conséquent, une augmentation des mouvements de marchandises », selon Nadia Iraki, directeur général de la marine marchande marocaine. Le ministre tunisien du commerce et de l'artisanat, Ridha Touiti, s'attend à ce que « la dimension des échanges commerciaux entre la Tunisie et le Maroc augmente de manière significative dans les années qui viennent ». M. Touiti a ajouté que ce résultat serait en partie assuré par l'Accord d'Agadir signé entre le Maroc, la Tunisie, l'Egypte et la Jordanie pour une meilleure coopération aux termes duquel se profile la zone de libre- échange (ZLE) euro-méditérannéenne. Ceci étant dit, cet accord doit faire face à de nombreux problèmes depuis son entrée en vigueur en avril 2007. En l'occurrence, il s'oppose à la ZLE entre le Maroc et les Etats-Unis qui stipule des « règles d'origine » très strictes, ce qui limite les exportations vers les Etats-Unis hors taxe. Plus important encore est le fait que l'Accord d'Agadir n'inclut ni la Mauritanie ni l'Algérie, par le biais duquel les marchandises marocaines transportées par voie terrestre doivent transiter pour arriver en Tunisie ou vice-versa. En l'occurrence, des représentants du secteur maritime algérien présents lors de la cérémonie de lancement ont exprimé leur volonté d'explorer une coopération similaire avec la Tunisie, mais apparemment pas le Maroc. Les travaux du tronçon algérien de l'autoroute transmaghrébine ont démarré l'année dernière. Si tout se déroule comme prévu, l'infrastructure nécessaire à l'optimisation du commerce sera fin prête dans quelques années. Néanmoins, un relâchement des barrières commerciales serait l'étape la plus importante vers une intensification de l'activité économique entre le Maroc et l'Algérie, et au-delà.